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Projets de transformation : comment embarquer ses équipes ?

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Ali Armand
directeur pédagogique du pôle Leadership & Management à l'École polytechnique (IP Paris)
POISSONNET_Dominique
Dominique Poissonnet
CEO fondateur de « Alaska Consulting »
En bref
  • Il est indispensable d’embarquer ses équipes quand l’entreprise est soumise à des projets de transformation.
  • Pour ce faire, 6 leviers sont à mettre en place : la confiance, l’inclusion, l’appartenance, l’importance, le sens et la valeur pour soi.
  • Parmi ces leviers, la valeur pour soi prend de plus en plus d’importance avec les nouvelles générations, qui recherchent ce que le projet pourra leur apporter.
  • Un des leviers les plus fondamentaux est la production du sens, car elle permet de donner une vision claire pour le futur qui guide les membres de l’équipe.
  • Aujourd’hui, si 80 % des entreprises font des projets de transformation, 70 % échouent : ces 6 leviers sont donc essentiels.

Entre les évo­lu­tions tech­nologiques, les dif­férentes approches des modes de tra­vail ou encore la tran­si­tion énergé­tique, le monde de l’entreprise est par­fois soumis à des muta­tions impor­tantes. De telles sit­u­a­tions impliquent de nom­breux pro­jets de trans­for­ma­tion au sein des entre­pris­es — cor­re­spon­dant à une néces­sité de repenser leur fonc­tion­nement autant d’un point de vue organ­i­sa­tion­nel que stratégique. Seule­ment, les men­er à bien dépend des per­son­nes qui sont au fonde­ment de ces entre­pris­es, les employés, et de leur engage­ment. Alors, com­ment par­venir à embar­quer ses équipes ? 

Ali Armand, directeur péd­a­gogique du pôle Lead­er­ship & Man­age­ment à l’École poly­tech­nique Exec­u­tive Edu­ca­tion, étudie dif­férentes ques­tions rel­a­tives à la mobil­i­sa­tion des col­lec­tifs et leur engage­ment, pour savoir com­ment mieux les embar­quer dans un pro­jet de trans­for­ma­tion. Dominique Pois­son­net, lui, est con­fron­té à ces ques­tions sur le ter­rain en tant qu’expert en trans­for­ma­tion à l’Alaska Consulting. 

Leur exper­tise sur le sujet nous donne quelques pistes pour s’assurer de l’engagement des per­son­nes concernées. 

« 70 % des projets de transformations échouent. »

Les pro­jets de trans­for­ma­tion ont une enver­gure impor­tante, et touchent l’entreprise de fond en comble. « Les motifs de trans­for­ma­tion d’entreprise vari­ent beau­coup. Ils peu­vent être pure­ment économiques, ou bien vrai­ment socié­taux, explique Dominique Pois­son­net. Mais dans tous les cas, ces trans­for­ma­tions ont lieu dans un con­texte d’urgence, c’est-à-dire quand il y a un enjeu de péren­nité de l’entreprise, et quand il y a la néces­sité de revoir com­plète­ment le mod­èle de l’entreprise. » Tout ceci rend leur mise en place dif­fi­cile, d’autant qu’il est néces­saire que toutes les par­ties prenantes s’engagent pour qu’elles soient réelle­ment efficaces.

« Aujourd’hui, si 80 % des entre­pris­es font un pro­jet de trans­for­ma­tions, 70 % des pro­jets échouent. », ajoute Dominique Pois­son­net. La rai­son ? Le manque d’implication des par­ties prenantes : c’est pourquoi les embar­quer est fon­da­men­tal. Pour ce faire, dif­férentes straté­gies peu­vent être mis­es en place. Ces dernières doivent pren­dre en compte les envies des mem­bres de l’équipe, sans pour autant se lim­iter à leur sat­is­fac­tion. « Le pre­mier fac­teur de désen­gage­ment des col­lab­o­ra­teurs, tous secteurs con­fon­dus, est le manque de recon­nais­sance, et pas du tout le manque d’argent, main­tient Ali Armand. L’argent ne fera que génér­er une men­tal­ité de mer­ce­naires. » 

Les deux hommes met­tent en avant 6 leviers sur lesquels s’appuyer pour par­venir à cet engage­ment néces­saire : la con­fi­ance, l’inclusion, l’appartenance, l’importance, le sens et la valeur pour soi.

