Quels sont les risques de l’espace pour les humains ?
- Les humains ne sont pas naturellement équipés pour vivre dans l’espace : de nombreuses précautions doivent être mises en place pour l’explorer.
- Les améliorations techniques et technologiques permettent d’éviter les désagréments causés par les anciens équipements spatiaux.
- Le corps humain subit néanmoins de nombreux changements : congestion de la tête, perte du goût, perte de masse musculaire ou même fragilisation des os.
- Être exposé aux rayons cosmiques peut causer des changements allant de la cataracte à l’augmentation du risque de cancer, en passant par la stérilité.
- Beaucoup de travail reste encore à faire pour créer un environnement spatial viable pour les humains sur le long terme.
Ce n’est une surprise pour personne, les humains ne sont pas équipés naturellement pour vivre dans l’espace. L’explorer demande une grande quantité d’adaptations techniques, des années d’entraînement, sans compter un moral et un physique d’acier. Le premier envoi d’un humain dans l’espace a été effectué le 12 avril 1961, lorsque Youri Gagarine fit son – seul – tour de la Terre dans la capsule soviétique Vostok.
Très ponctuelle au début, la présence humaine dans l’espace est permanente depuis deux décennies grâce (surtout) à la célèbre Station Spatiale Internationale où se relayent continuellement des astronautes de différents pays pour travailler dans, mais aussi à l’extérieur, de la station.
On parle souvent du milieu spatial comme étant très dangereux, mais quels sont les risques de s’aventurer dans ce milieu extrême ? Comment les réduit-on au maximum ? L’accident spatial est-il envisageable ? Et quelle influence, finalement, a l’espace sur un être humain ?
Une histoire mouvementée
Le principal problème dans l’espace tient au fait qu’il n’y a pas qu’un danger auquel faire attention mais une multitude de facteurs qui, s’ils ne sont pas correctement pris en compte, peuvent tous mener à des situations critiques. Et nous l’avons appris dès les tout débuts de l’ère spatiale.
Un des premiers incidents est survenu à peine 4 ans après le premier vol de Gagarine (qui était resté dans l’habitacle pressurisé de son vaisseau tout le long de son voyage), lorsque son homologue Alexeï Leonov tenta la première sortie extravéhiculaire en scaphandre. Après 10 minutes en-dehors du vaisseau, il décide de rentrer mais s’aperçoit… que la pression d’air à l’intérieur de son scaphandre l’a tellement fait gonfler qu’il ne rentre plus dans le sas. Il lui faudra prendre le risque de faire s’échapper l’air de sa combinaison, réduisant de la pression à 1/3 de pression atmosphérique (au risque d’une embolie gazeuse) pour pouvoir enfin réintégrer la sécurité de son vaisseau.
Aujourd’hui, il n’y a plus de risque qu’un tel évènement arrive, d’abord parce que les combinaisons spatiales sont bien moins flexibles et élastiques que celle de Leonov, mais aussi parce que les scaphandres modernes fonctionnent sous une atmosphère d’oxygène pur, ce qui permet de soumettre l’intérieur à une pression bien moindre que celle que Leonov a connue.
Mais un scaphandre spatial (appelé EMU « Extravehicular Mobility Unit » pour le modèle américain et « Orlan » pour le modèle russe) ne sert pas qu’à garder une atmosphère respirable et une pression atmosphérique supportable pour l’astronaute. Il permet aussi de se protéger d’une autre contrainte environnementale extrême en milieu spatial : les températures.
En effet, dans le vide, sans air tiède pour « brasser » la température autour de l’astronaute, les écarts de température entre la face éclairée et la face sombre sont gigantesques. Les parties éclairées, soumises directement au rayonnement du Soleil, peuvent monter à 120 °C, alors que la température des parties à l’ombre peut chuter jusqu’à ‑100 °C.
C’est pourquoi des circuits de refroidissement par circulation d’eau sont intégrés à une des couches du scaphandre, pour redistribuer la chaleur des parties chaudes aux parties froides et maintenir une température intérieure supportable pour l’astronaute. Et tout va bien… tant que ce circuit de refroidissement n’a pas de fuite.
Le 16 juillet 2011, alors qu’il est en-dehors de la Station Spatiale, l’astronaute italien Luca Parmitano de l’Agence Spatiale Européenne sent de l’eau à l’arrière de son cou. En impesanteur, l’eau a un comportement particulier : elle se met en boule et flotte devant les astronautes amusés. Mais si elle touche la peau d’un humain, elle y reste collée, maintenue par une force appelée « tension de surface »… ce qui n’est pas grave lorsqu’on dispose d’un chiffon pour l’éponger, mais qui peut l’être beaucoup plus lorsqu’on est seul dans son scaphandre, incapable de toucher son propre visage, et que l’eau s’accumule encore et encore, menaçant de recouvrir progressivement les yeux, les narines ou la visière du scaphandre.
Heureusement pour Luca, la sortie spatiale est immédiatement avortée et, aidé de son partenaire, l’astronaute Christopher Cassidy, il parvient à rentrer dans la Station les yeux fermés, le micro puis les écouteurs progressivement éteints par la progression de l’eau. Une fois la pression rétablie dans le sas, l’équipage à bord entre en urgence, dévisse le casque et éponge enfin l’eau qui, après examen, venait bien du circuit de refroidissement.
