Cet article a été publié en exclusivité dans notre magazine Le 3,14 sur le quantique.
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La physique quantique permet d’expliquer le comportement et les interactions entre particules, ainsi que les champs de forces qui les animent. Née il y a plus d’un siècle, c’est probablement aussi la théorie la moins intuitive de toutes celles à disposition des scientifiques pour décrire et comprendre le monde.
Dans l’univers de l’infiniment petit, les concepts les plus évidents de notre expérience du quotidien sont battus en brèche. Une particule possède, par exemple, des propriétés à la fois corpusculaires et ondulatoires. Son emplacement n’est pas déterminé par une position précise, mais par un « nuage de probabilités » qui la fait exister un peu partout à la fois, avec des chances plus ou moins grandes de la trouver si on cherche finalement à l’observer.
De plus, le concept même de mesure prend un sens totalement différent. Dans le monde quantique, on ne peut pas mesurer une propriété d’une particule avec une précision infinie. Pire encore, selon le principe des vases communicants, plus on aura de précisions sur certaines propriétés (sa position, par exemple), moins on en aura sur d’autres (son énergie, par exemple). Et ces limitations ne viennent pas de nos instruments de mesure : au contraire, elles sont fondamentalement inscrites dans les règles qui régissent le monde de l’infiniment petit.
La mécanique quantique décrit aussi les échanges d’énergie que les particules ont entre elles.
Enfin, et c’est ce qui lui donne son nom, la mécanique quantique décrit aussi les échanges d’énergie que les particules ont entre elles. Et contrairement à notre monde macroscopique classique, où l’énergie d’une balle de tennis ou d’une voiture peut prendre n’importe quelle valeur, un électron dans un atome ne peut émettre ou absorber que des quantités d’énergie précisément déterminées. Chaque « paquet » d’énergie que l’électron absorbe ou émet est appelé « quantum » d’énergie (d’où le nom de physique « quantique »). Ces échanges se font par bonds successifs, et non de manière continue comme nous en avons l’habitude à notre échelle.
Toutes ces étranges règles aboutissent à des situations qui peuvent sembler paradoxales, comme le fait qu’un objet quantique peut exister dans plusieurs états simultanément, ou que deux particules dites « intriquées » sont si fondamentalement liées que si l’on effectue un changement sur l’une, l’autre en subira instantanément les conséquences, indépendamment de la distance qui les sépare.
La physique quantique au quotidien
Ces situations bizarres sont observées quotidiennement dans tous les laboratoires de recherche du monde. Et, bien au-delà des portes des instituts de recherche, ces phénomènes sont utilisés pour faire fonctionner quantité d’appareils que l’on utilise chaque jour.
L’une des découvertes les plus étonnantes de la physique quantique est la fameuse « dualité onde-particule ». Au XIXe siècle, quantité d’expériences avaient montré le caractère ondulatoire de la lumière, mais c’est en 1905 qu’Albert Einstein démontre un effet appelé « photoélectrique » qui prouve que la lumière peut frapper des électrons et les éjecter comme des boules de pétanque. Il faudra attendre 20 ans pour que le physicien français Louis de Broglie comprenne que, loin d’être un problème, la lumière (et toute particule matérielle) se comporte à la fois comme une onde et comme une particule. Cette découverte est à l’origine de plusieurs applications quotidiennes comme les panneaux photovoltaïques ou les capteurs CCD de nos appareils photo.
De même, la quantification des échanges d’énergie entre les électrons de la matière a apporté plusieurs innovations fondamentales sans lesquelles notre technologie moderne n’existerait pas.
Commençons par le laser que l’on utilise dans les lecteurs CD, en industrie pour la découpe de matériaux, en astronomie pour mesurer la distance Terre-Lune, en médecine pour découper ou cautériser les tissus, dans les supermarchés pour lire les codes-barres, dans les imprimantes laser ou dans les fibres optiques pour communiquer d’un continent à l’autre.
Cette lumière très spéciale, composée de photons (c’est le nom qu’on a donné aux particules de lumière) tous identiques, est produite en forçant les atomes à émettre tous ensemble les mêmes quanta d’énergie. On obtient alors cette lumière particulière dont il serait difficile de se passer aujourd’hui.
Une autre application de la théorie des quanta n’est ni plus ni moins que… toute l’électronique moderne ! Cette technologie présente dans nos téléphones portables, nos montres, nos véhicules, nos ordinateurs, nos dispositifs médicaux (pacemaker, pèse-personne, tensiomètre, défibrillateur cardiaque) et une infinité d’autres applications courantes, fonctionne grâce à la compréhension du comportement des électrons dans une catégorie de matériaux appelés « semi-conducteurs » – c’est-à-dire naturellement isolants, mais qui peuvent facilement devenir conducteurs si une petite tension électrique leur est appliquée. Cette propriété, qui permet de contrôler à volonté le passage (ou non) d’un courant électrique, sert à construire les diodes et les transistors qui sont les éléments de base de toute l’électronique.
Et lorsque vous mélangez émission contrôlée de lumière et semi-conducteurs, vous construisez des LED (diodes électroluminescentes), actuellement en train de remplacer une grosse partie des anciennes ampoules électriques, beaucoup plus énergivores.
Physique quantique et phénomènes naturels
La mécanique quantique est partout autour de nous : dans les applications technologiques que nous avons développées, mais aussi dans tous les phénomènes naturels qui nous entourent et qu’on ne peut comprendre sans utiliser le formalisme quantique.
Si le Soleil brille, c’est à cause des processus de fusion nucléaire en son cœur, eux-mêmes permis grâce à une autre bizarrerie quantique : l’effet tunnel, qui permet à des particules de « sauter » des barrières de potentiel autrement infranchissables dans le monde classique. Quant au bleu du ciel, il est dû à la manière dont la lumière du Soleil interagit avec les molécules de l’atmosphère terrestre.
Même la photosynthèse (ce processus par lequel les plantes transforment l’énergie reçue du Soleil en matière organique, elle-même absorbée par les herbivores, consommés à leur tour par les carnivores) est soupçonnée, dans les recherches les plus récentes, de devoir son existence à des phénomènes quantiques dont la biologie doit encore lever le mystère.
La physique quantique a révolutionné la manière dont les humains comprennent et façonnent le monde. Mais depuis la fin du XXe siècle, une « deuxième révolution quantique » est en cours, dans laquelle les processus les plus fondamentaux de la mécanique quantique sont exploités pour faire évoluer nos technologies à un niveau encore jamais atteint.