Baisse des notes : l’activité physique à la rescousse ?
- En près de 20 ans, les résultats de la France au classement PISA ont nettement diminué, principalement en mathématiques et en lecture.
- Le niveau scolaire des élèves français est influencé par de nombreux paramètres tels que le capital économique, social, scolaire et culturel.
- Des recherches ont souligné que l’activité physique doublait presque les performances cognitives et scolaires.
- Outre ces résultats, le sport présente de nombreux avantages : absence d’effets secondaires, bénéfices pour la santé physique et mentale…
- L’activité physique idéale pour améliorer les performances scolaires est plutôt intense, se pratique de façon collective, demande équilibre, coordination et apprentissage.
- Ces pratiques chamboulent la représentation de la classe idéale (assise et calme), seules des interventions systémiques et structurelles permettront leur développement.
En France, plusieurs organismes alertent sur la baisse du niveau scolaire, notamment concernant certaines matières telles que le français ou les mathématiques. Si ce constat est nuancé par certains experts, depuis une vingtaine d’années, le niveau scolaire dans ces disciplines baisse (respectivement – 11 points et – 8 points par décennie pour la lecture et les mathématiques). Quelles en sont les causes ? L’activité physique peut-elle être envisagée comme l’une des solutions pour y remédier ?
Une baisse relative du niveau scolaire
Il ne fait aucun doute que l’exigence scolaire a considérablement augmenté depuis les années 1970 comme l’analysent Nadir Altinok et Claude Diebolt dans un article pour The Conversation1. Néanmoins, si on se penche sur la période allant de 2000 – marquant le début des enquêtes diligentées par le Programme international pour le suivi des acquis des élèves2 (PISA) – à 2020, les résultats sont moins enthousiasmants.
Les auteurs de l’article pointent du doigt une baisse inquiétante du niveau scolaire en lecture et en mathématiques. Pourtant, Eric Roditi rappelle que « Les résultats de la France à PISA en mathématiques ont toujours été plus ou moins dans la moyenne de l’OCDE (cf figure). La seule exception qui existe est le 1er PISA de l’année 2000, où la France était nettement au-dessus de la moyenne OCDE. » Néanmoins, le chercheur précise « comme c’était la première évaluation PISA, il n’est pas possible d’écarter un éventuel effet du questionnaire. » Pour expliquer cette évolution du niveau scolaire, il déclare : « C’est plutôt la part et le niveau des élèves « forts » et « faibles » qui évolue. Les chiffres soulignent aussi la corrélation, très forte en France, entre l’origine sociale et la performance. » En effet, comme le montrent les données3, la proportion des élèves en difficulté augmente passant de 17 % en 2003 à 30 % en 2022. En parallèle, celle des élèves performants baisse de 15 % à 7 % en 19 ans.
Si l’origine sociale semble être un facteur déterminant de la performance scolaire, encore faut-il en cerner les mécanismes mis en jeu. Plusieurs constats de longue date ont été proposés par la sociologie : faible capital économique, social, scolaire et culturel. Il existe néanmoins un capital oublié, qui aurait toute sa place aux côtés de ses causes macroscopiques, et que seules des interventions systémiques et structurelles peuvent pallier : le capital physique et cognitif.
Activité physique et performances scolaires : quelle efficacité ?
Avant de se demander comment l’activité physique pourrait être efficace, il faut d’abord mesurer si elle l’est vraiment. À ce sujet, les recherches en psychologie de l’activité physique et de l’éducation ne laissent plus la place au doute. « L’efficacité de l’activité physique sur les performances scolaires, notamment les mathématiques, a été démontrée par de nombreux essais randomisés contrôlés. » pointe Boris Cheval. En effet, dans la note de février 2022 que le chercheur a co-rédigé à l’attention du Ministère de l’Éducation nationale5, on constate une augmentation de 48 % et de 60 % des performances cognitives et scolaires, respectivement.
Le chercheur rappelle également que cette efficacité est sans doute sous-évaluée. « Quand vous mesurez l’efficacité d’un médicament, vous comparez le groupe qui reçoit la substance à un groupe qui reçoit un placebo inerte. Dans la recherche sur l’activité physique, le groupe contrôle reste un groupe physiquement actif, car il ne serait pas éthique de demander aux enfants de ne plus rien faire. »
Enfin, l’activité physique peut se targuer d’une chose que ne possède aucun traitement au monde : l’absence d’effets indésirables. « L’activité physique ne génère aucun effet indésirable sur les apprentissages. Au contraire, augmenter le temps d’activité physique et le mouvement pourrait les rendre plus qualitatifs. L’augmentation de l’activité n’amenuit jamais les apprentissages. Il faut réfléchir à la qualité du temps utilisé, autrement dit faire moins pour faire mieux », insiste Boris Cheval. Une dynamique qui a son équivalent dans le monde du travail avec la semaine de 4 jours, dont la majorité des études montrent qu’elle serait largement bénéfique à la productivité.
