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Satellites, trous noirs, exoplanètes : quand la science voyage au-delà de la Terre

Comment détecter la vie sur les planètes lointaines ?

Julien de Wit, professeur associé de sciences planétaires au MIT et Amaury Triaud , professeur d'exoplanétologie à l'Université de Birmingham
Le 21 mai 2024 |
4 min. de lecture
de Julien de Wit
Julien de Wit
professeur associé de sciences planétaires au MIT
Amaury Triaud
Amaury Triaud
professeur d'exoplanétologie à l'Université de Birmingham
En bref
  • Habituellement, c’est la détection de certains composés chimiques dans l’atmosphère qui permet de repérer les exoplanètes.
  • Une nouvelle approche est envisagée : rechercher une faible concentration de CO2 dans l’atmosphère des exoplanètes.
  • Pour cause, sur Terre, la majeure partie du CO2 a été dissoute dans les océans, puis enfouie dans la croûte terrestre. Une faible proportion de CO2 atmosphérique serait donc une « signature » chimique de la présence d’eau.
  • Cette méthode pourrait être facilitée par le télescope spatial James Webb de la NASA.
  • L’objectif ultime : déterminer si les conditions de surface des exoplanètes sont similaires à notre Terre pour éventuellement rechercher des signes de vie.

Chercher l’ab­sence plutôt que la présence de cer­tains com­posés chim­iques dans l’at­mo­sphère des exo­planètes (planètes en orbite autour d’é­toiles autres que le Soleil) pour­rait-il être notre meilleure chance de trou­ver de l’eau liq­uide – et ain­si peut-être même de la vie – sur ces mon­des lointains ?

C’est ce que pro­posent des chercheurs du MIT et de l’U­ni­ver­sité de Birm­ing­ham, qui ont mon­tré que si l’at­mo­sphère d’une planète extra­so­laire ter­restre (rocheuse) con­tient beau­coup moins de dioxyde de car­bone (CO2) que celle d’autres planètes du même sys­tème solaire, cela pour­rait indi­quer la présence d’eau liq­uide à la sur­face de cette planète. Une telle « sig­na­ture » chim­ique devrait être facile­ment détectable avec le téle­scope spa­tial James Webb (JWST) de la NASA, ce qui n’a pas été le cas avec les obser­va­toires et les téle­scopes jusqu’à présent.

À ce jour, les astronomes ont décou­vert plus de 5 000 planètes en dehors de notre sys­tème solaire. Autre prouesse : depuis plus de vingt ans, ils sont en mesure d’é­val­uer si une planète se trou­ve dans une zone « hab­it­able ». Mais ils ne peu­vent pas encore déter­min­er si elle serait réelle­ment capa­ble d’abrit­er la vie.

Dans notre sys­tème solaire, les chercheurs détectent la présence d’océans liq­uides, par exem­ple, en recher­chant des « éclats » de lumière solaire réfléchis par les sur­faces liq­uides. C’est ain­si qu’ils sont par­venus, par exem­ple, à observ­er de grands lacs sur Titan, la plus grande lune de Sat­urne. Il sera toute­fois dif­fi­cile de faire de même pour les exo­planètes, même avec des téle­scopes avancés comme le JWST.

Des systèmes solaires comme le nôtre ?

Une équipe dirigée par Julien de Wit du MIT (États-Unis) et Amau­ry Tri­aud de l’U­ni­ver­sité de Birm­ing­ham (Roy­aume-Uni), vient d’ap­pli­quer aux exo­planètes ce que nous savons des niveaux du CO2 dans l’at­mo­sphère des planètes ter­restres de notre pro­pre sys­tème solaire. Sur Terre, la majeure par­tie du CO2 de notre atmo­sphère a été dis­soute dans les océans et s’est pro­gres­sive­ment enfouie dans la croûte ter­restre (sur de très longues péri­odes géologiques). Notre planète est donc très dif­férente de Vénus, dont l’at­mo­sphère con­tient plus de 95 % de CO2. La Terre con­tient autant de CO2 que Vénus, mais ce CO2 n’est pas « vis­i­ble », ce qui mon­tre à quel point le proces­sus de stock­age du CO2 dans la croûte ter­restre a été efficace.

« Nous pro­posons qu’un proces­sus sim­i­laire sur les exo­planètes per­me­tte aux astronomes de déduire la présence d’eau liq­uide sur celles-ci, explique Amau­ry Tri­aud. De telles planètes seraient plus pau­vres en CO2 atmo­sphérique que leurs voisines non-hab­it­a­bles ».

