Les médicaments anti-obésité ne suffiront pas à résoudre la crise du surpoids
- Aujourd’hui, environ une personne sur huit souffre d’obésité et les médicaments anti-obésité améliorent leurs perspectives de santé.
- Ils imitent l’hormone intestinale glucagon-like peptide 1 (GLP-1) qui participe à l’envoi du signal de satiété.
- Ces médicaments (Semaglutide, Ozempic ou Wegovy) semblent sûrs et efficaces, mais des données à plus long terme sont nécessaires.
- Leur mécanisme d'action exact n'est pas encore compris par les scientifiques.
- Les médicaments seuls ne résoudront pas la crise de l'obésité, car il s'agit d'une maladie multifactorielle.
Semaglutide, Ozempic, Wegovy… Ces médicaments ont fait la une de nombreux journaux récemment, car ils ont donné des résultats prometteurs pour les personnes souffrant d’obésité, que ce soit en laboratoire ou non. Conçus pour imiter l’hormone intestinale glucagon-like peptide 1 (GLP‑1), ils ont été présentés comme des quasi-miracles à une époque où l’épidémie d’obésité fait rage ; environ une personne sur huit vit aujourd’hui avec la maladie1. Mais ces médicaments peuvent-ils vraiment résoudre un problème médical aussi complexe que l’obésité ?
#1 Les médicaments anti-obésité améliorent la santé des personnes obèses
VRAI – Lorsqu’il s’agit de médicaments agonistes des récepteurs du peptide 1 de type glucagon (GLP‑1), les avantages pour la santé sont évidents.
Les essais STEP2 ont montré que le sémaglutide, le médicament contre l’obésité qui a fait l’objet d’un grand nombre d’articles dans les médias, était efficace. Il entraînait une perte de poids d’environ 15 % en un peu plus d’un an (68 semaines) à raison d’une dose hebdomadaire de 2,4 mg.
Les médicaments GLP‑1 améliorent clairement la santé des patients au-delà de la perte de poids : ils peuvent réduire la tension artérielle, les taux de triglycérides, ainsi que la glycémie moyenne, mesurée par l’hémoglobine glyquée, d’environ 1,4 %. Ils atténuent également les risques cardiovasculaires. Dans le diabète de type 2, les médicaments GLP‑1 sont associés à une réduction de 12 à 14 %3 des accidents cardiovasculaires par rapport au placebo. Il est intéressant de noter qu’ils n’ont qu’un effet modeste sur le cholestérol – beaucoup moins que ce que l’on pourrait attendre des données sur la perte de poids.
FAUX – Les médicaments à base de GLP‑1 s’accompagnent d’effets secondaires importants qui peuvent entraver la poursuite du traitement.
Les effets secondaires gastro-intestinaux sont les plus récurrents. Environ 10 à 20 % des patients pourraient souffrir de nausées désagréables, et seulement la moitié d’entre eux verraient ces symptômes disparaître au bout d’un an. Les médicaments augmentent également le rythme cardiaque, bien que les conséquences cliniques de ce phénomène ne soient pas très claires.
Le traitement par GLP‑1 augmente également le risque de calculs biliaires4. Cet effet secondaire est observé lors d’une perte de poids rapide, quelle qu’en soit la cause (par exemple, les régimes à très faible teneur en calories). Une autre préoccupation et que les muscles pourraient représenter environ 20 à 40 % du poids perdu. De nombreuses recherches étudient encore la meilleure façon de préserver la musculature.
INCERTAIN – À ce jour, les avantages cliniques l’emportent clairement sur les risques potentiels.
Bien que ces médicaments existent depuis un certain temps, leur utilisation ne s’est généralisée qu’au cours des dernières années. Leur fiabilité à long terme sera, par conséquent, mieux connue dans les années à venir.
Certaines études précliniques sur des animaux ont suggéré un risque légèrement accru5 de cancer de la thyroïde, mais il n’y a pas de preuves concluantes à ce sujet. Les cliniciens pourraient vouloir procéder avec prudence chez les personnes ayant des antécédents, familiaux ou individuels, de cancer de la thyroïde.
Nous devons également comprendre notre « stratégie de sortie ». Environ deux tiers des personnes reprendront du poids après l’arrêt du traitement. Le sevrage des patients peut les aider à maintenir les gains acquis pour leur santé, mais il se peut aussi qu’ils doivent continuer à prendre les médicaments à long terme.
#2 Nous connaissons le mode d’action de ces médicaments contre l’obésité
VRAI – Notre compréhension du maintien du poids corporel a énormément progressé ces 20 dernières années.
Il est clair que l’époque où l’on disait que l’obésité était due à la paresse et à une mauvaise attitude est révolue.
