COP29 : des décisions cruciales pour protéger les petits États insulaires
- La COP29 est une occasion cruciale de présenter les décisions nécessaires pour la protection des petits États insulaires en développement (PEID).
- Ces pays et territoires font face à des défis de développement uniques, liés à leur petite taille géographique, leur isolement et leurs ressources naturelles limitées.
- Lors de la COP28, la création du fonds « Pertes et dommages » a engagé les nations à investir dans la transition écologique des PEID et la COP29 vise à introduire de nouvelles solutions innovantes.
- Les MAP encouragent en ce sens des stratégies multisectorielles pour réduire les émissions de GES et renforcer la résilience des PEID face aux risques climatiques.
- Il appartient à la communauté internationale de prioriser les ressources financières ou encore la simplification de l’accès au financement climatique pour les PEID.
Le terme « petits États insulaires en développement » (PEID) est utilisé pour décrire un groupe distinct de pays en développement qui partagent des vulnérabilités sociales, économiques et environnementales spécifiques. Ce groupe de pays et de territoires1 présente des défis de développement uniques en raison de leur petite taille géographique, de leur isolement et de leurs ressources naturelles limitées. Leurs vulnérabilités économiques découlent de leur dépendance à l’égard d’une gamme étroite d’exportations et d’une forte dépendance à l’égard des importations, exacerbées par leur exposition aux risques environnementaux, notamment au changement climatique, aux catastrophes naturelles et à l’élévation du niveau de la mer. Des risques qui menacent à la fois les communautés urbaines et rurales, et qui font du changement climatique une réalité quotidienne pour ces nations insulaires plutôt qu’une menace théorique.
Les Nations unies ont reconnu les défis uniques auxquels sont confrontés les PEID et ont fourni des plateformes telles que le programme d’action de la Barbade (1994), la stratégie de Maurice (2005) et la voie SAMOA (2014) pour répondre à leurs besoins spécifiques. Les conférences internationales sur le climat, notamment les COP28 et COP29, ont de plus en plus mis l’accent sur les stratégies de résilience des PEID, les déficits de financement et le besoin pressant d’une collaboration mondiale pour soutenir ces nations vulnérables.
Reconnaissant ces vulnérabilités, les efforts internationaux se sont concentrés sur la prise en compte des besoins spécifiques des PEID, notamment par le biais d’initiatives mises en avant lors des conférences de la Conférence des Parties (COP).
Des engagements à l’action : Les PEID aux COP28 et COP29
Lors de la COP28, l’accord historique sur la création du fonds « Pertes et Dommages » a constitué une avancée majeure. Initialement proposé lors de la COP27, ce fonds engageait de nombreux pays à investir dans la transition écologique et les mesures d’adaptation au climat des nations en développement. Le montant total promis lors de la COP28 a atteint environ 770 millions de dollars. Cependant, ce chiffre ne représente qu’environ 0,2 % des besoins estimés des PEID, qui comprennent des investissements dans des technologies d’adaptation cruciales pour empêcher leur disparition physique et la transition vers des sources d’énergie durables2.
S’appuyant sur cette base, la COP29 est passée des engagements à l’opérationnalisation. Le Fonds pour les pertes et dommages est prêt à distribuer des fonds d’ici 2025, la Suède apportant une contribution supplémentaire de 19 millions de dollars, ce qui porte le total des engagements à plus de 720 millions de dollars. Cette étape reflète les progrès accomplis, mais comme l’a souligné le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, il reste encore beaucoup à faire. Lors de la COP29, il a appelé à la mise en place de sources de financement innovantes, telles que des taxes de solidarité sur le transport maritime, l’aviation et l’extraction de combustibles fossiles, et au renforcement des capacités de prêts multilatéraux pour faire face à l’ampleur de la crise :
« La création du Fonds pour pertes et dommages est une victoire pour les pays en développement, pour le multilatéralisme et pour la justice. Mais sa capitalisation initiale de 700 millions de dollars est loin de réparer les torts infligés aux plus vulnérables (…). J’exhorte les pays à engager de nouveaux financements en faveur du Fonds. Et à faire des chèques en conséquence. Mais les flux bilatéraux ne suffiront pas. Nous avons besoin de nouvelles réponses et de nouvelles sources pour répondre à l’ampleur des besoins. J’invite les pays à convenir d’un nouvel objectif de financement de la lutte contre le changement climatique qui fasse appel à des sources innovantes. Nous devons mettre en place des taxes de solidarité sur des secteurs tels que le transport maritime, l’aviation et l’extraction de combustibles fossiles, afin de contribuer au financement de l’action climatique. Nous avons besoin d’un prix équitable du carbone. Et, plus généralement, nous devons également soutenir les banques multilatérales de développement afin d’accroître leur capacité de prêt, de manière à ce qu’elles soient en mesure de répondre à la crise climatique. »
