La physique des particules au quotidien
- La recherche des composants fondamentaux de l’univers n’a commencé qu’au XIXème siècle avec Compton et de Broglie qui ont respectivement découvert la nature quantique des rayons X et les propriétés ondulatoires des particules.
- L’une des techniques de la physique des particules s’articule autour du dopage. Il s’agit là d’introduire des « impuretés » dans le cristal de silicium afin de modifier les propriétés électriques du milieu.
- L'une des applications de la physique des particules se trouve dans l’agroalimentaire, permettant, grâce à l'irradiation, de prolonger la durée de conservation des aliments.
- En France, en 2014, 370 000 hectares de cultures de tournesol – soit 56% de la production – étaient issus de semis obtenus par mutagénèse (irradiation gamma).
- La physique des particules s’applique aussi à la médecine en permettant d’éliminer des cellules dans le sang dans les poches servant à la transfusion mais aussi à l’imagerie médicale.
La recherche de la nature des composants fondamentaux de l’Univers a vraiment débuté au début du XXème siècle. Les « atomes » imaginés par Démocrite 300 ans avant J.C. ont réellement commencé à être compris lorsqu’on s’est aperçu que, contrairement à leur étymologie (a‑tomos = insécable, qui ne peut être divisé en éléments plus petits), les atomes étaient eux-mêmes composés d’éléments plus petits encore.
Des particules qui, en l’état actuel des choses, sont les éléments les plus fondamentaux de la matière. Mais comme souvent dans l’évolution des sciences, des recherches qui, au départ, n’avaient d’autre but que de comprendre en détail les lois de la nature et ses composants, ont débouché sur des applications qui ont profondément modifié notre vie courante. Comment la physique des particules a‑t-elle fait sa place dans notre quotidien ? C’est ce que nous allons voir.
Le principe général est souvent le même : diriger un faisceau de particules vers une cible et en étudier ou utiliser les effets. En fonction du type de particules utilisées et de la cible choisie, les conséquences (et les utilisations) seront très diverses.
Des atomes pour l’électronique
Commençons par ce sans quoi je n’aurais pu écrire cet article : l’électronique.
Le principe de base de toute l’électronique moderne est l’utilisation du silicium, qui appartient à la classe des « semi-conducteurs ». Un semi-conducteur se caractérise par la quantité de porteurs de charge qu’il possède (électrons ou lacunes d’électrons appelées « trous »). Pour augmenter ce nombre de porteurs de charge, on introduit des « impuretés » dans le cristal de silicium, des atomes qui vont ajouter ou enlever des électrons et ainsi modifier localement les propriétés électriques du milieu. C’est ce qu’on appelle le dopage.
Ce dopage doit être réalisé de manière extrêmement précise : il faut qu’une partie du cristal de silicium soit dopé en excès d’électrons tandis que, quelques micromètres plus bas, une autre partie doit être dopée avec des atomes qui lui enlèvent ces mêmes électrons.
L’insertion artificielle de ces atomes dopants peut se faire par « implantation ionique » : On les accélère grâce à un champ électrique qui leur donne une énergie plus ou moins grande, ce qui leur permet de s’enfoncer plus ou moins profondément dans le substrat pour doper certaines couches à des profondeurs précisément déterminées.
Irradiation des matériaux
L’irradiation des matériaux peut d’ailleurs être volontaire ou involontaire. Mais dans tous les cas, elle modifie leur microstructure, et c’est pourquoi elle sera utilisée ou étudiée afin de mieux connaître les propriétés de ces matériaux et leur évolution dans le temps.
L’implantation ionique que nous avons vue ci-dessus est un procédé de traitement de surface qui s’applique dans bien d’autres situations que l’électronique. Elle permet de modifier la composition chimique et la structure de surface d’un matériau. En fonction de la nature du substrat et de l’ion implanté, certaines propriétés mécaniques ou chimiques de la surface (dureté, résistance à l’usure, fatigue, résistance à la corrosion…) peuvent ainsi être optimisées sans pour autant modifier ses propriétés principales.
