Le captage et le stockage géologique du dioxyde de carbone est une technologie qui pourra ou pourrait permettre de continuer à utiliser les combustibles fossiles pendant une bonne partie du XXIe siècle. Cela concerne en premier lieu le charbon, central pour de nombreux pays puisque l’on compte aujourd’hui plus de 2 500 centrales thermiques dans le monde. Cette énergie sert à la production d’électricité et de chaleur (cogénération) à des fins domestiques et industrielles. Les centrales thermiques au charbon et au gaz naturel sont relativement abondantes, bon marché, disponibles et réparties dans le monde entier – ce qui renforce la sécurité et la stabilité des systèmes énergétiques.
L’économie et la démographie étant ce qu’elles sont, la transition énergétique prendra du temps, plusieurs décennies au bas mot. En attendant l’économie hydrogène, basée sur l’hydrogène vert, il faudra cependant bien vivre, tout en luttant contre l’effet de serre additionnel dû au CO2, et ce via son captage et son stockage. Les émissions de CO2 tournent autour de 270 millions de tonnes chaque année, mais aujourd’hui, seules 0,1% des émissions industrielles sont captées. On peut donc dire que tout reste à faire dans ce domaine !
Stocker le CO2 sous terre
En principe, le stockage souterrain du CO2 se fait par le biais de divers mécanismes de piégeage physiques et chimiques. Seuls certains milieux géologiques sont adaptés, car les conditions nécessaires restent strictes. Non seulement les milieux doivent être capables de confiner le CO2, mais il faut aussi que les formations géologiques empêchent sa migration latérale et/ou verticale. Toute fuite risquerait de contaminer les eaux souterraines potables à faible profondeur, d’infiltrer les sols, mais surtout de rejoindre l’atmosphère.
Ces milieux géologiques sont principalement les réservoirs de pétrole et de gaz, ainsi que les aquifères salins profonds que l’on trouve dans les bassins sédimentaires. Le stockage de gaz (dont le CO2) dans ces milieux a été démontré à l’échelle commerciale, et peut se faire pendant des opérations d’extraction assistée du pétrole (récupération secondaire), de stockage du gaz naturel et d’élimination des gaz acides.
Certains des risques associés au captage et au stockage géologique du CO2 sont similaires et comparables à ceux de toute autre activité industrielle pour laquelle des protocoles de sécurité et de réglementation sont en place. À l’heure actuelle, il existe assez peu d’opérations dans le monde où le CO2 est injecté et stocké dans le sol (États-Unis, Australie, Canada, Chine, Royaume-Uni). La plupart du temps, sinon exclusivement, cela se fait dans le cadre d’une opération motivée par d’autres considérations que le changement climatique, comme la production de pétrole ou les exigences réglementaires concernant l’utilisation du sulfure d’hydrogène (H2S).
Une mise en marche compliquée
Les opérations déjà en cours montrent qu’il n’y a pas d’obstacle technologique majeur au stockage géologique du CO2. Les défis et les verrous sont donc à chercher ailleurs, notamment dans le coût élevé de l’opération – en particulier pour les flux dilués, comme ceux provenant des centrales électriques et des procédés de combustion industrielle.
Les risques spécifiques associés au stockage du CO2 concernent la phase opérationnelle (l’injection, pour faire simple) et la phase post-opérationnelle. Les plus préoccupants sont ceux liés à la possibilité de fuites de CO2 à court ou à long terme. Néanmoins, l’effet climatique global du retour du CO2 dans l’atmosphère, ainsi que les risques locaux pour la santé et l’environnement doivent être correctement évalués et gérés.
Les opérations déjà en cours montrent qu’il n’y a pas d’obstacle technologique majeur au stockage géologique du CO2.
Un autre obstacle est donc certainement plus « médiatique ». On craint que l’opinion publique ne rejette cette technologie, et que ceci n’affecte la mise en œuvre à grande échelle du stockage géologique du CO2. En effet, qui acceptera sur sa commune la présence d’un tel site de stockage ? Les risques associés au transport et à l’injection de dioxyde de carbone sont raisonnablement bien compris, mais il existe cependant une faible possibilité pour que le CO2 stocké sous terre ne s’échappe d’un réservoir de stockage, soit par une voie de migration non identifiée, soit à cause d’une défaillance du puits.
La menace que cela pourrait représenter peut être évaluée par comparaison avec les émissions de CO2 volcaniques, qui sont elles tout à fait naturelles. Les émissions diffuses de CO2 à travers le sol ou via des sources carbonatées dans les zones volcaniques ne semblent pas représenter une menace dès lors que le CO2 peut se disperser dans l’atmosphère. En revanche, lorsque le CO2 peut s’accumuler dans des espaces clos, il constitue un danger. Ainsi, les grands nuages de CO2 associés aux émissions soudaines des cheminées ou des cratères volcaniques constituent une menace mortelle. La catastrophe du lac Nyos en 1986 au Cameroun, qui a fait 1800 morts asphyxiés par le CO2, est là pour nous le rappeler.
Des solutions plus acceptables
Même s’il semble y avoir peu d’analogies entre un tel évènement et la fuite éventuelle d’un réservoir de stockage via une voie de migration non identifiée, le risque n’est pas nul. Il y a donc fort à parier que cette catastrophe refera surface dans les médias et suscitera l’hostilité des populations susceptibles de vivre à proximité d’un site de stockage. La loi de Murphy l’emportera sur toute autre considération.
Il ne reste en ce cas qu’une solution viable, qui est celle du stockage du CO2 en pleine mer ; et s’agissant de l’Europe, la mer de Norvège est souvent citée. Cela ne signifie cependant pas qu’il n’y aura pas d’incidence en cas de rejet de CO2 – puisque ce rejet se traduira par une acidification de l’eau aux alentours du site de stockage, avec d’éventuelles nuisances pour la faune et la flore. Tout cela est étudié dans le cadre de l’écotoxicologie. Mais dans tous les cas, ces rejets étant sous la mer, ils n’affecteront pas directement la santé humaine – même en cas de fuite importante. C’est donc rassurant pour le public. L’acceptation sociale de cette alternative est donc la seule variable susceptible d’accélérer le déploiement des technologies visant à réduire les émissions anthropiques de CO2 dans l’atmosphère.