Des engrais intelligents pour protéger le climat
Depuis le XIXe siècle, nous savons que certains micro-organismes jouent un rôle-clé dans le cycle de l’azote en produisant des formes d’azote utilisables par les plantes. L’objectif des engrais azotés utilisés en agriculture est ainsi d’accélérer ce cycle, mais leurs conséquences sur l’environnement et l’économie sont dramatiques. Une distribution « intelligente » de l’azote, plus progressive et plus lente, pourrait dès lors permettre de limiter bon nombre de ces effets négatifs.
Des engrais pour enrichir le sol en azote
Pour se développer, les plantes ont besoin d’azote, qu’elles obtiennent soit grâce à de l’ammonium, soit grâce à des nitrates (deux molécules riches en azote). L’ammonium, qui se retrouve naturellement dans le sol, est formé par la décomposition de matière organique, par des dépôts produits par la foudre, mais surtout par la fixation de l’azote atmosphérique dans les nodules des plantes légumineuses, à raison de 110 millions de tonnes par an. Le nitrate, quant à lui, est le résultat de la transformation de l’ammonium par des micro-organismes.
Même si les plantes sont capables d’absorber ces deux molécules, c’est la transformation de l’ammonium en nitrate qui a des conséquences majeures pour les systèmes agricoles. Les grandes quantités d’azote (100 millions de tonnes supplémentaires par an) ajoutées aux sols sous forme d’engrais accélèrent l’activité microbienne, ce qui entraîne une surproduction de nitrates.
Cet excès de nitrate a un impact négatif sur l’environnement, car il rend l’azote plus mobile, augmentant ainsi son potentiel de dégradation de l’environnement. Les nitrates polluent ainsi les eaux de ruissellement et les rivières, contaminent les ressources souterraines en eau potable et favorisent la prolifération d’algues. Ils sont également à l’origine d’une augmentation substantielle des émissions d’oxyde nitreux (N2O), le troisième gaz à effet de serre le plus répandu (après le CO2 et le CH4), et dont les concentrations ont augmenté de 20 % depuis l’époque préindustrielle. Le N2O sera également le composé principalement responsable de l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique au XXIe siècle.
Les nitrates polluent ainsi les eaux de ruissellement et les rivières, contaminent les ressources souterraines en eau potable et favorisent la prolifération d’algues.
Les engrais intelligents : libérer l’azote progressivement
Le principal effet des engrais dits « intelligents » est de libérer l’azote dans le sol de façon progressive, au fil des semaines. Cela permet ainsi aux plantes d’en absorber une plus grande proportion, et d’accroître leur efficacité. Par conséquent, l’activité des micro-organismes du sol est réduite, et la part de l’ammonium convertie en nitrates se réduit. Résultat : les nitrates sont moins drainés dans les cours d’eau, et polluent moins l’environnement.
L’un des autres avantages des engrais à libération progressive est de réduire les émissions dangereuses de N2O. Des études ont montré que l’utilisation à grande échelle et sur une courte période d’engrais à base d’ammonium favorisait la croissance de populations de micro-organismes capables d’exploiter ces concentrations élevées. Il en résulte une augmentation spectaculaire de l’activité de certaines populations microbiennes, notamment celles qui contribuent le plus aux émissions d’oxyde nitreux (N2O). L’utilisation d’un engrais à libération lente permet donc d’éviter la suractivité de ces micro-organismes, et de réduire les émissions.
Mais si les engrais à libération progressive répondent efficacement à certains des problèmes posés par les engrais traditionnels, ce n’est pas la seule approche envisageable. Une autre méthode consiste à utiliser des inhibiteurs pour limiter la croissance des populations bactériennes qui sont à l’origine des conséquences néfastes de la transformation de l’azote. L’idée n’est pas de les supprimer, ni de les stériliser, mais plutôt de les affamer, afin de contrôler leur activité. Cela garantit donc que les cultures agricoles aient accès à la majeure partie de l’engrais azoté ajouté – en évitant qu’il ne soit transformé par des bactéries. Cela permet à la fois de mieux contrôler le bilan azoté du sol, et de réduire les quantités d’engrais utilisées. Ces deux approches ne sont bien sûr pas exclusives. Toute solution permettant de réduire la pollution liée à l’azote dans l’agriculture intensive est la bienvenue.