Basculer vers un monde décarboné, c’est l’objectif de l’Europe à l’horizon 2050. « Le réchauffement de la planète devrait atteindre 1,5 °C en 2030, sans doute plus de 3 degrés voir 3,5 degrés en 2100, nous serons donc bientôt sur des amplitudes ingérables, estime Olivier Sala vice-président d’Engie en charge de la recherche et de l’innovation. L’urgence climatique ne nous permet pas d’attendre davantage. Mais après des décennies de déni, il ne faudrait pas céder à l’abattement. Nous avons un devoir d’optimisme qui nous oblige à passer à l’action ».
Décarboner nos activités
Comment faire, alors ? D’abord en réduisant notre consommation d’énergie au niveau européen d’au moins 30 à 50 %. Ce qui passe par des politiques incitant à la sobriété. Ensuite en électrifiant le maximum d’activités humaines, avec une énergie décarbonée, renouvelable, éolienne et solaire notamment. Troisième piste : le recours à des molécules bas carbone, qui seront soit d’origine biologique (déchets alimentaires ou agricoles par exemple), soit produites à partir d’hydrogène. Cet hydrogène, obtenu par électrolyse de l’eau, à la différence de l’hydrogène issu d’hydrocarbures, n’est pas polluant.
« Si l’on souhaite des émissions qui aient une empreinte carbone nulle, il faut que le CO2 émis provienne de sources biogéniques, comme la méthanisation, une technologie basée sur la dégradation par des micro-organismes de la matière organique, en conditions contrôlées et en l’absence d’oxygène, poursuit Olivier Sala. Autre possibilité : capturer le CO2 dans l’air. D’importants investissements sont engagés sur cette technologie, mais ils ne porteront pas leurs fruits avant une dizaine d’années au moins ».
Lesquelles de ces pistes sont privilégiées par Engie ? Toutes sont intéressantes et doivent être étudiées en même temps, car il n’y aura pas une solution miracle pour arriver à la décarbonation de nos émissions, mais des solutions techniques diverses qu’il faudra combiner selon les situations locales. Le défi est aussi de renforcer la capacité de l’Europe à se procurer les matières premières indispensables pour la fabrication des composants (cobalt et lithium notamment) et à encourager l’innovation industrielle sur ces nouvelles énergies.
Solaire : une piste européenne
Après l’Allemagne et l’Italie, la France est le troisième producteur d’énergie solaire, mais le solaire ne représente que 3 % de la consommation d’énergie des Français, donc la marge de progression de ce secteur est très importante. Elle pourra se faire non seulement en multipliant le nombre de panneaux photovoltaïques, mais aussi en diversifiant les surfaces où les installer, et bien sûr en améliorant leurs performances. C’est plus particulièrement sur ce sujet que travaille Jordi Badosa, directeur de recherches à l’École polytechnique (IP Paris) et directeur technique du Centre Interdisciplinaire Energie4Climate (E4C).
Il développe à l’observatoire de recherches atmosphériques SIRTA (Site Instrumental de Recherches par Télédétection Atmosphérique) des plateformes instrumentales d’expérimentation permettant de tester les conditions plus ou moins favorable à la production d’énergie des panneaux photovoltaïques. Objectif : déployer massivement l’énergie solaire à l’échelle d’un quartier ou d’une ville.
Nouveaux usages du photovoltaïque
De nouvelles pistes sont à l’étude, comme par exemple l’agri-voltaïsme, qui consiste à combiner une production d’énergie solaire avec une production agricole. Des installations sont en test au-dessus de cultures qui ont besoin de peu de soleil (salades notamment), avec des panneaux qui peuvent s’orienter et laisser passer plus ou moins de lumière selon les moments de la journée et les périodes de l’année. En cas de sécheresse, de tels panneaux peuvent en outre protéger le sol de l’évaporation. Les lacs seraient également de bons supports à l’installation de panneaux solaires, car plus ceux-ci sont chauds moins ils produisent d’énergie. Flottants, ils bénéficient d’un effet de rafraîchissement naturel.
D’importants progrès ont aussi été faits sur le recyclage des différentes matières composant les panneaux photovoltaïques, qui seraient désormais recyclables à 90 % ce qui est essentiel dès que l’on envisage des technologies durables.
Reste la question problématique de l’intermittence de l’énergie solaire. Mais outre les recherches menées sur le stockage, Jordi Badosa pense comme Olivier Sala que l’avenir réside dans un mix énergétique, comprenant notamment des solutions à base d’hydrogène vert.
Enfin, pour réussir la transition énergétique, « il faudra que ces énergies soient non seulement acceptées, mais surtout désirées par les consommateurs », conclue Olivier Sala.