Les mécanismes de maintien du poids échappent à notre conscience. Cela fonctionne de la même manière que le corps régule inconsciemment la respiration – vous pouvez retenir votre souffle à court terme, mais le cerveau finira par prendre le relais. De la même manière, les gens peuvent facilement perdre du poids en suivant des régimes draconiens, mais le corps finira par reprendre le dessus à long terme. À maintes reprises, des études diététiques ont montré que la plupart des gens reprennent leur poids au bout d’environ un an, quel que soit le régime suivi.
Le maintien du poids repose sur un circuit neuronal complexe centré sur les régions du mésencéphale et du cerveau postérieur. Ces dernières intègrent les signaux liés à l’équilibre énergétique et modulent l’alimentation et la dépense énergétique. Nous savons aujourd’hui que l’autre pièce du puzzle est la signalisation intestinale. Ces connaissances nous viennent en partie de la chirurgie bariatrique. Les recherches ont montré que ce n’était pas la « malabsorption » des aliments qui était à l’origine de la perte de poids après l’intervention chirurgicale. Au contraire, la chirurgie a déclenché la libération d’hormones intestinales, comme le GLP‑1, qui agissent ensemble pour signaler la satiété plus tôt.
Le sémaglutide exploite ces connaissances sur les signaux intestinaux. Il a été développé pour imiter le GLP‑1. Il est plus efficace que ses prédécesseurs, dont la plupart entraînaient une perte de poids d’environ 5 à 8 %, car il a été conçu pour mieux se lier à l’albumine et résister à la dégradation enzymatique, de sorte à ce qu’il puisse rester plus longtemps dans le sang.
À terme, nous pourrons peut-être obtenir un cocktail de médicaments qui manipule parfaitement ces signaux et agit presque comme un pontage gastrique médical.
FAUX – Si nous savons que le sémaglutide fonctionne, nous ne savons pas exactement comment.
Le système de maintien du poids est extrêmement redondant : si un élément est bloqué, les signaux empruntent une autre voie. Pour cette raison, il est difficile de connaître la contribution relative de chacun des mécanismes et, dans le cas de l’obésité, de savoir exactement où et comment les signaux peuvent être en cause.
Le GLP‑1 ne fait pas exception. Il agit sur le cerveau, le pancréas et l’estomac. Aucun de ces rôles n’est « principal » ou « subsidiaire » pour le peptide. Dans l’obésité, nous savons que le GLP‑1 retarde la vidange gastrique. Nous ne savons pas exactement quelle est la part de cet effet par rapport à l’effet de signalisation hypothalamique. Des récepteurs du GLP‑1 ont également été trouvés dans d’autres tissus comme le cœur, les poumons et les reins.
Un autre médicament anti-obésité, le tirzepatide, qui combine les agonistes des récepteurs du GLP‑1 et du polypeptide inhibiteur gastrique (GIP), montre également la complexité du système. Le GIP seul a un effet anti-graisse sur l’organisme. Mais lorsqu’il est associé au GLP‑1, il a un effet additif sur la perte de poids. Dans l’étude SURMOUNT6, environ la moitié des patients ayant reçu 10 ou 15 mg du médicament par semaine ont perdu environ 20 % de leur poids corporel en 72 semaines. On ne sait pas exactement pourquoi, mais le GIP semble permettre au GLP‑1 d’occuper davantage les récepteurs.
INCERTAIN – Nous n’avons pas encore découvert tous les effets du GLP‑1
Bien que la perte de poids joue un rôle incontestable dans l’amélioration de la qualité de la santé liée au GLP‑1, il ne semble pas que ce soit l’unique pièce du puzzle. Une possibilité est que le GLP‑1 pourrait avoir des effets anti-inflammatoires qui agissent parallèlement à la perte de poids.
#3 Les médicaments anti-obésité résoudront la crise de santé publique liée à l’obésité
VRAI – Un certain nombre de gènes prédisposent à la graisse.
L’épigénétique peut également jouer un rôle. Ce ne sont pas seulement les gènes que vous portez, mais la façon dont ils sont lus, qui influencent le résultat. Les médicaments anti-obésité peuvent aider à combattre les signaux endogènes qui augmentent le poids corporel.
FAUX – L’obésité n’est pas seulement liée à la génétique ; de nombreux facteurs entrent en jeu.
L’environnement – y compris les pressions sociétales, les facteurs socio-économiques, l’accès à une alimentation saine et peut-être même la pollution – joue un rôle considérable. Le passage du travail manuel au travail sur ordinateur et à une vie beaucoup plus sédentaire est un phénomène marquant dans toutes les sociétés.
INCERTAIN – Les médicaments GLP‑1 ne peuvent pas faire tout le travail.
Il faut que la société s’attaque à l’environnement obésogène que nous avons réussi à créer au cours des 30 à 40 dernières années. Si l’on en arrive à ce que toutes les personnes souffrant d’obésité, voire de surpoids, prennent ce médicament, on perdrait alors de vue cet objectif.