Trois moyens pour inverser les horloges du vieillissement
- Les scientifiques comprennent mieux que jamais la biologie fondamentale concernant le vieillissement. Le plus excitant dans ces recherches serait de savoir comment nous pouvons ralentir ou même inverser les changements biologiques liés à l’âge.
- L'étude de la télomérase est un aspect majeur de la recherche sur le vieillissement. Une idée selon laquelle on peut allonger les télomères pour ramener les cellules à une forme plus jeune.
- Une autre théorie consiste à éliminer les cellules "sénescentes" (responsables du vieillissement) afin de pouvoir vivre plus longtemps et en meilleure santé.
- Enfin, une solution pourrait être la reprogrammation cellulaire, qui consiste à prendre n'importe quelle cellule de notre corps et à la convertir en "cellule pluripotente" pour remplacer les cellules endommagées.
Pour beaucoup d’entre nous, le processus de vieillissement est un fait. Le risque de mourir pour un être humain augmente de 10 % chaque année en raison du tic-tac incessant de l’horloge biologique. La vieillesse augmente le risque de maladies liées à l’âge : le cancer et la démence, la fragilité physique, la perte de la vue, l’ouïe ou la mémoire, et bien plus encore.
Toutefois, ce processus n’est peut-être pas aussi inéluctable que nous l’imaginons. Les scientifiques comprennent mieux que jamais aujourd’hui les processus fondamentaux qui nous font vieillir1 et, ce qui est plus passionnant, comment nous pouvons ralentir ou même inverser les changements biologiques liés au vieillissement.
Voici trois idées à suivre qui pourraient un jour faire reculer votre horloge biologique.
1. Télomérase : revitaliser notre ADN
L’un des domaines de recherche le plus connu sur le vieillissement est l’étude des « télomères » : des capuchons protecteurs qui garantissent l’intégrité des extrémités de notre ADN. Cependant, de nombreuses cellules de notre corps se divisent en permanence : des tissus tels que la peau, le sang et la paroi de nos intestins doivent être constamment remplacés parce qu’ils s’usent, et les nouvelles cellules fraîchement divisées remplacent les cellules anciennes. Malheureusement, la division cellulaire a un coût pour nos télomères : ils raccourcissent chaque fois qu’une cellule se divise.
Plus vous vivez longtemps, plus vos cellules se seront divisées et plus vos télomères seront courts en moyenne. La mesure de la longueur des télomères n’est pas seulement un moyen de déterminer votre âge, les télomères semblent également jouer un rôle causal dans le vieillissement. Des télomères plus courts augmentent le risque de maladies liées à l’âge, et des études menées sur des jumeaux identiques ont montré que celui qui avait des télomères plus courts risquait de mourir plus tôt2.
Dans les années 1990, les scientifiques se sont donc enthousiasmés pour la télomérase : une enzyme capable d’allonger les télomères et, peut-être, de rajeunir les cellules par la même occasion. Malheureusement, sa réputation d’« enzyme de l’immortalité » n’a pas fait long feu : des expériences sur des souris ont montré que la télomérase donnait effectivement à leurs cellules la capacité de se diviser beaucoup plus souvent, mais au prix d’une augmentation massivement du risque de la maladie mortelle dont la division cellulaire excessive est le modus operandi : le cancer3.
Heureusement, tous les chercheurs n’ont pas abandonné la télomérase comme thérapie potentielle. Au cours des dix à quinze dernières années, certains ont montré qu’elle pouvait prolonger la vie des souris si elle était associée à des mesures visant à réduire le risque de cancer, ou si elle était utilisée de manière intermittente plutôt que continue, comme c’était le cas dans les premières expériences.
La prochaine étape : essayer certaines de ces idées chez l’homme4.
2. Traitements sénolytiques : tuer les cellules âgées
En prenant de l’âge, certaines de nos cellules deviennent « sénescentes » – le terme scientifique pour désigner le vieillissement – et, ce faisant, elles peuvent accélérer le vieillissement du reste de notre organisme. Nous savons maintenant que les cellules sénescentes ne sont pas seulement des témoins neutres du processus de vieillissement, ou l’équivalent cellulaire des bougies sur un gâteau d’anniversaire, mais qu’elles émettent un cocktail toxique de molécules qui peuvent augmenter le risque de maladie cardiaque, de cancer, de déclin cognitif, et bien plus encore.