Les dirigeants des PEID présents à la COP29 se sont fait l’écho de ces demandes. Le président de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), M. Toeolesulusulu Cedric Schuster, a souligné l’urgence d’accéder au fonds et de le rendre opérationnel, en insistant sur la nécessité de mettre en place des voies équitables et rationalisées pour le financement de la lutte contre le changement climatique :
« Lors de la COP26, on nous a promis de doubler le financement de l’adaptation, mais l’accès reste difficile pour les pays comme le nôtre [N.D.L.R. : Les Samoa] qui ont le moins de capacités et de ressources. (…) Le fonds nouvellement créé pour répondre aux pertes et dommages doit entrer en jeu ici. Les petits États insulaires plaident en faveur d’un tel fonds depuis de nombreuses années. Il est essentiel qu’il soit pleinement opérationnel, capitalisé et qu’il commence à débourser des fonds aussi rapidement que possible. »
L’adoption de la déclaration de Bakou lors de la COP29 a mis l’accent sur des actions pratiques, en faisant entendre la voix des PEID et en s’attaquant aux effets sur la santé grâce à des collaborations avec l’Organisation mondiale de la santé et d’autres parties prenantes. Cet agenda élargi reflète une compréhension holistique de la résilience, allant au-delà des finances et des infrastructures pour inclure la santé publique et le bien-être.
Voies d’action multisectorielles et résilience des villes côtières vulnérables
En raison de leur éloignement, de la rareté de leurs ressources et de leur vulnérabilité aux intempéries, les PEID sont particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique. Des solutions innovantes et intégrées, qui s’attaquent à la fois aux risques à court terme et à la durabilité à long terme, sont nécessaires pour faire face à ces problèmes exacerbés. L’adoption de voies d’action multisectorielles (Adopting Multisectoral Action Pathways, [MAP]), un cadre créé pour traiter les problèmes interdépendants auxquels sont confrontés les PEID, en particulier dans leurs régions les plus vulnérables, comme les villes côtières, est l’une de ces solutions.
Grâce à des efforts coordonnés entre des secteurs tels que l’infrastructure, la finance, l’éducation, la santé et l’agriculture, les MAP fournissent un cadre de coopération pour relever des défis sociétaux complexes. Les MAP génèrent des synergies qui renforcent la résilience en coordonnant des objectifs communs, en impliquant les parties prenantes, en combinant les ressources et en garantissant la responsabilité de la gouvernance. Les MAP favorisent la planification intégrée dans les domaines de l’énergie, des transports et du développement urbain en vue de l’adaptation au climat, ce qui permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’accroître la capacité des communautés à résister aux risques climatiques.
En raison de leur éloignement, de la fragilité de leurs écosystèmes et de leur dépendance à l’égard d’économies tributaires des ressources, les PEID sont confrontés à des difficultés supplémentaires. Ces vulnérabilités sont aggravées par le manque de financement, le poids de la dette et l’insuffisance des ressources technologiques et humaines. Les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les ouragans, les cyclones et l’élévation du niveau de la mer exacerbent les menaces environnementales telles que l’érosion des sols, la dégradation des terres et la pénurie d’eau, mettant en péril les infrastructures vitales et les moyens de subsistance. Le besoin urgent de stratégies de résilience ciblées est mis en évidence par le fait que des îles du Pacifique comme Vanuatu sont régulièrement confrontées à des cyclones et à l’érosion côtière, tandis que des pays des Caraïbes comme la Dominique et la Jamaïque sont confrontés à une urbanisation rapide et à la croissance des établissements informels3.
L’adaptation aux effets du climat est entravée par une gestion urbaine cloisonnée qui fragmente les réponses entre des secteurs tels que l’infrastructure, la santé et l’environnement. Le manque de partage des données entre les agences réduit encore l’efficacité et complique la mise en œuvre de stratégies coordonnées4.
Le financement est un autre obstacle majeur, les ressources étant inégalement réparties, il est difficile pour les PEID d’obtenir un soutien équitable et cohérent pour une résilience à long terme5. Les approches ciblées et multisectorielles telles que les MAP sont essentielles pour relever efficacement ces défis interdépendants. Les études de cas suivantes illustrent la manière dont les MAP sont appliquées pour renforcer la résilience dans les régions du Pacifique et des Caraïbes.
