Le VIH : 40 ans de pandémie
- Après une infection du VIH, le développement du sida se fait en trois temps : la primo-infection ; la phase asymptomatique ; l’affaiblissement létal du système immunitaire.
- On compte 40 millions de morts depuis le début de la pandémie dans les années 80, à peu près autant que le nombre de personnes vivant actuellement avec le virus.
- Le VIH est un rétrovirus mortel mais des traitements antirétroviraux existent pour le garder sous contrôle, notamment la trithérapie.
- La prophylaxie pré-exposition consiste à prendre une combinaison d’antirétroviraux en amont de situations à risque, et permet de réduire drastiquement le risque de contamination.
- Environ 1,5 million de personnes dans le monde ont été contaminées par le VIH en 2021 et 650 000 sont décédées à cause du sida.
La trentième édition de la CROI (Conférence sur les Rétrovirus et les Infections opportunistes)1, qui réunit notamment les spécialistes du Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH), s’est tenue en février dernier. C’est l’occasion de faire le point sur la situation actuelle du VIH dans le monde !
Ce virus a été identifié et isolé en 1983, par une équipe de l’Institut Pasteur2. Comme d’autres scientifiques à cette époque, elle cherchait l’origine d’un affaiblissement du système immunitaire, observé chez un nombre croissant de patients aux États-Unis depuis 1981 : le tristement fameux syndrome d’immunodéficience acquise, ou sida. Le VIH a en effet la particularité d’infecter des cellules du système immunitaire, notamment les lymphocytes T portant le marqueur CD4, souvent appelés lymphocytes T4. Progressivement tués par le virus, leur disparition finit par empêcher l’organisme de se défendre contre les autres infections. Il existe en réalité différents types de VIH, issus de plusieurs adaptations de virus de singes aux humains. Celui à l’origine de la pandémie actuelle, le VIH‑1 de type M, serait apparu dans les années 1920 à Kinshasa3.
Du VIH au sida
Le VIH peut être transmis par trois fluides corporels : le sang, les sécrétions sexuelles et le lait maternel. Le développement du sida suite à une infection se fait en fait en trois temps. Lors de la primo-infection, c’est-à-dire la rencontre avec le virus, celui-ci se multiplie dans l’organisme et le taux de cellules CD4 chute. Des anticorps anti-VIH commencent à être produits et resteront par la suite détectables dans le sang des patients, qui deviennent donc séropositifs pour le VIH (le terme « séropositif » signifie « qui possède des anticorps », il est parfois utilisé sans préciser l’agent infectieux concerné pour parler du VIH).
Le système immunitaire reprend le dessus au bout de quelques semaines, gardant le virus sous contrôle pendant une phase asymptomatique qui peut durer une dizaine d’années. Celle-ci représente une première difficulté dans la lutte contre le VIH. En effet, ces patients qui n’ont pas de symptôme et ignorent souvent qu’ils sont infectés peuvent quand même être contagieux. C’est à la fois pour permettre la mise en place d’un traitement et pour éviter les contaminations involontaires pendant cette phase asymptomatique que le dépistage est essentiel.
Au bout d’un certain temps, le VIH finit par suffisamment affaiblir le système immunitaire pour se multiplier à nouveau dans l’organisme. Le sida démarre alors : le corps ne peut plus se défendre efficacement contre les infections opportunistes qui, en l’absence de traitement, finissent par entraîner le décès des patients.
Lutter contre le VIH
Le VIH est donc un rétrovirus mortel mais, heureusement, il existe des traitements qui permettent de le garder sous contrôle. Les antirétroviraux associent en général des molécules ciblant trois étapes différentes du cycle de multiplication du virus, d’où l’appellation « trithérapie ». Cette combinaison de plusieurs principes actifs est indispensable pour maîtriser le VIH car ce virus mute beaucoup, ce qui lui permet de développer des résistances. Plus on le contraint, plus la probabilité qu’il réussisse à s’adapter est faible.
Les différents composés de la trithérapie peuvent aujourd’hui être associés en un seul cachet à prendre quotidiennement. Ils permettent de bloquer la prolifération du virus au point de le rendre indétectable dans l’organisme, ce qui a deux énormes avantages. D’une part, le système immunitaire n’étant plus attaqué, il peut à nouveau jouer son rôle protecteur et éviter le développement du sida. D’ailleurs, plus les traitements sont pris tôt, moins le système immunitaire a souffert en amont et plus ils sont efficaces. En cas de risque identifié, il est possible de prendre un traitement post-exposition d’urgence dans les 48 heures pour essayer d’éviter l’installation du virus. D’autre part, de nombreuses études ont montré que lorsque le VIH est indétectable, il est intransmissible4. Le traitement est donc aussi un outil de prévention.
