HPI, surdoué, zèbre : quelle réalité scientifique derrière ces termes ?
- La définition la plus utilisée du terme HPI décrit une personne qui a des capacités intellectuelles supérieures à la moyenne, c’est-à-dire dont le QI dépasse 130.
- De nombreux termes (zèbre, surdoué, précoce…) sont parfois utilisés, mais leur définition respective ne s’apparente pas aux hauts potentiels intellectuels.
- Un stéréotype tenace sur les personnes HPI veut qu’elles seraient plus malheureuses, anxieuses que les autres, mais les études scientifiques démentent cette idée.
- Un des seuls traits de personnalité exacerbé chez les personnes HPI est l’ouverture, ce qui englobe la curiosité, l’imaginaire ou encore la compréhension des valeurs morales différentes.
- Diagnostiquer un HPI n’est pas impératif : dans certains cas, cela est utile et éclaire une situation, mais parfois le verdict devient – à tort – une explication à tout.
Ces dernières années, les discussions et les débats autour des hauts potentiels intellectuels (HPI) ont pris beaucoup de place. Le phénomène est même devenu particulièrement populaire avec la diffusion sur TF1 d’une série éponyme mettant en scène une enquêtrice aux capacités intellectuelles supérieures à la moyenne. Avec cet intérêt grandissant, les tests se multiplient pour savoir si on est ou pas HPI. Le sujet est presque devenu une mode, ce qui va forcément avec son lot de fantasmes. Or, le terme HPI recouvre une réalité scientifique.
« Le haut potentiel intellectuel se définit par un quotient intellectuel supérieur à la moyenne » : vrai
Le haut potentiel intellectuel est défini par un quotient intellectuel (QI) supérieur à 130, sachant que le QI moyen se situe entre 90 et 110. Les HPI font partie des 2,3 % des meilleurs du point de vue du QI. C’est la définition la plus fréquente. Le terme HPI insiste sur le fait qu’il s’agit d’une potentialité. Cela signifie que la personne a les capacités de réaliser de grandes choses dans la sphère intellectuelle. Toutefois, cela ne signifie pas nécessairement que ces dernières se produiront, puisque d’autres facteurs entrent en jeu. Dans la littérature scientifique, on préfère parfois le terme haut quotient intellectuel (HQI) qui a l’avantage d’être purement descriptif.
« Zèbre, HPI, surdoué, précoce veulent tous dire la même chose » : faux
Différents mots sont utilisés pour évoquer les hauts potentiels intellectuels, et ils recouvrent différentes définitions. « Précoce » est le terme qu’employait l’Éducation nationale, renvoyant à une personne en avance intellectuellement. Ce n’est pas exactement la réalité, puisque ces élèves ne sont pas en avance, mais sont plutôt plus doués que la moyenne. La courbe d’évolution des compétences cognitives monte jusqu’à 25 ans puis stagne. Chez les HPI, le niveau stagne à un niveau supérieur à la moyenne. Le mot « surdoué » évoque des personnes « trop » douées. Des personnes dont l’intelligence élevée finit par poser des problèmes sociaux, des décalages. Or, ce n’est pas le cas. Au Canada, on utilise beaucoup le terme « douance », qui se rapproche de l’anglais « giftedness », dont la traduction littérale est « le fait d’être doué ». Le terme « zèbre » a été inventé par la psychologue Jeanne Siaud-Facchin, il n’est jamais utilisé en sciences. Sur les réseaux sociaux, ce mot est utilisé pour décrire un mélange d’hypersensibilité, d’anxiété et de difficultés émotionnelles, ce qui ne correspond pas à la définition du haut potentiel intellectuel.
« Le test de QI est le seul moyen pour savoir qu’une personne est HPI » : incertain
En recherche, la définition la plus fréquente est celle du quotient intellectuel, avec le passage d’un test. Cependant, certains chercheurs estiment cette méthode insuffisante et proposent d’autres modèles. Joseph Renzulli, un psychologue américain, a par exemple, créé le modèle des trois anneaux. Les spécialistes s’accordent pour dire que les hauts potentiels sont des personnes qui pourraient réaliser de grandes choses dans la sphère intellectuelle, et que l’intelligence au sens du QI est un élément central. La question est de savoir quels traits de personnalité développent cette potentialité. Joseph Renzulli ajoute ainsi deux autres composantes : la créativité, car il faut être capable d’avoir des idées originales, et la motivation, qu’il appelle l’engagement dans la tâche. D’après lui, si on n’est pas capable de travailler longtemps et profondément sur le même sujet, on ne peut pas faire de révolution culturelle. Ce modèle est recevable, mais ces composantes restent difficiles à mesurer, selon Nicolas Gauvrit.
