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Comment les « saisons » du Soleil affectent-elles nos satellites ?

Pierre Henriquet
Pierre Henriquet
docteur en physique nucléaire et chroniqueur chez Polytechnique Insights
En bref
  • Le Soleil a un impact sur son environnement proche, sur les planètes plus éloignées, mais aussi sur toute la région de l’espace entourant notre Système qu’on appelle « héliosphère ».
  • Les conséquences de l’interaction de ce flux de particules solaires avec la magnétosphère terrestre sont multiples et variées. L’une des plus belles est bien sûr l’observation d’aurores.
  • L’autre conséquence de ce bombardement permanent est le vieillissement ou les pannes éventuelles des différents satellites en orbite, très exposés aux particules du vent solaire.
  • La température très élevée du Soleil forme des bulles qui « éclate » ses atomes en une soupe de noyaux et d’électrons libres appelée « plasma », très sensible aux champs électriques et magnétiques.
  • L’activité solaire évolue périodiquement en suivant un long cycle d’environ 11 ans et demi, passant par un maximum d’activité et un minimum. On peut ainsi parler de « saisons » du Soleil.

Tous les 11,5 ans, le Soleil tra­verse une péri­ode d’activité intense. Cette péri­ode est car­ac­térisée par un vent solaire plus impor­tant ain­si que des pannes de satel­lites plus fréquentes dues à un bom­barde­ment de par­tic­ules provenant du soleil. Mais que l’activité solaire soit élevée ou basse, la vie est rude pour nos tech­nolo­gies en orbite. Le Soleil a un impact sur son envi­ron­nement proche, sur les planètes plus éloignées, mais aus­si sur toute la région de l’espace entourant notre Sys­tème solaire qu’on appelle « héliosphère ».

Quelles conséquences pour les activités spatiales ?

Les con­séquences de l’interaction de ce flux de par­tic­ules solaires avec la mag­né­tosphère ter­restre — le champ mag­né­tique de notre planète — sont mul­ti­ples et var­iées. L’une des plus belles est bien sûr l’observation d’aurores (boréales dans l’hémisphère Nord, aus­trales dans l’hémisphère Sud). Au niveau des pôles, une petite frac­tion du vent solaire peut tra­vers­er la mag­né­tosphère (voir image du champ mag­né­tique ter­restre ci-dessous) et venir alors inter­a­gir vio­lem­ment avec l’atmosphère ter­restre. Ce trans­fert d’énergie va exciter les atom­es et molécules raré­fiées au som­met de l’atmosphère qui la réémet­tront sous forme de mag­nifiques drapés de lumière.

Lignes de champ mag­né­tique entourant la Terre. En couleur : den­sité du vent solaire.
(Le Soleil est à gauche de l’image) © NASA

Mais d’autres con­séquences sont plus prob­lé­ma­tiques. Les satel­lites en orbite autour de notre planète sont très exposés aux par­tic­ules du vent solaire. Ce bom­barde­ment per­ma­nent est une cause majeure de leur vieil­lisse­ment ou de pannes éventuelles. À l’image des procédés d’irradiation util­isés dans l’industrie sur Terre, les pro­priétés mécaniques, élec­triques et/ou optiques des com­posants des satel­lites vont pro­gres­sive­ment être altérées. Des pannes, tran­si­toires ou défini­tives, con­cer­nant l’électronique embar­quée pour­ront aus­si sur­venir (plus fréquem­ment en péri­ode de max­i­mum solaire bien sûr). C’est pourquoi ils sont sou­vent blind­és et leur élec­tron­ique « dur­cie » pour mieux y résister.

Nos activ­ités au sol ne sont pas totale­ment indépen­dantes du cycle solaire non plus. Si la tem­péra­ture et l’intensité lumineuse du Soleil ne changent pas au cours du cycle solaire (il ne fait pas plus chaud tous les 11,5 ans), les orages géo­mag­né­tiques provo­quées par l’arrivée dans l’environnement ter­restre d’une éjec­tion de masse coro­nale peu­vent être si intens­es que de gigan­tesques courants élec­triques induits appa­rais­sent dans le réseau élec­trique ter­restre. C’est ain­si qu’en 1989, une panne d’électricité général­isée a blo­qué le Cana­da pen­dant 9 heures. Tout le réseau s’est effon­dré en seule­ment 25 sec­on­des. Prob­lé­ma­tique lorsque l’on songe à la dépen­dance gran­dis­sante de notre civil­i­sa­tion à l’électricité…

Le Soleil fait des bulles

Depuis longtemps, les astronomes cherchent à car­ac­téris­er l’héliosphère dont on par­le qui délim­ite deux zones de l’espace : l’intérieur, dom­iné par le vent solaire, et l’extérieur, con­sti­tué des par­tic­ules baig­nant le milieu inter­stel­laire. Le Soleil émet­tant les par­tic­ules du vent solaire de manière glob­ale­ment isotrope, sa forme a d’abord été imag­inée comme une « bulle » allongée entourant le sys­tème solaire. Cepen­dant, un arti­cle récent1 pro­pose, sur la base de lour­des sim­u­la­tions numériques et d’importantes obser­va­tions du ciel, que l’héliosphère de notre Sys­tème solaire ait la forme… d’un crois­sant. En cause : les inter­ac­tions com­plex­es entre les atom­es d’hydrogène du milieu inter­stel­laire et les par­tic­ules chargées émis­es par le Soleil.

