Cet article est la première partie sur deux d’une enquête réalisée avec l’Ifop, en août 2022. Cliquez ici pour télécharger les résultats de notre enquête.
Seulement 21% ont une culture scientifique « satisfaisante »
Invités à s’autopositionner sur leur niveau de culture scientifique1, seuls 21 % des Français déclarent avoir une culture scientifique satisfaisante, dont 3 % très satisfaisante – un niveau en baisse par rapport à 2018 (27 %, soit ‑6 points). Ils sont en parallèle 42 % à la considérer comme moyenne, tandis que 37 % considèrent avoir des lacunes en la matière, dont 17 % de grosses lacunes. Cette baisse de l’auto-évaluation de son niveau scientifique peut être mise en regard du niveau de technicité du débat scientifique des deux dernières années lié au Covid-19.
Dans le détail : les hommes et les moins de 35 ans sont plus nombreux à évaluer leur culture scientifique à un niveau satisfaisant (respectivement 26 % et 33 % d’entre eux, contre 18 % des femmes et 17 % des 35 ans et plus). Le positionnement plus avantageux des plus jeunes s’explique notamment par un niveau de connaissances et d’études sans doute supérieur à celui de leurs aînés à la même époque, mais aussi par le caractère plus récent de leur apprentissage. Le « gender gap » revêt en revanche plusieurs niveaux d’explications : tout d’abord, les hommes ont tendance à davantage surévaluer leurs connaissances à tous niveaux, lorsque les femmes ont tendance à les dévaluer. De plus, les femmes ont, du fait de leur parcours scolaire, moins d’attrait pour les matières scientifiques, et ne sont pas autant encouragées que les hommes à poursuivre des études scientifiques.
Près de 92 % ont une « bonne image » de la science
Ce niveau de culture scientifique, qui apparaît relativement faible, ne semble pas pour autant influencer l’image globale que les Français se font de la science en général. Ils sont ainsi 92 % à déclarer en avoir une bonne image, dont 22 % une très bonne image.
On constate toutefois dans le détail une influence du niveau de culture scientifique sur le degré de très bonne image de la discipline. Ainsi observe-t-on que ceux jugeant avoir une culture satisfaisante sont 55 % à avoir une très bonne image de la science, quand ceux qui la déclarent lacunaire ne sont plus que 9 % (soit 46 points d’écart).
Si la bonne image de la science est unanimement partagée par l’ensemble des Français, des clivages s’opèrent toutefois au niveau de la très bonne image : les hommes et les CSP + sont ainsi plus nombreux à déclarer avoir une très bonne image de la science (respectivement 31 % et 38 % d’entre eux, contre seulement 15 % des femmes et 14 % des CSP-). De plus, les sympathisants de partis contestataires, tels que la France Insoumise, sont moins nombreux à avoir une image très positive de la science (18 %) tandis que les sympathisants des partis de gouvernement sont plus nombreux à en avoir une image très positive : 32 % des sympathisants de La République en Marche, 39 % des sympathisants Les Républicains et 28 % des sympathisants du Parti socialiste et d’EELV.
72 % estiment que la science rend l’Homme meilleur
Plus précisément, au sujet de la science, plus de 9 Français sur 10 se montrent d’accord avec les affirmations selon lesquelles la science est une source de progrès pour l’humanité (93 %, dont 39 % tout à fait d’accord), qu’elle a un impact économique important via les innovations qu’elle permet (91 %, dont 27 % tout à fait d’accord), ou encore que la science doit rester une référence car elle permet de distinguer le vrai du faux sur un grand nombre de sujets (90 %, dont 32 % tout à fait d’accord).
87 % des Français considèrent également que la science regroupe un ensemble de disciplines attractives, ce qui n’empêche pas 70 % d’entre eux de les juger en parallèle complexes et peu accessibles. Aussi, 72 % estiment que le développement de la connaissance scientifique rend l’Homme meilleur.
8 Français sur 10 ont confiance en les scientifiques
Au-delà de l’image de la science en général, les scientifiques bénéficient eux-aussi d’une bonne image auprès du grand public, bien qu’un peu plus nuancée.
93 % s’accordent sur le fait que les scientifiques sont des gens motivés par le désir de savoir, la curiosité et l’imagination (dont 35 % tout à fait d’accord). Cet item constitue le seul à avoir recueilli l’agrément de plus de 9 Français sur 10. Vient ensuite l’idée selon laquelle les scientifiques sont motivés par le désir de contribuer à changer le monde, pour 85 % dont 19 % tout à fait d’accord. 8 Français sur 10 considèrent également que les scientifiques sont dignes de confiance, mais dont 12 % seulement tout à fait d’accord – un des scores les plus faibles obtenus sur cet item de réponse.
Les 25–34 ans sont également sous-représentés parmi ceux faisant confiance aux scientifiques (69 %, soit 11 points sous la moyenne) – un phénomène qui semble prendre de l’ampleur au sein de cette génération, la première à avoir grandi avec les réseaux sociaux, marquée par une défiance croissante envers les instances dirigeantes, et davantage en proie aux difficultés de la vie active (par rapport aux 18–24 ans).
D’autres affirmations témoignent encore du caractère désintéressé des chercheurs : le fait que ces derniers travaillent dans le sens de l’intérêt général, le fait qu’ils soient dévoués et travaillent pour le bien de l’humanité, obtiennent des scores d’agrément respectivement de 79 % et 78 %. À cela s’ajoute une minorité de Français qui estiment que ces derniers sont motivés par le désir d’être connu du grand public (46 %).
Cependant, plusieurs aspects viennent contredire cette image d’Épinal : 71 % des Français leurs reconnaissent une motivation de compétitivité, 70 % considèrent qu’ils privilégient la science parfois au détriment de l’humanité et une majorité émet des doutes sur leur indépendance (57 % ne les considèrent pas indépendants).
Là encore, la crise du Covid-19 a pu jouer un rôle dans la perception négative des scientifiques. On a pu voir un grand nombre de scientifiques interrogés sur les plateaux de télévision et chaînes d’information en continu au sujet de la crise et cette médiatisation des scientifiques pendant plus d’une année a peut-être eu une incidence sur la proportion relativement faible de Français considérant les scientifiques comme indépendants : à partir du moment où les scientifiques sont entrés dans le champ des informations courantes, en collaboration étroite avec le pouvoir dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, leur indépendance a pu être remise en cause par une certaine partie de la population, plus défiante vis-à-vis des autorités.