Pandémie : une réduction de 7 % des émissions de CO2 en 2020
NB : Depuis la rédaction de cet article, le chiffre de 8% des émissions globales de CO2 en 2020, qui était initialement le titre de cet article, a été réévalué à 7%.
Avant la crise, nous nous dirigions vers le scénario le plus pessimiste en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), il ne faut pas que la hausse de la température mondiale soit supérieure à 2 °C si nous voulons éviter des bouleversements écologiques irréversibles ; or nous sommes actuellement en route vers une augmentation deux fois plus importante. La pandémie et les restrictions liées aux mesures de confinement prises à travers le monde ont considérablement modifié les interactions entre l’homme et son environnement. Mon équipe étudie la composition de l’atmosphère et du climat en s’appuyant à la fois sur les observations des stations terrestres et sur celles des satellites, ce qui explique pourquoi nous n’avons pas tardé à être sollicités lorsque la pandémie a pris une ampleur mondiale.
Selon le type de gaz ou de particule, les incidences de la pandémie ne sont pas les mêmes. Sachant que les gaz à effet de serre d’origine anthropique comme le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4) restent dans l’atmosphère pendant environ 100 et 10 ans respectivement, il n’est pas vraiment possible d’en évaluer les variations de manière fiable sur une période relativement courte. En revanche, les substances hautement réactives et les particules polluantes présentes dans l’air ont une durée de vie beaucoup plus réduite, et nous avons constaté de grands changements dans ce domaine. Nous avons par exemple relevé une baisse de 30 % des particules ultrafines en région parisienne par rapport à la même période au cours des dix dernières années. Les observations du satellite européen Sentinel-5P ont par ailleurs fait apparaître une diminution de plus de 50 % du NO2 – un indicateur des émissions de combustibles fossiles – dans les mégalopoles européennes au printemps.
En revanche, parler d’un impact positif du confinement est plus compliqué qu’il n’y paraît. Lorsque l’on observe les gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère, on ne constate pas vraiment de changement. Mais ce n’est pas la manière la plus efficace d’évaluer les effets de l’activité humaine sur de courtes périodes, puisque les concentrations atmosphériques de CO2 peuvent être masquées par l’action de la végétation à l’échelle de la planète. Les émissions ont donc plutôt été estimées en se basant sur la consommation énergétique, ce qui a permis d’observer une forte baisse des émissions de CO2 dans l’atmosphère. En avril, ces émissions, soit 17 mégatonnes par jour à l’échelle planétaire, étaient en recul de 17 % par rapport à ceux de l’année dernière. Pour l’année 2020 dans son ensemble, les émissions de CO2 devraient être inférieures de 8 % par rapport à celles de 2019.
Cependant, lorsque l’on observe les gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère, on ne constate pas vraiment de changement.
Cette baisse des émissions de carbone observée au cours de la pandémie est certes une bonne nouvelle pour la planète, mais il convient toutefois de faire remarquer que cela ne fait que nous ramener aux taux de 2016. Cela reflète la forte augmentation des émissions de carbone entre 2016 et 2019. Pour respecter l’accord de Paris de 2015, il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre de 8 % par an. L’impact de la pandémie et des périodes de confinement à grande échelle semble donc montrer que cet objectif climatique est tout à fait réalisable.
Toutefois, les mesures appliquées sont drastiques, et les contraintes économiques et sociales liées à la pandémie ne sont pas viables à long terme. En revanche, les résultats obtenus nous renseignent sur les domaines sur lesquels il faut concentrer nos efforts puisqu’ils permettent d’identifier les secteurs dans lesquels il serait possible de réduire efficacement les émissions de gaz à effet de serre. Nous avons par exemple constaté une baisse de 75 % de l’activité du transport aérien. Or celui-ci n’est responsable que de 2 à 3 % des émissions mondiales. Ce n’est donc pas forcément le secteur qui produira les effets les plus significatifs.
Si l’on se penche sur le secteur de l’énergie, on s’aperçoit qu’il est responsable de 44 % des émissions mondiales. Durant la période de confinement, nous avons constaté une diminution de 6 % de ces émissions, du fait de la diminution de la demande. Le secteur des transports routiers joue aussi en la matière un rôle déterminant puisque près de 50 % de la réduction des émissions observées au cours de la période est imputable au fléchissement du trafic routier. Il faut par conséquent accorder une attention toute particulière à ces deux secteurs.
Pour autant, il est à craindre que les mesures politiques comme les « pactes environnementaux » soient mises de côté au profit de la reprise de l’économie mondiale. La crise sanitaire ne doit pas éclipser celle du climat et nous devons tout mettre en œuvre pour ne pas nous détourner des mesures prises en faveur de la planète.
Si l’on se réfère aux précédentes crises économiques, comme celle de 2008, l’évolution des émissions de dioxyde de carbone n’augure rien de bon. On constate en effet qu’elles reprennent leur trajectoire habituelle dès que l’économie se redresse, et parfois de façon encore plus marquée. Autrement dit, en 2021 ou 2022, les bienfaits de la pandémie sur l’environnement auront probablement été réduits à néant. Nous devons rester vigilants en concentrant nos efforts sur de nouvelles solutions à l’échelle mondiale, et elles sont nombreuses. Il faut s’intéresser en priorité à des secteurs bien précis tels que l’énergie et les transports, mais aussi investir dans la bioénergie, ainsi que dans le captage et le stockage du dioxyde de carbone en plantant des arbres et en mettant au point des procédés technologiques plus sophistiqués. Les dix prochaines années seront décisives.