« Les HPI font face à plus de difficultés que les autres » : faux
Il existe encore un certain stéréotype selon lequel une personne HPI serait en décalage pathologique avec les autres, plus anxieuse ou sensible. Mais sur ce point, la recherche scientifique est claire : ce n’est pas vrai. Beaucoup d’études et de données le montrent, les HPI ne vont pas plus mal que les autres. Nicolas Gauvrit et ses collègues ont pu étudier des données sur un échantillon de 260 000 personnes, en prêtant attention à toute sorte de troubles ou de difficultés. En général, il n’y a pas de différence entre les hauts potentiels et les autres. Quand il y en a, c’est le plus souvent en faveur des HPI. Le haut potentiel peut être vu à la fois comme une force, car l’intelligence est une ressource pour surmonter les difficultés de la vie. Parfois, être en décalage avec les autres peut engendrer des complications. Les études montrent que la force que confère le HPI l’emporte sur les difficultés.
Qu’est-ce que l’hypersensibilité ?
La sensibilité est un trait de personnalité qui ne caractérise pas forcément les personnes HPI. Les personnes sensibles réagissent plus à des stimuli, qu’ils soient émotionnels ou physiques. Cela peut se traduire par le fait de remarquer des petits changements dans l’environnement, de réagir intensément face à de l’art, par exemple. Chaque personne se situe plus ou moins haut sur l’échelle de la sensibilité.
Le terme « hypersensible » caractérise les personnes qui se trouvent en haut sur l’échelle de la sensibilité. Et cela comporte des aspects positifs et négatifs. D’un côté, ces individus sont plus attentifs, de l’autre, les émotions sont plus intenses et peuvent être plus difficiles à gérer. En même temps, les hypersensibles ont une meilleure capacité à comprendre leurs émotions. L’hypersensibilité n’est donc pas un trouble, mais, statistiquement, elle est associée à plus de difficultés émotionnelles, c’est un facteur de risque.
Par ailleurs, l’hypersensibilité est un trait de personnalité différent de l’émotivité. La sensibilité favorise l’émotivité, mais il est possible d’être sensible et de savoir gérer les fortes émotions. Une mauvaise gestion émotionnelle est indépendante de l’hypersensibilité. D’ailleurs, généralement les personnes hypersensibles gèrent mieux leurs émotions. Comme d’autres traits de personnalité, la sensibilité se mesure.
« Les hauts potentiels intellectuels sont une invention » : faux
Il existe une contre-légende selon laquelle les hauts potentiels n’ont rien de particulier, que c’est une invention creuse, mais c’est faux. Le QI est un continuum : entre 125 et 135 de QI, il n’y a pas énormément de différence, et cela peut paraître arbitraire de fixer un seuil à 130. Cependant, la différence existe. Ceci est comparable à la taille : si on déclare qu’au-delà de 1m95, une personne est « très grande », cela peut paraître arbitraire pour les personnes de 1m93. Il serait toutefois faux d’affirmer que les individus mesurant 1m95 n’ont rien de particulier. On les voit plus dans le métro, car ils évoluent dans une société pas adaptée à leur gabarit. Il y a donc bien une différence, pouvant parfois mener à un sentiment de décalage – qui peut tout à fait être géré.
« Les HPI ont des traits de personnalité particuliers » : incertain
Il n’existe pas de traits de personnalité qui permettent de détecter un haut potentiel intellectuel. Cependant, dans les cinq grands traits de personnalité classiquement considérés en psychologie, un seul les distingue des autres : l’ouverture. Ce terme englobe la curiosité, mais également l’envie de découvrir de nouvelles choses, l’ouverture intellectuelle, le goût pour l’imaginaire, la capacité à comprendre des valeurs morales différentes… En moyenne, les HPI ont des scores plus élevés sur ce trait de personnalité. Pour les quatre autres grands traits (l’extraversion, l’agréabilité, le névrosisme et le fait d’être consciencieux), il n’y a pas de différence notable.
« Il faut forcément savoir qu’on est HPI » : faux
Il n’est pas du tout nécessaire de savoir que l’on est intellectuellement plus doué que la moyenne. Beaucoup de psychologues se montrent d’ailleurs très prudents et ne se précipitent pas sur le test, quand il y a un doute. En effet, il faut envisager les effets sur la personne d’un test positif ou négatif. On peut être effondré quand on pense l’être et qu’on ne l’est pas. À l’inverse, après un diagnostic, on peut se mettre à tout expliquer par ce biais. Il y a donc un risque, et il vaut mieux savoir à quoi va servir la réponse. Par exemple, cela peut être utile pour un adulte souhaitant se réorienter vers un métier plus intellectuel. En ce qui concerne les enfants, il peut être plus important de savoir s’il y a un mal-être à l’école, ou s’il est envisagé de faire sauter une classe. Néanmoins, même dans ce cas de figure, ce n’est pas nécessaire. Il s’agit plutôt d’une indication, mais l’Éducation nationale précise que le saut de classe n’est ni conditionné, ni automatisé au fait d’être HPI.