« Workload » : la subtile harmonie entre préparation et performance
- Dans l’idée d’optimiser la performance sportive, le concept de charge de travail a fait son apparition.
- Le but : trouver un équilibre entre l’amélioration de la performance sportive et la préservation de l’intégrité physique du sportif, en s’intéressant à la charge de travail interne et externe.
- De nombreux outils technologiques permettent de mesurer précisément cette charge de travail externe (la mesure objective du travail effectué pendant l’effort par le sportif).
- Ces données récoltées à l’entraînement ou à la compétition ne servent que si l’on établit le lien entre la charge de travail, les performances et les potentielles blessures.
- Or, chaque organisme réagit différemment à un même protocole, la difficulté reste donc de modéliser cette relation dose-réponse et de proposer des outils aux entraîneurs.
Lors d’une compétition, le plus important semble être la finalité : le résultat produit face au public. Seulement, atteindre ce résultat exige une certaine préparation. De plus en plus, les recherches se multiplient pour mieux comprendre le corps d’un sportif et les processus de préparation à élaborer. Aujourd’hui, dans le monde du sport de haut niveau, chaque mouvement est scruté et chaque victoire est le résultat d’un travail acharné et d’une préparation méticuleuse.
Cet article a été publié en exclusivité dans notre magazine Le 3,14 sur la science et le sport.
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Un concept est ainsi apparu : le workload (la charge de travail) [ndlr : ou trainingload/charge d’entraînement]. « Il y a, depuis quelques années, une augmentation exponentielle du nombre de publications scientifiques sur ce concept », explique Jacques Prioux, professeur des universités à l’École normale supérieure de Rennes. C’est là que la véritable bataille se déroule, dans la gestion minutieuse de cette charge de travail — un équilibre délicat à trouver entre l’amélioration de la performance sportive et la préservation de l’intégrité physique du sportif.
« Il existe deux types de charge de travail : l’externe et l’interne, développe-t-il. Globalement, la charge de travail externe est le plus souvent quantifiée à l’aide de capteurs (GPS, LPS…). Elle correspond à la mesure objective du travail effectué par l’athlète pendant l’entraînement ou la compétition. La charge de travail interne correspond à la réponse individuelle de l’organisme face aux exigences imposées par la charge externe. Elle peut, par exemple, être quantifiée en utilisant différents paramètres physiologiques et/ou biologiques. » Pour que le sportif soit dans la meilleure forme physique possible, il est important d’étudier la relation entre la charge de travail externe et celle qui est spécifique au sportif, la charge de travail interne.
Le monitoring
Pour observer et comprendre la charge de travail externe, les chercheurs ont besoin d’analyser l’activité des sportifs en conditions d’entraînement et de compétition. « La technologie joue un rôle très important, avoue le professeur. C’est elle, et l’ensemble des outils qu’elle nous offre, qui nous permet le monitoring. » Ainsi différents capteurs, comme le GPS (global positioning system) pour les sports Outdoor (Football, Rugby…) ou le LPS (local positioning system) pour les sports Indoor (Handball, Volleyball…), permettent une analyse extrêmement précise de l’activité des sportifs. Quelle distance parcourue ? À quelle vitesse ? Combien d’accélérations ? De décélérations ? Et cetera. « Plus nous sommes proches du haut niveau, plus ces informations deviennent cruciales, insiste-t-il. J’encadre actuellement une thèse au cours de laquelle nous travaillons sur des données issues des joueuses du Brest-Bretagne Handball, i.e., le plus haut niveau européen féminin. Elles sont toutes équipées de centrale inertielle (autre capteur disponible) à l’entraînement. »
Ainsi, il est possible de comprendre précisément le travail effectué par un sportif en condition d’entraînement. Ce qui permet une programmation bien plus optimale. « Il serait tout autant intéressant d’obtenir ces mêmes données en condition de compétition, admet Jacques Prioux. Seulement, le coût des investissements pour équiper les stades, les gymnases et les joueurs de ces technologies est très élevé. » Ces données, bien qu’importantes, restent sans valeur si elles ne sont pas mises en relation avec l’impact de cette charge de travail sur le sportif en question. « La charge de travail n’a d’intérêts que si nous étudions les relations qu’elle noue avec les performances, mais aussi avec les potentielles blessures », maintient le professeur.
Individualiser l’entraînement
Il est bien connu que chaque organisme est différent. Pour une même charge de travail, le ressenti peut ne pas être le même. Et chaque organisme ne demande pas le même travail de préparation pour optimiser les performances tout en limitant les blessures. C’est en cela que l’analyse de la charge de travail interne montre son importance, et de nombreux outils sont à la disposition des chercheurs pour la quantifier. « À la fin d’un entraînement collectif de handball, nous demandons, par exemple, aux joueuses d’évaluer le niveau de difficulté de la séance sur une échelle de 1 à 10, relate le professeur. Si une joueuse note la séance à 5, alors qu’une autre la note à 10, nous avons déjà un élément de comparaison important : l’état de forme des deux joueuses n’est probablement pas le même. »
Dans cet exemple, pour une charge de travail externe considérée comme similaire, le ressenti diffère entre les deux joueuses. Cette donnée peut ensuite être couplée à d’autres données physiologiques, comme la consommation d’oxygène, la fréquence cardiaque ou la concentration d’acide lactique, pour objectiver l’effort fourni durant l’entraînement.
Relation entre la dose et la réponse
Ici, la dose correspond à la charge de travail et la réponse correspond à la performance ou aux blessures. Théoriquement, si la charge de travail proposée à l’entraînement est trop faible, le niveau de forme de l’athlète sera probablement inférieur à celui obtenu pour une charge de travail plus élevée. Pour autant, une charge de travail trop élevée peut provoquer des effets négatifs, en termes de fatigue par exemple, sur l’organisme du sportif. La difficulté est donc d’identifier puis d’utiliser la charge de travail adéquate. « Si vous proposez une charge de travail trop élevée à l’entraînement, le niveau de fatigue induit le sera également, développe Jacques Prioux. Le risque est alors de ne pas améliorer votre niveau initial de performance et de contracter une blessure. Si la charge de travail proposée à l’entraînement est adéquate, le niveau de fatigue induit permettra une récupération optimale, favorisant une amélioration de votre niveau initial de performance et réduisant le risque de blessure. »
Cette relation dose-réponse fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques utilisant notamment l’intelligence artificielle. L’objectif de ces travaux scientifiques est de modéliser cette relation dose-réponse et de proposer des outils aux entraîneurs pour les aider à planifier et à individualiser les entraînements qu’ils proposent à leurs athlètes. « Il reste cependant énormément de progrès à faire dans ce domaine, mais l’objectif semble de plus en plus réalisable », conclut le professeur.