Résul­tat « en crois­sant » des dernières sim­u­la­tions numériques de l’héliosphère. © NASA

La forme de cette héliosphère va bien évidem­ment dépen­dre de la com­po­si­tion, de la den­sité et de la vitesse de ce flux de par­tic­ules provenant du Soleil. Chaque sec­onde, c’est env­i­ron 1 mil­lion de tonnes d’électrons, de noy­aux d’hydrogène et d’hélium qui sont per­dus par le Soleil en un « vent » qui s’étend autour de lui, baig­nant les planètes et les autres corps jusqu’aux con­fins du Sys­tème solaire. C’est, par exem­ple, ce vent solaire qui donne sa forme à l’une des deux queues des comètes en empor­tant les par­tic­ules de pous­sière et de gaz éjec­tées du noy­au de la comète dans la direc­tion opposée au Soleil.

Comète C/2021 A1 (Leonard) imagée par Dan Bartlett début décem­bre 2021

Mais ce vent solaire inter­ag­it aus­si avec les planètes du Sys­tème solaire, plus ou moins directe­ment, en fonc­tion de la présence ou pas d’un champ mag­né­tique autour d’elles. La tem­péra­ture très élevée du Soleil « éclate » ses atom­es en une soupe de noy­aux et d’électrons libres appelée « plas­ma », très sen­si­ble aux champs élec­triques et mag­né­tiques. C’est ain­si que lorsque ces par­tic­ules arrivent près de la Terre, son champ mag­né­tique va en détourn­er une part non nég­lige­able et déviera cette pluie de par­tic­ules avant qu’elle ne puisse irradier et stérilis­er la sur­face terrestre.

Cycles solaires et météo de l’espace

Si le Soleil nous envoie un « vent » de par­tic­ules, on peut s’interroger sur ses pro­priétés. Est-il con­stant ? Réguli­er ? Ou existe-t-il des « tem­pêtes de vent solaire » ? De même, y a‑t-il, comme sur Terre, des « saisons » où le vent solaire est plus intense ? La réponse est oui pour les deux questions.

De la même manière que les saisons sur Terre revi­en­nent régulière­ment, et ce chaque année, l’activité solaire (qui regroupe tous les phénomènes qui se passent à la sur­face et autour du Soleil) évolue aus­si péri­odique­ment en suiv­ant un long cycle d’environ 11 ans et demi.

Évo­lu­tion (observée et simulée) du cycle solaire entre 1995 et 2035. © NASA

Durant ce cycle, le Soleil passe par un max­i­mum d’activité (le vent solaire y sera en moyenne plus dense et plus rapi­de) et un min­i­mum. Mais cette vari­a­tion d’activité ne se lim­ite pas à la quan­tité de par­tic­ules du vent solaire. Le Soleil pro­duit aus­si régulière­ment des phénomènes érup­tifs appelés « éjec­tions de masse coro­nale ». Ces bouf­fées très intens­es de par­tic­ules solaires sont pro­duites très locale­ment sur la sur­face de notre étoile et sont éjec­tées radi­ale­ment, loin du Soleil.

Lorsque la Terre se trou­ve dans cette direc­tion, on assiste, 2 à 3 jours après le début de cette éjec­tion, à l’arrivée d’une « vague » de par­tic­ules par­ti­c­ulière­ment dense dont l’action, pen­dant quelques heures, va s’ajouter à celle du vent solaire clas­sique. Et bien évidem­ment, ce sont pen­dant les années de max­i­mum d’activité solaire que la prob­a­bil­ité est la plus grande de voir sur­venir ces puis­sants phénomènes érup­tifs qui pro­duisent des « orages géo­mag­né­tiques » dans l’environnement terrestre.

Néan­moins, on aurait tort de penser que les activ­ités spa­tiales sont plus calmes en péri­ode de min­i­mum solaire. Car si le vent solaire est alors moins dense et les érup­tions solaires moins nom­breuses, d’autres phénomènes pren­nent le devant de la scène. Comme, par exem­ple, le fait que l’atmosphère ter­restre varie aus­si en fonc­tion de la « pres­sion » du vent solaire. Au min­i­mum solaire, la pres­sion est moins grande et l’atmosphère s’étend plus loin dans l’espace, imp­ri­mant aux satel­lites en orbite basse des con­traintes aéro­dy­namiques qui réduisent sen­si­ble­ment leur durée de vie.

En con­clu­sion, notre étoile influe sen­si­ble­ment sur l’environnement ter­restre. Ses doigts de plas­ma nous caressent nuit et jour, et c’est par la com­préhen­sion des inter­ac­tions com­plex­es entre le Soleil et la Terre que l’humanité pour­ra con­tin­uer à com­pren­dre l’espace, et mieux s’y étendre.

Pour plus d’infos, vous pouvez regarder cette vidéo ARTE avec Tahar Amari, chercheur au Centre de physique théorique de l’École polytechnique :

Pour en savoir plus

1« A Tur­bu­lent Heliosheath Dri­ven by the Rayleigh–Taylor Insta­bil­i­ty » —The Astro­phys­i­cal Jour­nal, Vol­ume 922, Num­ber 2 – https://doi.org/10.3847/1538–4357/ac2d2e

Auteurs

Pierre Henriquet

Pierre Henriquet

docteur en physique nucléaire et chroniqueur chez Polytechnique Insights

Après un doctorat en Physique Nucléaire appliquée à la Médecine et un diplôme universitaire en Astronomie/Astrophysique, Pierre Henriquet a travaillé pendant 10 ans au Planétarium de la ville de Vaulx-en-Velin où il a perfectionné ses talents de vulgarisateur auprès de multiples publics, novices ou spécialisés. Aujourd'hui, il propose ses services de rédaction et de médiation des sciences en freelance.

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