QI : peut-on mesurer l’intelligence ?
- Le QI n’est pas une mesure objective de l’intelligence.
- En effet, c’est une mesure relative qui comporte des erreurs, qui ne mesure que certaines facettes de l’intelligence et qui est soumise à de multiples aléas.
- Un QI inférieur à 70 n’est pas synonyme de handicap mental, il doit toujours s’accompagner d’autres tests ou examens afin d’approfondir l’analyse.
- Un test de QI est un outil clinique utilisé, par exemple, pour évaluer les conséquences cérébrales d’un traumatisme crânien ou détecter une détérioration des facultés cognitives à cause du vieillissement.
- La mesure du QI ne peut s’affranchir de l’éducation ou du contexte social et familial ou de la culture d’origine, parce que l’intelligence y est liée.
- Le QI moyen occidental a grandement augmenté depuis les années 40 et se stabilise depuis le 21ème siècle, approchant peut-être une forme de limite humaine.
Le quotient intellectuel (QI) vise à estimer l’intelligence d’une personne, à travers un outil composé d’une série de questions : le test de QI. Celui-ci, réalisé avec un psychologue, permet d’établir un score à comparer à la moyenne de la population d’appartenance, fixée à 100. Mais dans quelle mesure peut-on s’appuyer sur les tests de QI pour évaluer l’intelligence ? Retour sur quelques-unes des principales idées reçues autour du QI, avec Jacques Grégoire, professeur émérite en psychologie et psychométrie à l’Université catholique de Louvain.
Le QI est une mesure absolue de l’intelligence – FAUX
Le quotient intellectuel (QI) est parfois considéré comme une mesure objective de l’intelligence, mais ce n’est pas le cas. L’intelligence est une qualité que l’on ne voit pas, alors comment la mesurer ? Au fil des études, à partir du début du 20ème siècle, les chercheurs ont affiné leur connaissance de la structure de l’intelligence. Cela a notamment abouti à l’élaboration de grands ensembles d’épreuves permettant d’évaluer diverses facettes : capacités verbales, visuo-spatiales, mémoire de travail… Les tests actuels estiment ainsi le niveau intellectuel d’un individu à partir des résultats obtenus aux différentes épreuves retenues.
Mais il faut bien noter qu’il s’agit d’une estimation. Premièrement, le score est une mesure relative : il définit où se situe l’individu par rapport à la moyenne de son groupe d’appartenance, qui est de 100. De plus, toute mesure – en psychologie, comme dans tout domaine – comporte des erreurs. C’est pourquoi le QI devrait toujours être donné avec un intervalle de confiance, par exemple de plus ou moins cinq points.
Par ailleurs, un test de QI est soumis à de multiples aléas : conditions de l’examen, objectif recherché, erreurs commises plus ou moins volontairement… En conséquence, le résultat obtenu doit impérativement être accompagné d’une analyse par un praticien formé. Sans interprétation, un score de QI ne veut rien dire.
Un QI bas correspond à un handicap mental – INCERTAIN
Le QI est construit de telle façon que, dans un intervalle de plus ou moins un écart-type autour de la moyenne (de 85 à 115), on retrouve 68 % de la population. Par conséquent, avoir un score inférieur à 100 n’est certainement pas un signe de retard intellectuel.
Il existe cependant une norme qui veut qu’à partir de deux écarts-types en dessous de la moyenne (moins de 70), on parle de handicap mental. Mais ce seul score ne suffit pas à poser un diagnostic. Il doit toujours s’accompagner d’autres tests ou examens, afin d’approfondir l’analyse.
D’autant que le résultat d’un test de QI peut être influencé par de nombreux facteurs. Par exemple, la fatigue, la consommation de drogues ou une pathologie psychiatrique peuvent altérer les performances d’un individu. L’évaluation du QI n’est donc pas toujours pertinente.
Tout le monde devrait connaître son QI – FAUX
Un test de QI est avant tout un outil clinique, utilisé pour répondre à un objectif particulier : diagnostiquer un retard mental, évaluer les conséquences cérébrales d’un traumatisme crânien, détecter une détérioration des facultés cognitives à cause du vieillissement, etc. La question doit donc être d’ordre général : quel est le problème à résoudre ? Le test de QI peut alors – ou non – contribuer à atteindre le but fixé, mais ce n’est pas une fin en soi.