La stratégie pro­posée par les chercheurs serait la plus effi­cace pour les sys­tèmes solaires comme le nôtre, c’est-à-dire ceux dans lesquels plusieurs planètes ter­restres, toutes à peu près de la même taille, orbitent rel­a­tive­ment près les unes des autres autour de leur étoile hôte. C’est le cas de TRAPPIST‑1, un sys­tème de sept planètes, situé à 40 années-lumière de la Terre – ce qui est rel­a­tive­ment proche en ter­mes astronomiques.

Tout d’abord, ils con­firmeraient que les planètes pos­sè­dent bien une atmo­sphère. Pour ce faire, les experts rechercheraient la présence de CO2 à l’aide du JWST, le seul téle­scope actuelle­ment capa­ble de mesur­er le con­tenu chim­ique de l’at­mo­sphère des exo­planètes rocheuses. Le CO2 absorbe forte­ment la lumière dans la par­tie infrarouge du spec­tre élec­tro­mag­né­tique et pour­rait donc être facile­ment détec­té par le téle­scope. Ils com­par­eraient ensuite la teneur en CO2 des dif­férentes planètes du sys­tème pour déter­min­er si l’une d’en­tre elles con­tient beau­coup moins de CO2 que les autres. Des obser­va­tions ultérieures per­me­t­traient de con­firmer l’am­pleur de ce déficit, mais aus­si de savoir si ce dernier est dû à la biolo­gie (bio­masse enfouis­sant le car­bone) ou à la géolo­gie (le CO2 se dis­solvant dans l’eau).

Des conditions similaires à celles de la Terre sur des mondes lointains ?

Alors que nous décou­vrons de plus en plus d’ex­o­planètes, il n’est pas seule­ment impor­tant de savoir si leur taille et leur masse sont sim­i­laires à celles de la Terre. Nous aime­ri­ons égale­ment savoir si les con­di­tions qui règ­nent à leur sur­face sont égale­ment sim­i­laires. « En mesurant des quan­tités réduites de CO2 sur les planètes voisines d’un sys­tème extra­so­laire, nous sauri­ons avec plus de cer­ti­tude si ces planètes ont des con­di­tions de sur­face sim­i­laires à celles de la Terre, avant com­mencer la recherche de preuves d’ac­tiv­ité biologique pro­pre­ment dit », explique Amau­ry Triaud.

« Le Graal de la sci­ence des exo­planètes est de trou­ver des mon­des hab­it­a­bles autres que la Terre et des signes de vie, ajoute Julien de Wit. À cette fin, nous nous sommes tra­di­tion­nelle­ment con­cen­trés sur la recherche d’un sig­nal sup­plé­men­taire provenant d’une planète don­née : un reflet venant des océans ou la sig­na­ture d’ab­sorp­tion d’un gaz spé­ci­fique (l’oxygène par exem­ple). Mais toutes ces car­ac­téris­tiques sont restées jusqu’à présent hors de portée des obser­va­toires, même les plus récents. »

« Nous insis­tons ici sur le fait qu’il ne s’ag­it pas seule­ment de rechercher ce qui a été ajouté par la vie ou la présence d’eau, mais aus­si (et peut-être surtout) ce qui a été enlevé par la vie ou la présence d’eau, ajoute-t-il. Ce n’est qu’en exam­i­nant ‘l’e­space négatif’ (l’ap­pau­vrisse­ment) créé par l’un ou l’autre que nous pou­vons per­me­t­tre la recherche d’habi­tats et de vie avec la tech­nolo­gie actuelle (c’est-à-dire dans les quelques années à venir pour un sys­tème comme TRAPPIST‑1). C’est dire la puis­sance de ce sim­ple change­ment de définition/perspective ».

Les chercheurs affir­ment qu’ils vont égale­ment con­tin­uer à rechercher des mon­des tem­pérés rocheux autres que ceux de TRAPPIST‑1 vers lesquels ils pour­raient diriger le JWST. « Pour cela, nos téle­scopes au Chili, aux îles Canaries et au Mex­ique, un réseau appelé SPECULOOS, sont essen­tiels. En fait, ces téle­scopes com­men­cent déjà à trou­ver de nou­velles exo­planètes rocheuses », révèlent-ils.

Propos recueillis par Isabelle Dumé

Références :

Atmos­pher­ic car­bon deple­tion as a trac­er of water oceans and bio­mass on tem­per­ate ter­res­tri­al exo­plan­ets, Nature Aston­o­my 8 17–29 (2024)

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