Comment évaluer les engagements et progrès des pays vers le « Zéro émission nette » ?
- Afin de contrer la crise climatique, plus de 139 pays affichent un objectif ZEN (Zéro émission nette) à atteindre d’ici les années 2050.
- Le projet « Race to zero » s’adresse aux acteurs privés et infranationaux, qui s’engagent à réduire de moitié les émissions mondiales d’ici à 2030.
- L’OCDE a développé l’IPAC, un outil de mesure et d’évaluation climatiques permettant d’aider les pays à avoir une vision d’ensemble de leur situation.
- L’IPAC compte quatre outils : un tableau d’indicateurs ; un moniteur de suivi annuel ; un outil de notation et de conseils ; une plateforme interactive.
- Si les pays progressent dans leurs actions climatiques, les engagements actuels ne remplissent pas les objectifs fixés : l’IPAC a pour but de soutenir et guider les pays dans cette démarche.
S’alignant sur l’objectif premier fixé pour la COP26 à Glasgow en 20211, de plus en plus de pays s’engagent à atteindre des objectifs d’émissions nettes nulles (zéro émission nette, ZEN2) vers le milieu du siècle et à renforcer leurs contributions déterminées au niveau national (CDN3) d’ici à 2030. Aujourd’hui, plus de 139 pays et unions, dont la Chine, les États-Unis et l’Union européenne, couvrant environ 83 % des émissions mondiales, ont annoncé cet objectif ZEN.
Objectif zéro carbone
Les acteurs infranationaux et le secteur privé multiplient eux aussi leurs propres engagements en matière de réduction des émissions, notamment avec la campagne « Objectif zéro » (« Race to Zero »).
Lancée lors du Sommet Action Climat 2019 de l’UNSG (Secrétariat Général des Nations Unies) par le président chilien Sebastián Piñera, « Race to zero » mobilise les acteurs en dehors des gouvernements nationaux pour qu’ils rejoignent l’Alliance Ambition Climat (« Climate Ambition Alliance ») et s’engagent à réduire de moitié les émissions mondiales d’ici à 2030. En septembre 2022 cette campagne comptait l’engagement de 11 309 acteurs non étatiques, dont 8 296 entreprises, 593 institutions financières, 1 136 villes, 52 États et régions, 1 125 établissements d’enseignement, 64 établissements de santé et 29 autres organisations.
Mais dispose-t-on réellement des outils pour évaluer et mesurer ces engagements ? Pas vraiment, et c’est pour répondre à cette lacune que l’OCDE a développé un outil novateur de mesure et d’évaluation des engagements nationaux : le programme international pour l’action sur le climat (IPAC).
L’IPAC, le programme pour guider les pays
Initialement proposé par la France et soutenu publiquement par le Président Macron à l’occasion du 60e anniversaire de l’OCDE en décembre 2020, l’IPAC a été lancé en mai 2021 et repose sur quatre composantes :
- Tout d’abord un tableau de bord d’indicateurs liés au climat, mesurables et convenus entre les pays pour être utilisés dans le suivi.
- Ensuite, un moniteur de suivi annuel de l’action climatique, basé sur le tableau de bord précédent, fournit un résumé des progrès des pays vers leurs propres objectifs en matière de climat et développement durable. Ce moniteur donne des exemples de bonnes pratiques et de résultats en matière d’atténuation et d’adaptation au climat.
- Puis un outil de notation des pays fondé sur des indicateurs environnementaux, sociaux et géographiques et contenant des conseils politiques ciblés, afin d’aider à la conception d’actions d’atténuation et d’adaptation économiquement viables.
- Enfin, une plateforme interactive pour le dialogue et l’apprentissage mutuel entre les pays proposant des sujets de discussion sur les approches innovantes et les bonnes pratiques.
La philosophie qui sous-tend cette démarche est d’éviter des politiques inefficaces ou contre-productives, ce qui est plus facile à dire qu’à faire étant donné l’ampleur de la réponse requise et la nécessité de s’adapter en permanence à l’évolution des circonstances nationales et mondiales. L’IPAC répond fondamentalement à la nécessité pour les décideurs de bénéficier de données et d’outils climatiques complets permettant un suivi, un étalonnage et une analyse significatifs des politiques.
Grâce à l’IPAC, les gouvernements sont en mesure de voir où ils sont, où ils vont et comment ils peuvent s’améliorer.
