Pourquoi a‑t-il autant plu en 2024 ?
- En France, le printemps 2024 a été le 4ème plus pluvieux enregistré depuis 1959, ce qui interroge le lien entre les précipitations et le changement climatique induit par les activités humaines.
- Pourtant, aucune tendance nette ne se dégage à l’échelle nationale concernant l’évolution globale des précipitations annuelles.
- À une échelle géographique plus restreinte, on observe toutefois une augmentation des pluies hivernales sur la moitié nord du pays et une diminution des précipitations estivales sur la moitié sud.
- Si les précipitations devraient augmenter au nord de l’Europe sous l’effet du changement climatique, le bassin méditerranéen deviendra plus aride.
- D’ici 2100, les projections ne prévoient pas de tendance claire pour les précipitations annuelles, mais indiquent des disparités saisonnières et régionales plus marquées.
En France, le climat de l’année 2024 est marqué par une pluviométrie importante. Le printemps fut le 4ème printemps le plus arrosé jamais enregistré depuis 1959, et le cumul des pluies a dépassé les 1 000 mm à l’échelle nationale depuis novembre, soit plus que toute la pluie accumulée sur l’année 2023. « Dès la fin du mois d’octobre, le cumul de pluie était excédentaire par rapport au cumul annuel moyen sur la période 1991–2020, commente Simon Mittelberger. 2024 va figurer parmi les années les plus pluvieuses en moyenne depuis le début des enregistrements météo en 1959. En revanche, le nombre de jours de pluie correspond à la moyenne. »
Existe-t-il un lien entre cette année particulière et le changement climatique causé par les activités humaines ? « L’année 2024 résulte principalement de la variabilité naturelle du climat », répond Simon Mittelberger. Les conditions météo (précipitations, vent, température, etc.) sont en effet modulées par les oscillations naturelles du climat ainsi que par la hausse globale des températures, causée par les activités humaines. Or l’Organisation météorologique mondiale estime qu’il est nécessaire de considérer une période de 30 ans pour observer l’évolution du climat1. « Plus les échelles de temps observées sont courtes, plus on observe l’impact de la variabilité naturelle du climat », détaille Bertrand Decharme. L’échelle annuelle est donc bien trop courte pour révéler l’empreinte du changement climatique dans les conditions météo. « Une succession de conditions météo propices explique l’importante pluviométrie de 2024 : de nombreuses gouttes froides au printemps, une rivière atmosphérique en septembre et une température élevée de la Méditerranée », pointe Simon Mittelberger. Il n’est donc pas possible de s’appuyer sur l’année 2024 pour comprendre les retombées du changement climatique sur la pluviométrie en France.
Davantage de pluies dans le nord de la France, moins dans le sud
Pour cela, il est nécessaire de s’intéresser à l’évolution des pluies à long-terme. Lorsque l’on regarde l’historique des précipitations annuelles en France, aucune tendance ne se dégage. Les cumuls annuels sur le territoire s’établissent autour de 935 mm de pluie depuis les années 80, avec des variations naturelles d’une année à l’autre. Mais en changeant d’échelle, des signaux se dégagent. Par exemple, on observe une augmentation des précipitations annuelles entre 1961 et 2014 sur une grande moitié nord de la France, et une baisse au Sud2. « Depuis les années 60, des changements du régime de pluie sont également constatés entre les saisons, précise Simon Mittelberger. On note un renforcement du contraste saisonnier : plus de pluies en hiver, particulièrement sur la moitié nord du pays ; et moins de pluies en été, particulièrement sur la moitié sud. »
En rejetant des gaz à effet de serre, les activités humaines augmentent la température globale de l’atmosphère. Or la température influence directement la quantité d’eau contenue dans l’atmosphère : cette relation physique connue s’appelle l’équation de Clausius-Clapeyron. Pour chaque degré supplémentaire, l’humidité de l’air à basse altitude augmente de 7 %3. En conséquence, les précipitations moyennes globales augmentent, d’environ 1 à 3 % pour chaque degré supplémentaire.
Dans son dernier rapport de synthèse, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) résume : « Les précipitations et l’évaporation moyennes mondiales augmentent moins vite que l’humidité atmosphérique par 1 °C de réchauffement climatique, ce qui allonge la durée de vie de la vapeur d’eau dans l’atmosphère et entraîne des changements dans l’intensité, la durée et la fréquence des précipitations, ainsi qu’une intensification globale, mais non une accélération, du cycle de l’eau à l’échelle planétaire. » Les régions touchées à l’avenir par une hausse des précipitations moyennes annuelles sont les Highlands d’Éthiopie, l’Asie de l’Est, Sud et Nord, le sud-est de l’Amérique du Sud, l’Europe du Nord, le nord et l’est de l’Amérique du Nord et les régions polaires. À l’inverse, les précipitations moyennes vont décliner dans le sud de l’Afrique, la côte ouest-africaine, l’Amazonie, le sud-ouest de l’Australie, l’Amérique Centrale, le sud-ouest de l’Amérique du Sud et la Méditerranée.
La France : zone de transition entre le nord et le sud de l’Europe
« La France se situe dans une zone de transition : au nord de l’Europe, les précipitations vont augmenter sous l’effet du changement climatique ; à l’inverse, le bassin méditerranéen va devenir plus aride, explique Éric Sauquet. La transition entre ces deux régimes se situe-t-elle au nord de la France ? En Belgique ? Il est encore difficile d’avoir une réponse claire avec les modèles climatiques. » Le changement climatique se traduit par une augmentation – déjà observée aujourd’hui – du contraste entre les saisons mais aussi entre les régions. « Les modèles climatiques à haute résolution sur lesquels nous travaillons établissent le lien entre les changements des précipitations en France et le changement climatique », pointe Simon Mittelberger.
Le projet Explore 24 – dont les résultats ont été publiés à l’été 2024 – explore lui aussi les futurs possibles du climat et de l’eau en France hexagonale selon les scénarios climatiques du GIEC, comme nous l’expliquait Éric Sauquet, co-pilote scientifique du projet. « D’ici 2100, les projections ne montrent pas de signal clair sur les précipitations annuelles, pointe Éric Sauquet. En revanche la pluviométrie à l’avenir présentera de plus fortes disparités saisonnières et régionales : les tendances sont claires concernant une diminution des précipitations estivales, et une hausse de la pluviométrie en hiver sous scénario d’émissions fortes de gaz à effet de serre. » En clair : l’évolution déjà observée aujourd’hui devrait se poursuivre.