Stratégies de résilience régionales : Îles du Pacifique et des Caraïbes
Au Vanuatu, les initiatives du MAP telles que la résilience urbaine intégrée dans les petits États insulaires en développement (IUR-SIDS) et le projet de résilience urbaine du Grand Port Vila (GPVURP) démontrent comment les stratégies multisectorielles renforcent la résilience. Soutenus par la Banque asiatique de développement et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), la mise en commun des ressources et l’engagement des parties prenantes ont été essentiels à ces projets, permettant l’intégration des infrastructures, de la gouvernance et des solutions écologiques, telles que les abris anticycloniques, la formation à la planification urbaine et la restauration des mangroves pour la défense côtière. Leur impact s’étend au-delà de Port-Vila, servant de modèle de résilience pour d’autres îles du Pacifique6.
Le GPVURP se concentre sur la gouvernance et l’infrastructure, impliquant la participation du public et la cartographie des risques pour faire face aux risques de catastrophes. Avec un financement de 11,77 millions de dollars, il met l’accent sur les solutions locales pour résister aux cyclones et réduire les inondations urbaines7.
Le besoin urgent de stratégies de résilience ciblées est mis en évidence par le fait que des îles du Pacifique comme Vanuatu sont régulièrement confrontées à des cyclones et à l’érosion côtière.
Les programmes MAP dans les Caraïbes soulignent l’importance de l’implication des autorités locales dans l’adaptation au climat. En Jamaïque, la loi de 2016 sur la gouvernance locale charge les municipalités d’appliquer la planification urbaine, de promouvoir la santé environnementale et de gérer les catastrophes. Malgré les difficultés financières et techniques, les outils TIC (Technologies de l’information et de la communication) tels que les médias sociaux ont amélioré l’engagement des citoyens, permettant aux communautés de Kingston de participer à l’adaptation climatique8.
De même, la loi sur les corporations municipales de Trinité-et-Tobago confie aux gouvernements locaux la gestion des catastrophes et la réglementation environnementale, mais des limitations financières et techniques empêchent une mise en œuvre complète. Des problèmes tels que les inondations soulignent la nécessité de partenariats multisectoriels pour aborder la résilience. Les approches de la MAP à Trinité-et-Tobago et en Jamaïque pourraient améliorer l’adaptation au climat en encourageant la collaboration entre les gouvernements, les entreprises et les organisations internationales, en promouvant le partage des ressources, l’accès aux données et le renforcement des capacités.
Perspectives comparatives : Approches des Caraïbes et du Pacifique
Les PEID du Pacifique et des Caraïbes utilisent des stratégies différentes pour la résilience climatique. Le Pacifique s’appuie sur la coopération régionale, illustrée par le Forum des îles du Pacifique et le Pacific Adaptation to Climate Change and Resilience (PACRES), pour coordonner les réponses aux catastrophes, protéger les ressources marines et renforcer les capacités communes. En revanche, les Caraïbes se concentrent sur des partenariats internationaux tels que le PACC 2030 (Partenariat États-Unis-Caraïbes pour faire face à la crise climatique de 2030), qui soutient les projets d’énergie propre et le financement du développement pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Ces différences suggèrent que si les îles des Caraïbes bénéficient de partenariats mondiaux et de l’intégration des politiques nationales, les îles du Pacifique ont besoin d’une collaboration régionale. Des stratégies flexibles de MAP sont essentielles pour répondre aux besoins socio-économiques et géographiques uniques de chaque région.
Perspectives d’avenir et appel à l’action
À l’approche de la COP30, l’élan acquis lors de la COP29 offre une opportunité vitale d’étendre les programmes du MAP et d’obtenir un soutien international significatif pour les PEID. Le passage des promesses à l’action tangible souligne la nécessité d’une collaboration, de solutions innovantes et de stratégies de résilience adaptées.
Bien que des progrès aient été accomplis, des lacunes importantes subsistent. La communauté internationale doit donner la priorité aux ressources financières, à l’assistance technique et à la rationalisation de l’accès au financement climatique. Les partenariats qui tiennent compte des vulnérabilités propres aux PEID sont essentiels pour garantir des solutions durables et équitables.
Les enjeux sont existentiels. Grâce à une action décisive, à des investissements novateurs et à la solidarité mondiale, les PEID peuvent devenir des modèles de résilience et de durabilité et relever les défis du changement climatique avec force et adaptabilité. Les plans d’action nationaux offrent un cadre pratique pour y parvenir, en favorisant la collaboration entre les secteurs et en donnant aux communautés locales les moyens de mettre en œuvre des solutions adaptées et efficaces.
Le temps des promesses est révolu. L’avenir des PEID dépend d’une action immédiate et coordonnée de la part de la communauté mondiale.