Depuis qu’une utilisation massive du numérique s’est implantée, l’innovation dans le secteur de la santé est exponentielle. Un monde connecté comme le nôtre permet des progrès technologiques mais peut aussi ouvrir les portes à un tout autre type d’avantages passés longtemps inaperçus. « Le numérique a de nombreux impacts positifs sur le secteur de la santé, affirme Étienne Minvielle, directeur de recherche CNRS et professeur en management de la santé de I³— CRG. Il permet un suivi à distance du patient, tout en renforçant son autonomie dans sa prise en charge, car il peut plus facilement se mouvoir et contacter un système hospitalier. »
Selon des études dirigées par le professeur, le numérique assure une meilleure qualité du parcours de soin. Au travers de cette télésurveillance, « la santé digitale est quelque chose en très fort développement depuis quelques années, atteste Alexis Hernot, co-fondateur de Calmedica. Et la France veut en devenir le leader européen. » Face aux avantages que cette « e‑santé » peut apporter au monde médical, Alexis Hernot en est persuadé : « Le numérique est passé d’une menace à une formidable opportunité. »
Un atout organisationnel
« Il y a une question d’organisation qui est assez fondamentale quand on parle du numérique et des innovations technologiques en santé, insiste Étienne Minvielle. Il faut donc savoir tout de suite le remettre dans ce contexte organisationnel. » C’est dans ce contexte que le professeur a mené une étude à l’hôpital Gustave Roussy. Après la mise en point d’un système de communication, nommé CAPRI, le suivi de patients atteints de cancer ayant un traitement oral pouvait se faire plus facilement à distance. « En oncologie, par exemple, les patients passent plus de 90 % de leur temps en dehors de l’hôpital, explique-t-il. Il est important de savoir ce qui s’y passe, au travers d’un ensemble d’acteurs qu’il faut coordonner le long du parcours afin que cela se passe le mieux possible pour le patient. »
Par un tel suivi, de nombreux avantages apparaissent : « On arrive à prévenir les effets de toxicité des médicaments, ajoute le professeur, grâce à une meilleure prescription de ces derniers. Parallèlement, les patients sont plus contents et on a montré que cela évitait des venues à l’hôpital dans des proportions à chaque fois statistiquement significatives. D’autant que, lorsqu’ils passent tout de même à l’hôpital, ils passent moins souvent par les urgences. Ce qui est un autre point clef puisque dans les systèmes de santé modernes, l’engorgement des urgences est un vrai problème. »
Ce type de suivi permet également de personnaliser le parcours de soin du patient. Un peu à l’image des algorithmes de suggestion des plateformes de streaming, cela permettra aux soignants de mieux connaître ses habitudes de vie et, donc, de mieux l’orienter dans son parcours. « On additionne une connaissance sur des déterminants socio-économiques avec ceux du comportement du patient, développe Étienne Minvielle. Un patient seul n’aura pas du tout la même prise en charge qu’un patient accompagné de sa famille. En ce qui concerne le comportement du patient, il est important de savoir si ce dernier est anxieux, s’il est motivé à prendre ses médicaments, ou bien s’il a des passages délicats. » Les travaux d’Étienne Minvielle n’en sont encore qu’au stade expérimental, mais leurs résultats restent prometteurs.
Une pénurie de soignants en besoin de remède
Un système de suivi à distance similaire a déjà vu le jour, sous le nom de Calmedica. « Une régulation de la Haute Autorité de santé demande que les patients en chirurgie ambulatoire soient appelés la veille et le lendemain de leur opération, explique Alexis Hernot. Avec la pénurie de soignants actuelle, ces appels, qui sont très chronophages, nous ont poussés à la création de Calmedica. » L’ancien polytechnicien et sa collaboratrice ont ainsi imaginé un système automatisé afin de remplacer ces appels. Ce système, passant par l’envoi de SMS, communiquera les consignes au patient avant l’opération et lui demandera son état de santé après.
« Depuis le début de la Covid, un problème dans le secteur de la santé s’est accentué : la pénurie de soignants, constate-t-il. Le nombre de postes vacants à l’hôpital a donc augmenté. » Un outil automatisé communicant avec le patient facilite le suivi de son parcours de soin. « Quand vous avez 40 patients par jour, vous passez 6 à 7 heures par jour pour les contacter, ajoute Alexis Hernot. Il faudrait donc une infirmière à temps plein pour cette simple tâche. »
Le logiciel de Calmedica utilise ainsi des arbres décisionnels pour communiquer avec les patients par SMS. « Un tel système arrive à libérer 90 % du temps infirmier, développe-t-il. Ce temps est utilisé pour améliorer la qualité des soins, mais permet aussi la prise en charge de plus de patients tout en réduisant la file d’attente. » De plus, son utilisation a été simplifiée au maximum : « Le système que l’on a fait est simple, assure-t-il. On n’a pas besoin de former les patients, car on leur dit : vous allez recevoir des SMS, s’il y a des questions, il faut y répondre. Et pour les soignants, on leur dit : vous avez un tableau de bord et si une chose a été signalée, il y aura un point rouge à la ligne qui correspond au patient. »