Blockchain : la technologie s’améliore mais la réglementation reste insuffisante
- La Blockchain est une technologie qui permet de déployer des infrastructures décentralisées, il existe des paradigmes publics et d’autres privés.
- Encore en cours de développement, la Blockchain pourrait révolutionner nos transactions futures.
- Cette technologie très prometteuse est encore limitée, elle suscite enthousiasme et interrogation.
- Des améliorations restent à prévoir (le rapport efficacité/coût et la question de confidentialité de son utilisation), mais déjà des technologies comme rollups et zéro knowledge font leurs preuves.
Avec l’intérêt grandissant pour les différentes cryptomonnaies, la technologie des « Blockchains » (chaînes de bloc) a connu une montée en puissance fulgurante ces dernières années. La blockchain a encore une grande marge de progression, alors quelles applications concrètes peut-on prévoir pour le futur ?
Certains scandales ont fini par entraver son développement. « L’enthousiasme a été tel qu’évidemment ces cryptomonnaies défraient la chronique, estime Daniel Augot, directeur de recherche à l’INRIA et responsable de la chaire Blockchain. Il y a eu de la spéculation, des fraudes, de la manipulation, des montants exorbitants qui sont atteints par celles-ci de manière complètement déraisonnable. » Cela a eu pour effet de dissiper l’engouement généré, alors que, pour le chercheur, il faudrait une « meilleure compréhension de la technologie pour moins se laisser séduire. »
Cette technologie n’est pas réduite aux cryptomonnaies. « La blockchain est une technologie qui permet de déployer des infrastructures décentralisées, explique Xavier de Boissieu, co-fondateur de Quadratic, société de conseil et d’ingénierie en data science, développement applicatif et Web‑3. Par exemple, les données des transactions bancaires sont stockées sur un serveur appartenant à une entité, généralement des banques, qui aura tout le loisir d’aller les modifier ou les supprimer. » Ce fonctionnement pousse à devoir faire confiance à cette entité. « Dans un système Blockchain, la tenue de cette information est assurée par une multitude d’entités, ajoute-t-il. Ainsi, par cette décentralisation des infrastructures, ce système porte en lui-même la confiance. »
Un enthousiasme précipité, mais justifié
Selon Daniel Augot, la Blockchain a suscité un enthousiasme justifié. Cette technologie a le potentiel de révolutionner nos transactions. Seulement, elle peut être considérée comme encore jeune et de nombreuses limites lui ont été découvertes ces derniers temps. Une chaîne de bloc permet avant tout de fournir un registre infalsifiable, qui peut servir de support aux cryptomonnaies. « Le but du fameux Bitcoin, par exemple, était de garder des traces des transactions monétaires, atteste-t-il. C’est l’activité que font les banques entre-elles, mais elles le font de manière altérable. Elles peuvent annuler un paiement, ou tout simplement altérer ce qui a été fait. Chose impossible avec la Blockchain, car on veut que cela soit scellé et donc impossible à modifier. »
L’intérêt est important, mais quelques limites restent présentes. Notamment, le nombre d’opérations par seconde qui reste faible. La latence des transactions étant lente, les frais sont élevés. La réponse à cette limite est les rollups. « Les rollups sont des traitements par lots des opérations pour un grand nombre de transactions, poursuit Daniel Augot. Il n’y aura juste qu’une trace minimale qui sera inscrite sur la chaîne. On économisera donc de la place dans le registre. » Ces rollups sont externalisés à la Blockchain, mais ont le bénéfice de récupérer la sécurité de cette dernière. « On a une situation asymétrique, avec un utilisateur ayant de très faibles ressources de calculs (un smartphone) qui ne fait pas totalement confiance au serveur qui fait le calcul pour lui, indique-t-il. On a donc besoin d’un calcul vérifiable qui permet d’imposer au serveur de fournir une preuve cryptographique au travers du rollup. »
Une deuxième limite touche la nécessité d’assurer la confidentialité de son utilisation. À nouveau, une technologie a été mise en place pour pallier cette importance. « Le zéro knowledge est une technologie miraculeuse, confie le chercheur, qui permet de faire des inscriptions de manière cachée, aveugle, tout en prouvant que ces inscriptions correspondent à des opérations valides. » Cela permet de valider une opération, sans pour autant voir ce qu’il s’y fait.