Se sentir bien dans son équipe

Il n’y a pas d’ordre hiérar­chique dans ces leviers, pour autant, la con­fi­ance organ­i­sa­tion­nelle dépend fon­cière­ment des 5 autres. « Pour avoir une con­fi­ance organ­i­sa­tion­nelle, il faut génér­er un sen­ti­ment au sein de l’organisation dans lequel le cadre et l’objectif sont clairs, où il y a une vision partagée, explique Ali Armand. Et surtout, dans lequel nous n’avons pas peur des choses cachées sous la table, car elles seront tou­jours mis­es en avant, avec trans­parence, pour en dis­cuter. » Ain­si, cette con­fi­ance est le résul­tat de la bonne appli­ca­tion des autres leviers.

« Près de 70 % des col­lab­o­ra­teurs en France con­sid­èrent que leurs avis ne sont pas pris en con­sid­éra­tion par la direc­tion, insiste Ali Armand. Alors que c’est un élé­ment fon­da­men­tal pour con­cevoir un pro­jet de trans­for­ma­tion. » Ceci touche un sec­ond levi­er, l’inclusion. « L’inclusion résulte de la nature par­tic­i­pa­tive au pro­jet de trans­for­ma­tion, con­sid­ère Dominique Pois­son­net. Seule­ment, elle peut rapi­de­ment tourn­er au cauchemar, car dans une grande entre­prise, inclure 50 000 per­son­nes peut être com­pliqué. » La mise en place d’un réseau partagé, liant tous les pôles d’une entre­prise, peut, par exem­ple, ali­menter ce sentiment. 

Un troisième levi­er à focalis­er pour amélior­er le bien-être de ses employés dans son équipe est le sen­ti­ment d’appartenance. « Nous arrivons à touch­er les gens, à par­tir du moment où nous par­lons des intérêts spé­ci­fiques de la com­mu­nauté, de l’équipe à laque­lle ils appar­ti­en­nent, relève Ali Armand. Il est donc ques­tion de con­stru­ire et de dévelop­per un sen­ti­ment de cohé­sion au sein même de l’équipe, de génér­er une respon­s­abil­ité mutuelle et des rap­ports de prox­im­ité entre ses dif­férents mem­bres. » Ce sen­ti­ment est pri­mor­dial selon Dominique Pois­son­net, et est recher­ché par « tout indi­vidu, car en appar­tenant à une com­mu­nauté, il pour­ra recon­naître son pro­pre statut, tout en béné­fi­ciant de la force qu’elle lui donne ».

Trouver du sens dans le projet

Une fois la cohé­sion con­stru­ite entre les mem­bres de son équipe, il est impor­tant de s’assurer qu’ils trou­vent un sens au pro­jet de trans­for­ma­tion. «La pro­duc­tion du sens est vrai­ment le levi­er le plus fon­da­men­tal, estime Dominique Pois­son­net. Il est ce qui don­nera une vision pour le futur, basée sur les valeurs de l’entreprise. » Ain­si, quels que soient les obsta­cles présents sur leur chemin, les mem­bres de l’équipe auront tou­jours cette vision claire qui leur per­me­t­tra de con­tin­uer d’avancer, quitte à faire un détour.

L’engagement d’un employé provient aus­si de la con­science qu’il a de son impor­tance. « Si les col­lab­o­ra­teurs pensent qu’ils sont des entités inter­change­ables et que n’importe qui pour­rait faire leur tra­vail, indique Ali Armand, ils ne s’engageront pas autant et au même niveau que s’ils ont pris con­science de leur impor­tance, à titre per­son­nel, pour la réus­site du pro­jet. » 

Le dernier levi­er, la valeur pour soi, prend d’autant plus d’importance avec les nou­velles généra­tions. « La créa­tion de valeur pour soi, c’est per­me­t­tre à l’individu de com­pren­dre ce que le pro­jet lui apportera à lui. », pré­cise Dominique Pois­son­net. Un indi­vidu sera d’autant plus engagé à la réus­site d’un pro­jet s’il a con­science de l’apport béné­fique que celui-ci lui apportera. 

Ces 6 leviers n’ont donc pas d’ordre hiérar­chique car ils doivent tous être mis en place pour assur­er la réus­site d’un pro­jet de trans­for­ma­tion. «Nous remar­quons, en réal­ité, que le prin­ci­pal cap­i­tal dans les organ­i­sa­tions est le cap­i­tal humain, con­clut Ali Armand. Nous avons donc besoin de l’empathie, de prox­im­ité, d’humanité. Avec tous ces élé­ments-là, nous aurons le ter­reau néces­saire pour pou­voir con­stru­ire un véri­ta­ble engage­ment de la part des col­lab­o­ra­teurs au sein de l’organisation.» 

Pablo Andres

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