Les effets positifs de l’activité physique
Comment l’activité physique agit-t-elle sur les performances scolaires ? Boris Cheval cite quelques mécanismes biologiques qui pourraient être à l’origine de l’effet de l’activité physique sur les performances scolaires : « l’activité physique déclenche une dérégulation de l’homéostasie (ndlr : état d’équilibre physiologique) de notre corps. Cette dérégulation engendre une cascade de réactions et la libération de substances (myokines, endorphines, BDNF, etc.). De cela résulte une adaptation de l’ensemble des organes du corps humain, notamment des modifications au niveau du cerveau : angiogénèse, synaptogenèse, neurogénèse… Cela veut dire que l’activité physique permet à notre corps et à notre cerveau de mieux s’organiser, de mieux communiquer et donc de mieux fonctionner ce qui, en retour, agit sur les performances cognitives et par conséquent sur les performances scolaires. »
De plus, en mobilisant les fonctions cognitives de haut niveau, l’activité physique pourrait améliorer leur utilisation. « Certaines activités comme la danse ou les sports d’équipes permettent d’utiliser certaines structures mnésiques ou des fonctions exécutives primordiales dans certaines matières comme la mémoire de travail ou l’inhibition », détaille Boris Cheval. Néanmoins, cela pose la question du transfert de compétences d’un domaine à un autre qui, à ce jour, reste largement débattue dans la recherche en psychologie.
Le portrait-robot de l’activité physique idéale
Si certaines activités physiques mobilisent des fonctions cérébrales particulières, cela suggère que toutes les activités physiques ne se valent pas. Fort de tous ces éléments, il est possible de dresser un portrait-robot de l’activité physique idéale pour améliorer les performances scolaires. « Elle doit être d’une intensité modérée à élevée, mettre en jeu l’équilibre, la coordination, l’apprentissage, être exigeante sur le plan cognitif, être plutôt collective que solitaire et être pratiquée minimum trois fois par semaine », énumère Boris Cheval.
Un point novateur de la recherche explore l’effet de l’expérience affective d’une activité physique. « L’idée de nos recherches en cours, c’est qu’une expérience sportive avec une valence positive ne serait pas seulement utile pour persévérer dans l’activité au long terme, mais aurait également un effet potentialisateur des effets biologiques et cognitifs de l’activité physique à court terme », souligne le chercheur.Précisons que ces recherches sont extrêmement récentes et que des investigations plus approfondies sont en cours.
L’activité physique comme capital cognitif
À ce stade, nous savons que l’activité physique est un véritable atout pour améliorer les performances scolaires, notamment les mathématiques pour lesquelles le niveau de preuve est le plus robuste. En effet, toujours dans la même note PISA précédemment citée, on observe une augmentation spécifique des performances en mathématiques médiée par l’activité physique de 86 % contre 53 % pour les langues.
La faible volonté politique (bien que dotée de bonnes intentions) ne donne pas les moyens nécessaires aux enseignants pour mettre en œuvre les mesures.
Il existe également une corrélation entre le niveau d’activité physique et le statut socio-économique. En plus du capital économique et du capital culturel, il semblerait que les inégalités creusent également le capital cognitif des individus, et cela dès le plus jeune âge. Boris Cheval rappelle que « l’enfance est une période critique où l’on développe sa réserve cognitive. Les interventions visant à augmenter l’activité physique sont également plus efficaces chez les populations qui ont de plus faibles niveaux d’activité physique ou de performances cognitives. »
Remettre le mouvement au cœur de l’école
Pour pallier ces différences en matière de capital cognitif, il n’y a qu’une seule solution : remettre le mouvement au cœur de l’école et de l’apprentissage. « Le mouvement est indispensable pour tous les apprentissages. Il participe à la création de nouvelles habitudes cognitives en améliorant les fonctions cognitives. Il faut sortir de la représentation qui suggère qu’un apprentissage doit toujours se faire assis et en étant le plus calme possible », commente Boris Cheval, perplexe.
Malheureusement, des dynamiques architecturales et politiques entravent cet objectif. « La faible volonté politique (bien que dotée de bonnes intentions) ne donne pas les moyens nécessaires aux enseignants pour mettre en œuvre les mesures. Il en résulte un sentiment de coercition et des inégalités territoriales qui perdurent et qui s’aggravent », déplore Boris Cheval.
Pour contrer ces dynamiques, il faut des mesures fortes. On peut citer par exemple, des formations pour apprendre et accompagner les enseignants du primaire dans la mise en place d’activité de qualité ou d’un soutien économique. Il faut que les enseignants se sentent autonomes et accompagnés. Les théories en psychologie de la motivation, la théorie de l’auto-détermination ou encore celle du comportement planifié ont bien mis en évidence cela : pour adhérer et persévérer dans un comportement, il faut avant tout se sentir autonome, compétent et créer du lien. Sans ces ingrédients, les bonnes intentions du gouvernement resteront probablement vaines et les heures d’éducation physique et sportive au programme continueront d’être les premières à être annulées au besoin.
L’activité physique au-delà des performances scolaires
Pour conclure, il faut évidemment rappeler que l’activité physique n’est pas uniquement un catalyseur de performances scolaires. Son impact majeur concerne avant tout la santé physique et mentale. En effet, il est urgent d’agir sur le mode de vie des plus jeunes. Il faut lutter contre la perte de capacités cardio-respiratoires, l’obésité, le diabète de type 2 et toutes ces pathologies de plus en plus précoces. Sans une bonne santé physique, la scolarité ne peut pas être qualitative.
Une éducation physique bien menée à l’école permettrait d’inculquer le goût de l’effort, de la compétition, de la coopération et du dépassement de soi. Tant de compétences qui sont utiles dans la vie sociale et professionnelle. Ancrer l’activité physique dans une expérience affective positive permettrait de préserver le bien-être, la santé physique et mentale. Par la même occasion, c’est un moyen de prévention contre les inégalités socio-économiques et genrées.