BepiColombo : les révélations de la mission Mercure
- La mission spatiale BepiColombo arrivera en 2026 à destination de Mercure, la plus petite planète de notre système solaire et la plus proche du Soleil.
- L’existence d’un champ magnétique autour de Mercure est surprenante : bien que faible, il est suffisamment puissant pour dévier les vents solaires.
- MESSENGER 3 a grandement fait avancer les recherches sur Mercure, mais n’a cartographié jusqu’à présent que 45 % de sa surface.
- Le 3ème survol de Mercure par BepiColombo a notamment permis de caractériser la nature des particules présentes dans la magnétosphère et leur mode de déplacement.
- Ce survol a également révélé de nouvelles informations qui aideront à mieux comprendre l’interaction entre le vent solaire et les magnétosphères des planètes.
La mission spatiale BepiColombo1 arrivera en 2026 à sa destination, Mercure, la plus petite planète de notre système solaire et la plus proche voisine du Soleil. Au cours de son périple de 7,9 milliards de kilomètres, elle passera plusieurs fois à proximité de la planète pour ajuster sa vitesse et sa trajectoire afin d’être « capturée » sur son orbite le moment venu.
Le champ magnétique intrinsèque de Mercure est faible, avec une force dipolaire près de 100 fois inférieure à celle de la Terre. Cependant, l’existence d’un champ magnétique, même faible, sur Mercure, est en soi surprenante. Ce dernier est néanmoins suffisamment puissant pour dévier le vent solaire – un flux de particules, chargées principalement d’électrons et de protons, éjectées de la haute atmosphère du Soleil (autrement dit de sa couronne). Ce « bouclier », ou cette magnétosphère, est similaire à la magnétosphère terrestre. La différence est que les processus fondamentaux qui libèrent du plasma et de l’énergie se produisent beaucoup plus rapidement dans la magnétosphère de Mercure.

Mercure a déjà été survolée à plusieurs reprises. La première mission, Mariner 102, a effectué trois survols et a découvert des traces d’atomes lourds près de son exosphère – une atmosphère fine composée d’atomes et de molécules qui ont été expulsés de la surface de la planète. Plus tard, des télescopes terrestres ont détecté à distance une sélection d’ions, dont le sodium (Na+), le potassium (K+) et le calcium (Ca+), qui proviennent probablement aussi de la planète elle-même.
Mais c’est la mission MESSENGER3 qui a réellement changé notre vision de Mercure. Elle a notamment permis d’obtenir de nombreuses informations importantes sur le plasma ionique de sa magnétosphère. Ce plasma est un gaz chaud ionisé contenant des ions d’hydrogène et d’hélium (II) (He2+), provenant du vent solaire et d’espèces plus lourdes comme du He+, du O+ et du Na+.
MESSENGER n’a cependant cartographié que 45 % de la surface de la planète et a donc laissé de nombreuses questions en suspens. Et notamment comment la magnétosphère de la planète interagit avec le vent solaire.
Échantillonnage des particules de la magnétosphère
Les chercheurs présentent aujourd’hui les résultats du troisième survol de Mercure par BepiColombo, qui a eu lieu le 19 juin 2023, et en particulier les résultats provenant de la suite instrumentale MPPE (Mercury Plasma Particle Experiment). Ceux-ci étaient actifs sur le Mercury Magnetospheric Orbiter (Mio), l’orbiteur sous la responsabilité du Japan Aerospace Exploration Agency (JAXA). Mio est l’un des deux orbiteurs scientifiques qui seront capturés dans l’orbite de Mercure en 2026, l’autre étant le Mercury Planetary Orbiter (MPO), dirigé par l’Agence spatiale européenne (ESA). Ensemble, ces deux sondes spatiales fourniront une image complète de l’environnement autour de Mercure.
Les survols sont très rapides et traversent la magnétosphère de Mercure en environ une demi-heure (terrestre), passant du crépuscule sur la planète à son aube. Lors du troisième survol, la sonde spatiale a pu s’approcher jusqu’à 235 km au-dessus de la surface cratérisée de Mercure. Au cours de ce survol, Mio a caractérisé la nature des particules présentes dans la magnétosphère et la façon dont elles se déplacent. « Ces mesures nous permettent de tracer clairement le paysage magnétosphérique pendant la brève assistance gravitationnelle », explique Lina Hadid, qui est actuellement chargée de recherche au CNRS et travaille au Laboratoire de Physique des Plasmas (LPP) à l’École polytechnique (IP Paris). Lina Hadid est la responsable scientifique de l’un des instruments du consortium MPPE, le spectromètre de masse ionique (MSA), dont la partie optique a été développée au LPP. Elle et ses collègues ont publié leurs derniers résultats dans Nature, Communications Physics.
Les chercheurs affirment avoir observé des « frontières » telles que « l’onde de choc » séparant le vent solaire et la magnétosphère de Mercure, ainsi que d’autres régions comme le feuillet de plasma, qui est une région d’ions plus énergétique, et plus dense, située au centre de la queue magnétique. « Ces deux résultats étaient quand même attendus », explique Lina Hadid.
À la découverte des nouvelles surprises de Mercure
« Pourtant, il y a eu beaucoup de nouvelles surprises », ajoute-t-elle. Par exemple, une couche aux basses latitudes (Low Latitude Boundary Layer), définie par une région de plasma turbulent à la limite de la magnétosphère. Cette couche contient des particules avec une gamme d’énergies allant jusqu’à 40 keV/e, beaucoup plus large que celles jamais observées auparavant sur Mercure.
Un autre résultat important : l’observation d’ions hydrogène chauds énergétiques (H+) piégés à basse latitude et près du plan équatorial de Mercure, avec des énergies d’environ 20 keV/e. Selon Lina Hadid et ses collègues, ce résultat ne peut s’expliquer que par la présence d’un courant annulaire (courant électrique porté par des particules chargées piégées dans la magnétosphère), mais d’autres observations et analyses seront nécessaires pour le confirmer ou l’infirmer. S’il est confirmé, ce courant annulaire sera similaire à celui de la Terre, qui se trouve à des dizaines de milliers de kilomètres de sa surface.

Enfin, Mio a également détecté des ions plasma « froids » d’oxygène, de sodium avec des signatures de présence de potassium dont l’énergie est inférieure à 50 eV/e lorsqu’il s’est déplacé dans l’ombre nocturne de la planète. Ces ions proviennent de la planète elle-même et ont probablement été éjectés lorsque des micrométéorites ont heurté sa surface ou lors d’interactions avec le vent solaire.
Selon les chercheurs, ces nouveaux résultats permettront de mieux comprendre comment le vent solaire interagit avec les magnétosphères des planètes en général. Sur Terre, il est important de comprendre ce phénomène, car les particules chargées du vent solaire perturbent la magnétosphère de notre planète lorsqu’elles entrent en collision avec elle. Ces perturbations, connues sous le nom de « météorologie spatiale », peuvent endommager les satellites, affecter les technologies de communication et les signaux GPS, et même provoquer des pannes d’électricité au sol ou en altitude.
BepiColombo a effectué avec succès son quatrième survol en septembre 2024 et s’est approchée au plus près de la planète, à environ 165 km de sa surface. À cette occasion, elle a capturé les meilleures images de certains des plus grands cratères d’impact sur Mercure. Elle a effectué un cinquième et un sixième survol de la planète, respectivement le 1er décembre et le 8 janvier 2025. La mission est prévue pour durer jusqu’en 2029…