Certaines personnes veulent consulter un professionnel pour connaître leur QI, souvent en espérant obtenir un score exceptionnellement haut. Mais quel est l’intérêt ? Même dans un environnement professionnel ou scolaire, le QI ne suffit pas à prédire la performance. D’autres indicateurs peuvent être plus pertinents, tels que des résultats à des examens, à des concours ou à des tests techniques. Le test de QI ne doit pas servir de référence absolue pour classer les individus, ce n’est pas son but.
Les résultats des tests de QI laissent apparaître des différences entre hommes et femmes – VRAI
Il y a un peu plus de quarante ans, les tests de QI montraient des différences entre les sexes : les filles étaient moins performantes sur les fonctions visuo-spatiales (capacité à visualiser en 3D un objet représenté en 2D) et meilleures sur les tâches verbales. Aujourd’hui, ces disparités ont totalement disparu. Cela signifie notamment qu’il n’y aucune donnée scientifique qui pousserait à privilégier une orientation spécifique selon le sexe.
En revanche, il existe un domaine dans lequel les filles obtiennent généralement de meilleurs résultats que les garçons : la rapidité perceptive, qui traduit la capacité à repérer de petites différences. C’était vrai il y a plus de quarante ans, et cela le reste aujourd’hui.
Les Français ont un QI moyen plus élevé que les Américains – INCERTAIN
Un test de QI vise toujours à comparer un individu à son groupe d’appartenance, par exemple à ses compatriotes. Au contraire, la comparaison entre deux populations différentes n’a pas de sens : il n’existe pas aujourd’hui d’outil permettant de le faire. Par le passé, certaines initiatives visaient à développer des tests indépendants de la culture, dont les résultats ne dépendraient pas du pays. Mais c’est impossible, car l’intelligence ne peut se développer en dehors de la culture.
Et ce lien étroit se vérifie parfois de façon inattendue. Prenons la tâche suivante : devoir retenir une séquence de chiffres et la restituer dans l’ordre inverse. Le parfait exemple d’exercice à l’abri de toute influence culturelle, n’est-ce pas ? Eh bien, une précédente étude a montré qu’un pays affichait des performances nettement inférieures aux autres États occidentaux : la Lituanie. Pourquoi ? Dans la langue lituanienne, les mots désignant les chiffres possèdent, pour la plupart, deux ou trois syllabes. Et le stockage de la mémoire de travail dépend de la longueur des mots à retenir, ici plus grande que dans les autres langues.
Et il y a ainsi de multiples exemples de questions pouvant sembler universelles, mais qui cachent en réalité de fortes disparités selon les pays. C’est pourquoi tout test pertinent doit être adapté à chaque culture, ce qui nécessite un travail significatif.
Le QI dépend de l’environnement social et familial – VRAI
L’intelligence, si elle comprend une part d’inné, ne peut se développer qu’au sein d’un contexte favorable. L’école, le milieu familial, l’environnement social jouent ainsi un rôle fondamental.
Par conséquent, la mesure du QI ne peut s’affranchir de l’éducation ou du contexte social et familial, parce que l’intelligence y est liée. Cela peut paraître injuste, mais c’est une réalité perceptible dans d’autres domaines : l’enfant de deux sportifs de haut niveau développera plus facilement des compétences athlétiques, de même avec des parents musiciens professionnels.
Le QI moyen en France a baissé ces dernières années – FAUX
Grâce à des modèles statistiques complexes, il est possible d’effectuer des comparaisons entre les époques. Et à partir des années 1940, on a observé une augmentation assez nette des scores moyens dans les pays occidentaux au fil des décennies. C’est ce qu’on appelle l’effet Flynn. Mais cette tendance s’est largement ralentie dans plusieurs pays développés à l’approche des années 2000, jusqu’à devenir une stagnation – et non une régression, comme l’affirment certaines études souffrant de faiblesses méthodologiques.
Comment expliquer ce phénomène ? Il n’y a pas de certitude absolue, mais il est raisonnable d’envisager que la croissance du QI a été favorisée par l’amélioration des conditions de vie après la Seconde Guerre mondiale : baisse de la mortalité et des maladies infantiles, développement de la scolarité, augmentation du niveau de vie… Et depuis quelques années, peut-être nous approchons-nous d’une forme de limite quant à l’intelligence moyenne. L’être humain ne possède-t-il pas des limites dans tous les domaines ?
Par exemple, aux Jeux olympiques de 1896, le vainqueur du 100 m l’emportait avec un temps de 12 s. Depuis, cette marque a été progressivement améliorée, passant sous les 10 s. Mais un humain parviendra-t-il un jour à courir le 100 m en moins de 7 ou 5 s ? Il y a certainement une limite impossible à dépasser.