Les vélos à assistance électrique (VAE) ont le vent en poupe : en 2020, 20 % des vélos européens vendus – soit 4,5 millions – sont électriques, et cette part devrait atteindre 55 % d’ici 20301. Alors entrons dans le vif du sujet : est-ce un problème pour le climat ?
Comparé à de nombreux autres modes de transport… Bien sûr que non ! En France, l’empreinte carbone du vélo électrique s’élève en moyenne à 13 grammes de CO2 équivalent (CO2e) par kilomètre parcouru, si le véhicule est utilisé pendant 20 000 km. Ce chiffre représente l’ensemble du cycle de vie du vélo : sa fabrication, son utilisation, son entretien et sa fin de vie. L’ensemble des gaz à effet de serre (GES) émis sont inclus – c’est pourquoi nous parlons de CO2 équivalent. L’impact du VAE est légèrement supérieur à celui du vélo musculaire, dont l’empreinte carbone s’élève à 10 à 12 g de CO2e/km parcouru.
Mais ces mobilités sont parmi les plus performantes sur l’ensemble des facteurs environnementaux. En France, l’empreinte carbone du train électrifié est évaluée à environ 35 g de CO2e/km parcouru par passagers. On grimpe à 60 – 75 g de CO2e/km parcouru pour une voiture citadine électrique. Les voitures thermiques et l’avion dépassent la barre des 100 g CO2e/km parcouru. Seuls la marche (1 à 2 g de CO2e/km parcouru) et le métro et RER parisiens (8 à 10 g de CO2e/km parcouru) sont plus performants que le vélo. On estime que l’achat et l’utilisation d’un VAE en France présente un meilleur bilan carbone que l’usage de la voiture thermique en ville dès lors qu’on parcourt plus de 1 000 km avec son VAE avant de le recycler.
Ces bons résultats du VAE en France ne s’expliquent-ils pas par notre mix électrique peu carboné ?
En travaillant sur le sujet il y a 7 ans, j’ai constaté que l’empreinte liée à l’usage des micro-mobilités électriques était multipliée par trois en Chine. Depuis, le mix électrique chinois s’est bien décarboné et la différence est plus faible, mais reste notable. En Allemagne, la production électrique émet actuellement 10 fois plus de GES qu’en France. Mais finalement, l’impact sur l’empreinte carbone totale du VAE est modéré, car un VAE consomme peu d’électricité, sa fabrication représente la majorité des émissions de GES sur son cycle de vie. L’empreinte carbone totale grimpe de 13 g de CO2e/km parcouru en France à 17 g de CO2e /km parcouru en Allemagne.
Pourquoi la fabrication des VAE est-elle la plus grande source d’émissions de GES sur l’ensemble de leur cycle de vie ?
La fabrication représente 94 % de l’empreinte carbone totale d’un VAE roulant 20 000 km en France2. Pour un vélo en aluminium de 20 kg (hors assistance électrique) fabriqué en Chine, la production du cadre émet 181 kg de CO2e. La fabrication de la batterie émet 20 kg de CO2e et le moteur 37 kg de CO2e. La plus grande source d’émissions de GES d’un VAE est donc liée à la fabrication du cadre. En cause : l’aluminium. La Chine est le premier pays producteur d’aluminium raffiné – le pays produit près de la moitié de l’aluminium mondial3. Même si la Chine diminue l’empreinte carbone de son mix électrique, le raffinage de l’aluminium reste très émetteur de GES. C’est ce qui pèse le plus dans l’empreinte carbone d’un VAE. L’assemblage a vraiment un impact limité… Un vélo « made in France » n’a donc que peu d’intérêt en termes d’empreinte carbone sauf si le métal du cadre est raffiné dans un pays où le mix électrique est peu carboné (ex: aluminium français, québécois, islandais…).
L’impact des batteries semble donc négligeable…
Les batteries ont mauvaise presse à cause des voitures électriques. Mais dans une voiture électrique, on embarque plusieurs centaines de kilos de batterie. Celle d’un vélo électrique ne pèse que quelques kilos. Les émissions de GES générées par ces batteries sont très faibles comparativement.
Elles sont cependant difficiles à évaluer précisément. Nous avons analysé une trentaine de publications concernant les batteries lithium-ion, l’empreinte carbone par kWh varie d’un facteur 10. Nous avons beaucoup d’incertitudes concernant les conditions d’extraction des métaux à la mine, ainsi que les conditions de raffinage. Il est difficile d’obtenir des données industrielles fiables. Cela ne change rien au constat : le cadre représente la plus grande part des émissions. D’ailleurs, nous pouvons considérer que le VAE le plus sobre est un vélo musculaire – sans électricité – déjà en utilisation, que l’on va équiper d’une assistance électrique. Cette transformation de vélo est aussi appelée rétrofit. C’est une solution extrêmement intéressante pour éviter la fabrication d’un nouveau cadre.
Quelles sont les autres sources d’émissions de GES d’un VAE ?
Cela dépend du pays. La maintenance représente environ 8 % des émissions de GES sur l’ensemble du cycle de vie d’un vélo en France. La consommation électrique s’élève en moyenne à 1 kWh pour 100 km, soit 0,5 g de CO2e/km parcouru en France (soit environ 4 % des émissions totales du VAE) ou 5 g de CO2e/km en Allemagne (c’est-à-dire 29 % des émissions totales du VAE). Elle dépend bien sûr du vélo, de l’utilisateur, de la topographie et de l’évolution du mix électrique.
Concernant la fin de vie, le recyclage des batteries et des matériaux permet de réduire l’empreinte carbone de 6 % en France. Malheureusement, aujourd’hui moins de 8 % des batteries des VAE sont recyclées.
Est-il possible de réduire l’empreinte carbone des VAE ?
Les différents leviers évoqués précédemment – plus de recyclage et le rétrofit des vélos musculaires – sont des pratiques vertueuses en ce sens. Plus un vélo a une durée de vie importante, plus son empreinte carbone par kilomètre parcouru est réduite.
Comme le cadre est l’élément le plus impactant, il faut ensuite travailler en ce sens. Il est par exemple possible de se tourner vers des producteurs alternatifs d’aluminium, comme le Québec. Employer des matériaux alternatifs comme l’acier et le bois est aussi un levier intéressant. Enfin, de nombreuses recherches sont menées sur les batteries. Avec des collègues, nous évaluons actuellement l’impact de l’emploi d’autres types de batteries (comme les batteries sodium-ion et batteries à électrolyte solide) sur l’empreinte carbone des véhicules électriques. Les résultats sont très encourageants.