Des algorithmes pour guider les taxis volants d’Uber
La flotte d’avions électriques d’Uber devrait prendre son envol d’ici 2023 dans les villes de Dallas, Los Angeles et Melbourne. UberAir, le service d’« aviation à la demande » du géant numérique de la mobilité, basé sur des véhicules à décollage et atterrissage électronique vertical (eVTOL), promet de révolutionner le transport en zone urbaine en moins de trois ans.
A la place de taxis longue distance, Uber proposera aux passagers un transport par avion électrique à faibles émissions de CO2. Même si ces véhicules devraient coûter vingt fois plus cher que des voitures normales, Uber affirme que les eVTOL permettront de réduire le coût des trajets quotidiens sur le long terme, notamment parce qu’ils pourront être partagés.
S’il y a des raisons de penser que le projet est une chimère, sa concrétisation est en réalité bien plus proche qu’on ne le pense, même si quelques problèmes demeurent. Parmi les défis qu’il reste à relever, citons la recherche de batteries à la fois assez puissantes et assez légères, la formation de pilotes et l’obtention des certifications et autorisations nécessaires. Mais ce sont là des obstacles technologiques et règlementaires qu’Uber espère surmonter assez tôt. La grande question, cependant, reste de savoir comment anticiper les besoins en infrastructures, et de développer des outils de gestion du trafic aérien urbain capables de soutenir un tel système. Pour cela, Uber s’est associé à l’Institut Polytechnique de Paris en 2019 en créant une chaire de recherche universitaire internationale sur la « mobilité urbaine intégrée », dont je suis titulaire. Notre objectif est d’anticiper les besoins des infrastructures urbaines autour d’eVTOL, en aidant Uber à mieux comprendre comment le système peut s’intégrer aux zones urbaines.
S’il y a des raisons de penser que le projet est une chimère, sa concrétisation est en réalité bien plus proche qu’on ne le pense.
Imaginer les besoins de demain
Dans le centre-ville de Los Angeles, par exemple, il existe déjà au moins 40 héliports, pour la plupart privés. Pourraient-ils être la solution ? Si oui, quels seraient les besoins en énergie ? Dans le cadre de nos recherches, nous concevons des algorithmes qui pourraient aider Uber à explorer les différentes options afin que l’entreprise puisse prendre des décisions stratégiques concertées. C’est ce que font les algorithmes de recherche opérationnelle : aider les gens à prendre des « décisions optimales ».
On peut de fait imaginer une analogie avec Google Maps. Le logiciel utilise un algorithme pour calculer l’itinéraire le plus rapide entre deux points tout en prenant en compte des informations en temps réel, comme le trafic ou les travaux routiers. Le problème que le programme résout, c’est la recherche du « chemin le plus rapide ». En termes simples, il décompose le trajet en segments plus petits, qu’il analyse en se demandant lequel est le plus rapide. Dans le cadre de mes travaux, je conçois des algorithmes similaires, basés sur les différents scénarios possibles.
Au bilan, cette flotte d’avions eVTOL apportera avec elle tout un ensemble de contraintes inédites. Le monde sera probablement différent en 2023 !
Réagir face à l’imprévu
Ces algorithmes permettent d’étudier l’impact des décisions prises dans ce monde futur. Quels sont les facteurs à prendre en compte ? De quelles infrastructures aura-t-on besoin ? Quelle sera la consommation électrique des eVTOL et comment gérera-t-on la puissance nécessaire pour les alimenter ?
Il existe aussi un autre enjeu de taille. Dans un premier temps, les eVTOL auront des pilotes et seront surveillés par des tours de contrôle ; mais l’objectif final est de les rendre autonomes. Le but de mes recherches est aussi de comprendre comment les appareils aériens pourront répondre à des événements imprévus. Si un véhicule d’urgence doit prendre son envol, par exemple, la trajectoire des eVTOL devra rapidement être modifiée en conséquence.
Nous devons également être suffisamment souples pour nous adapter à des besoins fluctuants. La pandémie n’est qu’un exemple des défis que le projet devra relever. Si l’on considère les transports terrestres, par exemple, UberPool – le service qui permet aux passagers de partager leurs trajets – est actuellement indisponible, à cause du risque d’infection. Et même si la situation évoluera probablement d’ici 2023, les habitudes risquent, elles, de demeurer. À Paris, le nombre de cyclistes a ainsi augmenté d’environ 60 % après le confinement, et nous devons en tenir compte dans nos simulations. La mutation des modes de vie est une piste intéressante à explorer.