L’intérêt de ces quatre outils de l’IPAC réside dans le fait que les décideurs peuvent obtenir un aperçu à la fois granulaire et global de toutes les données pertinentes liées au climat : les émissions et leurs causes, les risques et les impacts encourus, ainsi que les réponses et les mesures prises. En outre, dans le cadre de ses recherches et analyses portant sur plus de 50 pays, l’équipe de l’IPAC est en mesure d’exploiter et de communiquer l’ampleur et la profondeur des données recueillies, en partageant les meilleures pratiques et en encourageant les parties prenantes à apprendre les unes des autres. Par conséquent, en utilisant les outils et les informations recueillis par l’IPAC, les gouvernements sont en mesure de voir l’ensemble de la situation : où ils sont, où ils vont et comment ils peuvent s’améliorer.
Lors de la COP27 à Charm El Cheikh, le secrétaire général de l’OCDE, Mathias Cormann, a présenté cet outil dans le cadre de la table ronde organisée au pavillon de la France le 7 novembre 2022, réunissant Agnès Pannier-Runacher, Ministre de la Transition Énergétique en France ; Espen Barth Eide, Ministre du Climat et de l’Environnement en Norvège ; Maximiliano Proaño Ugalde, Sous-secrétaire de l’environnement au Chili et Johan Rockström, co-directeur du Potsdam Institute for Climate Impact Research.
Que reste-t-il à faire en France ?
Ces indicateurs jouent un rôle clé dans le deuxième rapport annuel sur le climat qui sera publié en novembre 2022 : ce rapport met en évidence l’exposition des pays aux risques liés au climat, dont la fréquence et l’intensité augmentent. Pour réussir à atténuer ces risques et à s’y adapter, le Moniteur IPAC de cette année conseille aux gouvernements d’utiliser tous les outils et dispositifs politiques (sectoriel, intersectoriel ; non-marchands, marchands) à leur disposition, ainsi que d’accroître leur rigueur.
Dans le cas de la France, l’IPAC montre par exemple que l’intensités des émissions de GES par unité de PIB et par habitant décroissent. Cela signifie que, globalement, la France découple les émissions à la fois de la production économique et de la croissance démographique.
D’autre part, le pourcentage de la population exposée à des journées d’été où la température dépasse 35°C est en augmentation. Selon le tableau de bord de l’IPAC, cet indicateur aide à comprendre les risques éventuels des températures extrêmes pour la population. Ce qu’il faut retenir ? La France ne peut se contenter d’atténuer les risques chroniques à long terme et doit trouver des solutions pour faire face aux risques aigus, tels que les canicules, auxquels elle est de plus en plus vulnérable.
En ce qui concerne les « actions et opportunités », nous constatons que la France adopte de plus en plus de politiques climatiques, mais n’adopte pas encore l’ensemble des options politiques disponibles mesurées par l’OCDE, représentées par la ligne en pointillé (OECD, 2022).
En outre, il apparaît que la France a actuellement adopté la plus grande part des politiques disponibles qui ciblent l’ensemble des secteurs, suivies par celles ciblant le secteur du bâtiment. Étant donné que la stratégie climatique française donne la priorité à l’efficacité énergétique dans les bâtiments, il semble qu’ici, l’élaboration des politiques soit alignée sur les objectifs nationaux et municipaux. Néanmoins, la France a la possibilité d’adopter un ensemble de politiques plus large, en particulier celles qui concernent le secteur de l’électricité, où elle est en retard.
Améliorés par la compilation et l’analyse de l’outil IPAC, ces indicateurs et les outils qui les accompagnent exploitent les données pour identifier les priorités politiques, les lacunes et les progrès. En outre, ils permettent de canaliser des efforts et une budgétisation efficaces. Alors que les gouvernements travaillent avec un temps et un argent limités (et dans un contexte de pression croissante) pour traduire leurs ambitions en actions, l’accès aux connaissances et aux conseils fondés sur des preuves doit être utilisé.
En matière de lutte contre le changement climatique, chaque pays passe par un processus inévitable consistant à déterminer les politiques les plus efficaces dans un contexte national et international en constante évolution. L’urgence de trouver des solutions ne cesse de croître, et si les pays ont certainement fait preuve de progrès dans leurs actions et leurs ambitions, les engagements nationaux actuels en matière de climat ne sont toujours pas suffisants pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. En outre, alors que les pays doivent « augmenter » leurs engagements, beaucoup d’entre eux ont du mal à atteindre leurs objectifs actuels. C’est pourquoi cette initiative de l’OCDE apporte un soutien indispensable et encourage les parties prenantes à ne pas tirer à l’aveuglette, mais à s’appuyer sur des outils holistiques et fondés sur des données.
Des données supplémentaires sur les émissions, les impacts, les risques, les actions et les opportunités sont disponibles dans le tableau de bord IPAC.
Pour aller plus loin
Nachtigall, D., Lutz, L., Cárdenas Rodríguez, M., Hašcic, I., and R. Pizarro (2022), “The climate actions and policies measurement framework: A structured and harmonised climate policy database to monitor countries’ mitigation action”, Environment Working paper. No. 203, Publication OECD Paris