La bonne nouvelle : il ne doit pas forcément en être ainsi. Les scientifiques ont imaginé un certain nombre de moyens différents pour tuer ces cellules, tout en laissant sauves les autres cellules du corps. L’idée la plus avancée : celle des médicaments « sénolytiques », dont les premiers ont été découverts en 20155. Plusieurs font déjà l’objet d’essais cliniques chez l’homme.
Une étude de 20186 a montré que les sénolytiques ont eu plusieurs effets sur des vieilles souris : les animaux ont vécu plus longtemps – un bon début -, mais ils ont également vécu plus jeunes, avec moins de risques de maladie, moins de fragilité physique (constatée par leurs performances « sportives » sur de minuscules appareils de gymnastique), une meilleure cognition et même une meilleure qualité de fourrure ! Ces résultats suggèrent que les cellules sénescentes ne sont pas seulement responsables d’un seul aspect du vieillissement, mais qu’elles ont des effets sur plusieurs voire les facettes de celui-ci. Cela signifie que l’élimination de ces cellules pourrait avoir des effets préventifs étendus sur de nombreuses maladies différentes.
Plus d’une vingtaine d’entreprises cherchent à ce jour à commercialiser des traitements sénolytiques7, qu’il s’agisse de médicaments, de produits chimiques appelés peptides, ou d’encourager notre système immunitaire à éliminer ces cellules aberrantes. Cette diversité de traitements signifie que nous disposons d’un large éventail d’options au cas où certaines approches ne fonctionneraient pas – et que les sénolytiques constituent une option prometteuse en tant que premier véritable traitement anti-âge.
3. Reprogrammation cellulaire : faire reculer l’horloge biologique
La reprogrammation cellulaire peut sembler relever de la science-fiction, mais elle est probablement l’idée la plus séduisante dans le domaine du vieillissement à l’heure actuelle. Mais en savons-nous suffisamment pour passer des résultats obtenus en laboratoire à une technologie médicale utilisable dans le monde réel ?
La technique a été découverte au milieu des années 20008, lorsque le scientifique japonais Shinya Yamanaka a essayé de comprendre ce qui permet aux cellules embryonnaires de se transformer en n’importe quel type de cellule du corps. Il a découvert qu’une combinaison de seulement quatre gènes, connus aujourd’hui sous le nom de « facteurs de Yamanaka », suffisait à faire passer n’importe quelle cellule du corps à l’état « pluripotent », pour qu’elle puisse se transformer en n’importe quel type de cellule adulte. Je pourrais prendre une cellule de peau de votre bras, utiliser ces gènes pour la transformer en une cellule souche pluripotente, puis « différencier » cette cellule souche en n’importe quel type de cellule.
Yamanaka a reçu le prix Nobel en 2012 pour cette découverte, et c’est alors que nous avons réalisé à quel point ce processus d’induction de la pluripotence fait reculer l’horloge des cellules. Non seulement il remonte l’horloge du développement, en ramenant la cellule à un état pluripotent, mais il semble également réduire l’âge biologique des cellules, les rendant plus jeunes et plus saines de différentes manières.
Transformer toutes nos cellules en cellules souches serait une idée terrible – j’aime que mes cellules cérébrales soient des cellules cérébrales -, mais la bonne nouvelle, est que si l’on active les facteurs de Yamanaka de manière intermittente plutôt que continue, une cellule peut rajeunir de quelques années sans se transformer en un autre type de cellule9. Il a été démontré qu’en procédant de la sorte, on pouvait améliorer la santé des souris atteintes d’une maladie qui les fait vieillir prématurément, et régénérer des tissus chez des souris adultes qui, normalement, ne guériraient correctement qu’avant la naissance.
La technique a même fait la une des journaux récemment lorsque quelques riches investisseurs, dont le fondateur d’Amazon Jeff Bezos, ont créé une startup de trois milliards de dollars appelée Altos Labs10 et ont recruté un certain nombre des meilleurs scientifiques travaillant sur la reprogrammation, y compris Yamanaka lui-même. Reste à savoir si nous pouvons transposer un phénomène observé chez des souris génétiquement modifiées en laboratoire à des êtres humains comme vous et moi. Trois milliards de dollars pourraient suffire pour le découvrir.