Comment le changement climatique modifiera notre consommation d’énergie
- Le réchauffement climatique entraîne une diminution globale des besoins en chauffage, bien que cette tendance varie selon les régions et les saisons.
- En France, la diminution des besoins en chauffage s’accompagne d’une fragmentation de la consommation électrique, ce qui complique la gestion des pics de demande.
- Le changement climatique augmente aussi les besoins en climatisation, surtout dans les régions tropicales, ce qui contrebalance la baisse des besoins en chauffage.
- Les choix sociétaux et les dynamiques d'adoption de la climatisation influencent fortement la consommation énergétique.
- Il existe plusieurs méthodes pour améliorer le confort thermique des habitants : repeindre les bâtiments, isoler, végétaliser, etc.
Comment le changement climatique influence-t-il les besoins en chauffage ?
En moyenne, plus le climat se réchauffe, plus les besoins en chauffage diminuent. Ce constat global cache des disparités : cela varie selon les régions et les saisons. Les besoins sont notamment importants lors des vagues de froid. Prenons l’exemple de la France, un cas particulier en raison de l’électrification importante de notre système de chauffage. Nous subirons toujours des vagues de froid, mais moins fréquemment. Or nos besoins en chauffage vont, en moyenne, diminuer avec le changement climatique. La consommation électrique va donc se fragmenter et les pics seront de plus en plus élevés. Cela pourrait être plus difficile à gérer pour le système électrique.
En 2023, les énergies renouvelables représentent 86 % des nouvelles capacités énergétiques installées1. Cette transition énergétique vers le renouvelable représente-t-elle un risque face à ces pics de consommation ?
En France, le système électrique est dimensionné pour faire face aux pics de demande, les gestionnaires de réseaux sont très contraints sur leur capacité à fournir de l’énergie. Mais cette grande variabilité de la consommation n’améliore pas les problèmes liés à la variabilité de production des énergies renouvelables. Par ailleurs, toutes choses étant égales, le changement climatique apporte une contrainte complémentaire qui pourrait imposer un surdimensionnement du système.
Et qu’en est-il des besoins en froid ?
Le changement climatique affecte les besoins en climatisation. La probabilité de dépasser un seuil de température nécessitant de climatiser augmente avec le changement climatique. La bande tropicale est la région la plus concernée par les risques liés aux chaleurs extrêmes. Mais attention, ces besoins énergétiques ne se traduisent pas forcément en consommation énergétique : est-ce que ces retombées du changement climatique vont réellement se traduire par la mise en place de plus de climatiseurs ? C’est très difficile à dire.
Quel est l’impact du changement climatique sur la demande en énergie ?
Une autre méthode d’évaluation des retombées du changement climatique est couramment employée. Elle repose sur l’estimation du nombre de jours de climatisation ou de chauffage nécessaire pour maintenir un confort thermique dans les bâtiments. Leur combinaison fournit une approximation de la variation de la demande en énergie. En intégrant la démographie, une étude estime qu’à l’échelle globale, l’augmentation progressive des besoins en climatisation va contrebalancer la diminution des besoins en chauffage dans de nombreuses régions à travers le monde, et ce, pour presque tous les scénarios d’émissions de gaz à effet de serre et niveaux de réchauffement climatique étudiés (1,5 °C, 2 °C, 3 °C ou 4 °C)23. Globalement, la demande en énergie va augmenter partout sauf sous les moyennes et hautes latitudes en Eurasie et au sud-ouest de l’Amérique du Sud. L’Afrique-Équatoriale et l’Inde sont particulièrement touchés par la hausse de la demande. Attention : cet indicateur repose uniquement sur les variations de températures liées au changement climatique et la démographie. Il présente donc la limite de ne pas prendre en compte les actions réellement déployées par la population.
Quels sont les facteurs qui influencent les choix sociétaux lors des pics de chaleur ?
Les dynamiques d’adoption de la climatisation sont très variables : elle est par exemple très répandue aux États-Unis, beaucoup moins en Europe. Le type de climatisation employé varie lui aussi. Avec mes collègues André Mounier et Louis-Gaëtan Giraudet du CIRED, nous finalisons une étude encore non-publiée illustrant les différences de dynamique d’adoption entre climatiseurs fixes et climatiseurs portables. L’efficacité énergétique de ces derniers est deux fois moins bonne, avec des conséquences potentiellement importantes sur la consommation énergétique. Si l’augmentation tendancielle de la température semble expliquer en large partie l’achat de climatiseurs fixes, les vagues de chaleur, plus ponctuelles, semblent davantage expliquer l’achat de climatiseurs portables.
La consommation énergétique dépasse la problématique du climat, elle repose aussi sur ces choix de société. Il existe plusieurs façons de lutter contre les pics de chaleur : repeindre les bâtiments, isoler, végétaliser, installer des climatiseurs… Une équipe menée par un chercheur français, Vincent Viguié, montre4 que les actions d’adaptation alternatives à la climatisation sont utiles pour améliorer le confort thermique des habitants et la consommation énergétique en Île-de-France. Optimisées, elles réduisent la température de l’air extérieur jusqu’à 4,2 °C la nuit. Elles ne peuvent cependant pas se substituer totalement à la climatisation.
Dans ce contexte, est-il réellement possible d’anticiper les retombées du changement climatique sur les besoins en énergie ?
Convertir un besoin en énergie n’est pas simple, cela repose sur les dynamiques d’adoption qui sont plutôt liées au développement économique qu’au changement climatique. Pour le cas de la France, la modélisation des besoins en chauffage est plutôt aisée, car les technologies sont connues. En revanche c’est plus compliqué pour le froid. La climatisation n’est pas répandue, nous disposons donc de peu de données. Or, les données historiques sont essentielles à toute simulation.
Peut-on espérer que la baisse des besoins en chauffage compense la hausse des besoins en climatisation ?
Les modèles reposant uniquement sur le besoin, indépendamment des usages effectifs, montrent que c’est effectivement le cas à l’échelle globale (cf encadré). Nous avons réalisé des simulations à l’échelle de la France qui intègrent aussi des scénarios d’installation de climatiseurs. Nous montrons que la consommation énergétique du territoire devrait diminuer, et la consommation liée à la climatisation ne dépasser la baisse du chauffage que dans des scénarios d’usage massif de la climatisation. À l’échelle régionale, comme dans le sud de la France, la consommation électrique de climatisation excédant la consommation de chauffage est en revanche bien plus probable.