La meilleure façon de lutter contre un agent infectieux reste en effet de ne pas l’attraper. Cela passe notamment par l’identification des situations à risque de transmission et la prise de précautions pour les éviter (comme l’utilisation de préservatifs pendant les rapports sexuels). Cependant, le risque zéro existe rarement et, depuis une dizaine d’années, un nouvel outil préventif est disponible pour les personnes ne s’estimant pas assez protégées contre le VIH, quelle qu’en soit la raison : la prophylaxie pré-exposition, ou PreP. Cette approche consiste, pour les personnes non infectées, à prendre une combinaison d’antirétroviraux en amont de situations à risque. De nombreux essais ont montré que cela diminue drastiquement le risque de contamination, et des études sont en cours pour évaluer différentes modalités d’administration (en continu ou à la demande, par voie orale ou injectable…), dont une en Île-de-France5. Malgré son efficacité, la PreP reste mal connue du grand public, mais elle est accessible en France à partir de 15 ans et remboursée par la Sécurité sociale.
Le VIH aujourd’hui
On estime qu’environ 190 000 personnes vivent avec le VIH en France. Un nombre qui ne cesse d’augmenter, car il y a chaque année plus de nouveaux diagnostics que de décès de personnes porteuses du virus. Si l’efficacité des traitements est une excellente nouvelle, le chiffre des nouvelles contaminations était quant à lui relativement stable depuis une dizaine d’années. Il a diminué en 2020 et 2021, sans qu’il ne soit vraiment possible d’en tirer de conclusion, la crise sanitaire liée au SARS-CoV‑2 ayant eu des répercussions complexes sur les comportements et le système de santé. On estime en tout cas qu’environ 5 000 personnes ont découvert leur séropositivité au VIH en France en 2021, dont 51 % lient leur contamination à un rapport hétérosexuel. Malheureusement, environ 30 % des patients étaient déjà à un stade avancé de la maladie au moment de leur diagnostic, un chiffre également stable depuis une dizaine d’années6.
D’après les chiffres de l’ONUSIDA7, à l’échelle mondiale, environ 1,5 million de personnes ont été contaminées par le VIH en 2021 et 650 000 sont décédées à cause du sida. Le nombre de morts est évalué à 40 millions depuis le début de cette pandémie dans les années 80, soit à peu près autant que le nombre de personnes vivant actuellement avec le virus. 15 % de ces personnes, soit environ 6 millions, ne se savent pas infectées et un quart n’ont pas accès aux thérapies antirétrovirales. Mais ces chiffres cachent de fortes variations selon les régions du monde.
En dehors de l’Afrique subsaharienne, 94 % des nouvelles infections par le VIH concernent des travailleuses du sexe, des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, des consommateurs de drogues injectables, des femmes transgenres ou les partenaires sexuels de toutes ces catégories de personnes. En Afrique subsaharienne, où vivent la majorité des porteurs du VIH, seule la moitié des nouvelles contaminations concernent ces profils. Et 63 % des personnes contaminées en 2021 étaient des femmes ou des filles.
Des objectifs internationaux sont régulièrement fixés pour essayer de mettre fin à la pandémie causée par le VIH. Celui de 2020 n’a malheureusement pas été atteint8 et le cap pour 2030 se résume en trois chiffres : 95–95-95. Que 95 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut, que 95 % des personnes connaissant leur statut soient sous traitement et que 95 % des personnes traitées aient une charge virale indétectable9. En 2021 dans le monde, ces chiffres étaient respectivement de 85 %, 88 % et 92 %.
La lutte contre les discriminations est également essentielle, les personnes porteuses du VIH souffrant d’une forte sérophobie, à la fois dans le milieu médical, au travail et dans la sphère privée10. Dans une enquête réalisée en 2021 en France, 36 % des parents exprimaient par exemple un malaise à l’idée qu’une personne séropositive garde leur enfant11, alors que cette situation ne présente aucun risque de contamination (qui est de toute façon inexistant lorsque le traitement rend le virus indétectable). La pédagogie reste donc essentielle sur ces sujets.
Les progrès des traitements et des approches préventives contre le VIH méritent d’être célébrés, mais la route jusqu’à l’éradication est encore longue. D’autant qu’on ne dispose toujours ni d’un vaccin efficace, ni d’un traitement permettant de guérir définitivement du virus (même si quelques cas exceptionnels sont connus, auxquels nous consacrerons un prochain article). Saluons pour finir l’indispensable travail des associations qui, depuis le début de cette pandémie il y a quarante ans, jouent un rôle fondamental dans la prévention, l’accompagnement des malades et la lutte contre leur stigmatisation.
Quelques sites utiles pour s’informer sur le VIH/sida :
https://www.sida-info-service.org
https://www.sidaction.org/