C’est principalement dans le secteur nucléaire qu’on étudie le phénomène de vieillissement sous irradiation. Au cœur des centrales nucléaires actuelles, l’acier subit une irradiation intense provenant des barres de combustible radioactif utilisées pour alimenter l’installation. La cuve du réacteur, par exemple, est un composant non remplaçable. Il est vital de connaître et d’anticiper le vieillissement de sa structure au fil des décennies d’utilisation.
Mais ces travaux servent aussi aux prochaines générations de réacteurs, dont les conditions de température et d’irradiation seront encore plus exigeantes qu’aujourd’hui, sans parler des futurs réacteurs à fusion thermonucléaires, comme ITER, dont les matériaux au contact du plasma subissent une intense irradiation de neutrons.
La physique des particules et le vivant
Dans le domaine de l’agro-alimentaire, l’irradiation des aliments est l’une des méthodes utilisées pour prolonger leur durée de conservation. Cette technique permet d’arrêter le processus de germination (pommes de terre, graines…) et de tuer les parasites, moisissures et micro-organismes responsables de la détérioration et/ou du pourrissement des aliments.
Pour ce faire, on utilise 3 types de rayonnements : les rayons X ou gamma (ɣ) (qui sont deux types de rayonnements électromagnétiques, comme la lumière, mais dont l’énergie est bien plus élevée que la partie visible par l’œil), ou des accélérateurs d’électrons.
Cette technique ne stérilise toutefois pas totalement les aliments (qui doivent tout de même être emballés et cuits correctement), mais elle ralentit leur détérioration et permet de les conserver plus longtemps. Elle empêche aussi les insectes et autres ravageurs de se reproduire dans les produits frais commercialisés en les détruisant.
L’irradiation par rayons gamma est aussi utilisée en agriculture. On l’appelle mutagénèse par irradiation gamma. Le principe est de simuler (et d’accélérer) le processus de mutation génétique qui survient naturellement dans le monde du vivant. Cette technique, utilisée depuis les années 1950, permet de sélectionner de nouvelles souches végétales présentant des mutations sont favorables (goût, couleur, croissance, taille du fruit…).
Ainsi, en France, en 2014, 370 000 hectares de cultures de tournesol – soit 56% de la production – étaient issus de semis obtenus par mutagénèse. Au Texas, 75% des pamplemousses cultivés sont de la variété Rio Star (plus rouge et plus sucré), produite elle aussi par le processus de mutagénèse.
La physique des particules et la médecine
Le milieu médical bénéficie aussi des avantages qu’offrent les accélérateurs d’électrons en matière de stérilisation du matériel. L’utilisation de sources radioactives de césium-137 permet également de traiter les poches sanguines grâce aux rayons gamma émis, afin d’éliminer certaines cellules susceptibles d’entraîner une maladie mortelle chez les patients nécessitant une transfusion. Plus anecdotique, les solutions salines utilisées pour nettoyer et conserver les lentilles de contact sont aussi stérilisées par irradiation.
En médecine nucléaire, l’utilisation de réacteurs nucléaires ou d’accélérateurs de particules permet de créer des composés radioactifs n’existant pas naturellement sur Terre (car ils se désintègrent en des temps allant de la minute à la journée). Pourtant, ces éléments sont très importants, à la fois en termes d’imagerie diagnostique (par exemple la Tomographie par Emission de Positons qui utilise un élément radioactif : le fluor-18 ou la scintigraphie avec le technétium-99) mais aussi thérapeutique (l’iode-131 pour le traitement du cancer de la thyroïde).
Actuellement, une nouvelle technique d’irradiation de tumeurs cancéreuse est en cours de développement : l’hadronthérapie. Cette technique utilise un accélérateur de particules pour cibler, à l’intérieur du corps du patient, des tumeurs difficiles à traiter avec les autres techniques conventionnelles (souvent des tumeurs cérébrales). Il s’agit d’une technique de radiothérapie extrêmement ciblée, dont les avantages, en termes de précision et de radioprotection du patient, laissent espérer qu’outre l’Allemagne et de l’Italie, un centre puisse, dans les années qui viennent, être construit en France.