Le futur de nos transactions
Tout d’abord, il existe deux grands paradigmes de déploiement de Blockchain : La Blockchain privée et la Blockchain publique. « Dans un système de Blockchain privée, l’accès à l’infrastructure et le rôle de validateur sont tous deux restreints, note Xavier de Boissieu. Pour un système public, c’est strictement l’inverse. L’accès est mondial, n’importe qui peut accéder à l’information et écrire dans le système. » Les systèmes privés sont généralement utilisés entre entreprises. Par cette limitation d’accès, ils offrent plus de contrôle et de confidentialité. De l’autre côté, les systèmes publics trouvent leur avantage dans la transparence des opérations. Ils sont souvent utilisés pour les cryptomonnaies et l’émission de tokens, le Bitcoin et Ethereum en sont une illustration.
La Blockchain entre entreprises permet la mise en place d’une infrastructure partagée et de confiance. Une fois ce socle d’informations commun établi, les entreprises pourront construire des applications, qui sont souvent des applications de digitalisation afin de gagner en efficacité opérationnelle « Quand la technologie permet la coopération entre acteurs potentiellement concurrents, on parle de coopétition, complète le cofondateur de Quadratic. Elle permet donc le déploiement de ce type d’applicatif non pas à l’échelle d’une entreprise, mais à l’échelle de plusieurs entreprises, voire d’un secteur tout entier. »
Cette technologie commence déjà à dessiner le futur de nos transactions. Cela s’observe par la puissance que cette technologie commence à fournir aux Organisation autonome décentralisée (DAO). « Il y a des DAO qui ont quelques milliards de dollars en trésorerie et qui vont gérer par gouvernance des opérations qui peuvent rapporter des centaines de millions de dollars de bénéfices annuels, développe Xavier de Boissieu. Nous sommes donc vraiment passés du stade de la recherche et de l’expérimentation à la mise en place de protocole de coordination à grande échelle. »
La naissance du Web3
Les Blockchains publiques, elles, permettent la création de systèmes décentralisés sans besoin d’autorité centrale. Cela améliore la confiance et la sécurité dans divers domaines, comme la finance, la santé, ou encore la gestion de la chaîne d’approvisionnement. Un exemple clair de cette transparence accrue se trouve dans le rôle des validateurs. « Une des fonctions des cryptomonnaies est d’abord la rémunération des validateurs des Blockchains publiques, mentionne Xavier de Boissieu. Cette motivation assure d’augmenter le nombre de validateurs de ces chaînes. L’intérêt : avoir le plus grand nombre de personnes pour hétérogénéiser le plus possible les intérêts de ces derniers, et assurer la bonne validation des Blockchains. » Ce type de système n’est en effet pas infaillible lorsqu’une majorité de validateurs, ayant le rôle de valider et de sécuriser une chaîne immuable, travaille dans son intérêt.
Les principales utilisations des Blockchains publiques incluent donc les cryptomonnaies, les contrats intelligents, et la traçabilité des transactions. « Cela implique deux aspects, maintient-il. Le premier est que nous avons des infrastructures publiques de confiance, dans lesquelles nous pouvons tenir des registres inaltérables. Ces registres d’informations peuvent donc être des registres de valeurs, des registres de qui détient quoi. Le deuxième est la présence de systèmes d’implémentation informatique de Tokens, qui permettent de transférer de manière quasi-immédiate et sécurisée cette valeur. » Cela donne le nom d’Internet de la valeur à ce type de Blockchain, donnant place au successeur du Web2, le Web3. « Aujourd’hui, au-delà de l’Internet de l’information que nous connaissons [Web2], déclare-t-il, il y a une nouvelle couche [Web3] qui donne la possibilité de véhiculer de la valeur sur des réseaux publics. »
« Dès lors que nous pouvons mouvementer de manière non permissionnée de la valeur d’un bout à l’autre du globe quasi instantanément, nous voyons bien les problèmes que cela peut causer, conclut-il. Il faut donc un encadrement réglementant cette technologie, malgré les difficultés que cela implique au vu de son évolution rapide. »