Influence(s) sur le corps humain
Le simple fait d’être en sécurité dans l’ISS n’empêche pas le corps humain de subir un certain nombre de changements, à toutes les échelles (corps, organes, cellules, génétique).
Les désagréments commencent en général lorsque l’astronaute arrive à bord. Habitué à pomper le sang vers le haut du corps pour contrer la gravité, le cœur continue son travail même lorsque l’humain en question est en impesanteur et ne ressent plus son propre poids. Résultat, une tête rouge et gonflée, caractéristique de ces états de microgravité.
Cette congestion de la tête et, entre autres, des muqueuses nasales, gonflées elles aussi de sang, impacte directement le goût de la nourriture consommée sur place. Dans une telle situation, l’air circule mal dans le nez. L’odorat étant une partie conséquente de la sensation du goût de aliments, ils perdent, de fait, une bonne part de leur saveur (cette perte sera compensée en partie par l’envoi de plats plus épicés que la moyenne).
La perte de masse musculaire, si elle n’est pas compensée par 2 heures de sport par jour, peut avoir de graves conséquences.
Mais l’impact sur le corps humain peut être plus problématique. En impesanteur, une simple poussée contre un mur suffit à vous propulser de l’autre côté de la Station spatiale. De fait, on se sert bien moins de sa structure musculaire que sur Terre. Il en résulte une perte de masse qui, si elle n’est pas compensée (ou au moins ralentie) par 2 heures de séances de sport par jour, peut avoir de graves conséquences lors du retour sur Terre.
En parallèle de cette perte musculaire, les os deviennent aussi plus fragiles et cassants. Cette pathologie, généralement réservée aux personnes âgées sur Terre, est appelée ostéoporose.
Même si cette décalcification osseuse est réversible une fois revenu au sol, une étude1 menée sur 14 hommes et 3 femmes avant et après leur séjour dans l’espace montrait que même après 1 an de rééducation, la résorption de la structure du tibia des astronautes était encore incomplète. Et bien sûr, plus le séjour dans l’espace est long, plus le retour à la normal est long.
Quels sont les effets de l’irradiation spatiale ?
Les effets médicaux sur le corps humain lors d’un séjour prolongé en impesanteur sont nombreux (sensation de vertige à cause de déséquilibres dans l’oreille interne, changement de pression oculaire pouvant mener à des décollements de rétine, rétention urinaire, calculs rénaux…), mais il reste un dernier danger à ne pas sous-estimer : l’effet des radiations.
Dans l’espace, les rayons cosmiques forment une pluie de particules dites « ionisantes » : une exposition prolongée à ces rayons peut causer des changements macroscopiques (brûlures, cataracte) et microscopiques (altération génétiques, stérilité ou augmentation des risques de développer un cancer). Ces rayons cosmiques sont essentiellement composés de protons, d’électrons et de noyaux d’atomes, propulsés dans l’espace par le Soleil (pour les rayons cosmiques de basse énergie) et d’autres phénomènes beaucoup plus violents comme des explosions d’étoiles massives ou des trous noirs avalant de la matière (à l’origine des rayons cosmiques de haute énergie).
Des recherches intensives sont actuellement menées afin de protéger les astronautes de l’irradiation spatiale.
Sur Terre, nous sommes bien protégés de ces rayons cosmiques grâce a) à la magnétosphère terrestre qui dévie une partie substantielle de ce flux de particules, et b) grâce à notre atmosphère qui arrête physiquement le peu qui reste. Dans l’espace, on ne peut plus compter sur la protection de l’atmosphère (qui se trouve à plus basse altitude), et si la magnétosphère joue encore un rôle pour l’ISS qui orbite seulement à 450 km d’altitude, il n’en sera pas de même lorsque les humains s’aventureront plus loin dans l’Univers, sur la Lune prochainement, et sur Mars à plus long terme.
C’est pourquoi des recherches intensives sont actuellement menées, à la fois sur les moyens de protéger les astronautes de cette irradiation spatiale, mais aussi sur les outils pour mesurer cette dose de rayonnement reçue quotidiennement, ou encore sur les effets biologiques de ces radiations.
À ce propos, l’une des « appréciations les plus complètes que nous ayons jamais eue de la réponse du corps humain à un vol dans l’espace » vient d’une remarquable étude2 réalisée en 2015 sur 2 frères jumeaux (Mark et Scott Kelly) dont l’un est resté dans l’espace 340 jours pendant que l’autre restait sur Terre. Il a alors été possible de suivre ces deux hommes génétiquement identiques et d’observer précisément les changements opérés par le milieu spatial à différents niveaux (biochimique, immunitaire, génétique, physiologique etc…).
En conclusion, le séjour spatial altère notablement les fonctions du corps humain, et si une grande majorité est restaurée une fois revenu sur le plancher des vaches, beaucoup de travail reste encore à faire pour créer un environnement spatial viable pour les humains sur le long terme.