Quel avenir pour le stockage de l’énergie et les réseaux décentralisés ?
- Les systèmes de stockage d’énergie sont indispensables pour stabiliser les réseaux électriques, capturer l'énergie excédentaire et atténuer l'intermittence inhérente à la production d'énergie renouvelable.
- Lors de la COP29, l’urgence d’accroître la capacité de stockage de l’énergie et de moderniser l’infrastructure des réseaux a été soulignée.
- Les installations cumulées de stockage de l’énergie au niveau mondial sont à la hausse ces dernières années grâce à un soutien politique fort et à des avancées technologiques.
- Les réseaux décentralisés sont primordiaux car ils soutiennent la production locale d'électricité et réduisent la dépendance à l'égard de l'infrastructure centrale.
- Des avancées technologiques récentes comme les GESS ou les batteries redox vanadium jouent un rôle significatif dans le renforcement de la résilience énergétique.
Le stockage de l’énergie joue un rôle essentiel dans le renforcement de la résilience des réseaux et dans le passage aux sources d’énergie renouvelables. Qu’il s’agisse de technologies établies comme les batteries lithium-ion et sodium-soufre ou de solutions de pointe comme les batteries redox vanadium, ces systèmes sont indispensables pour stabiliser les réseaux électriques, capturer l’énergie excédentaire et atténuer l’intermittence inhérente à la production d’énergie renouvelable.
Lors de la COP29, les dirigeants mondiaux ont souligné l’urgence d’accroître la capacité de stockage de l’énergie et de moderniser l’infrastructure des réseaux afin de créer un système énergétique robuste et résistant au changement climatique. Les initiatives visant à promouvoir les réseaux décentralisés, l’adoption de batteries de flux et l’intégration de systèmes de stockage hybrides mettent en évidence le potentiel de transformation des technologies de stockage de l’énergie pour façonner un avenir énergétique durable.
Stocker l’énergie
Le stockage de l’énergie englobe diverses technologies conçues pour capturer, conserver et libérer l’énergie en fonction des besoins, ce qui permet une plus grande flexibilité et une plus grande fiabilité dans la gestion des flux d’énergie1. Le réseau électrique, défini comme un réseau complet de systèmes de production, de transmission et de distribution, s’appuie sur ces solutions de stockage pour maintenir la stabilité et synchroniser l’offre avec la demande en temps réel.
Le graphique ci-dessus illustre les installations cumulées de stockage d’énergie au niveau mondial entre 2015 et 2030, montrant une tendance significative à la hausse, qui est due à un soutien politique fort et à des avancées technologiques, en particulier dans des régions et des pays comme les États-Unis, la Chine et l’Europe. Toutefois, il est important de noter que les données sont basées sur les prévisions de 2021 et qu’elles pourraient ne pas refléter entièrement les évolutions ou les changements récents du marché.
Les méthodes de stockage de l’énergie comprennent les systèmes électrochimiques tels que les batteries lithium-ion et sodium-soufre, les systèmes mécaniques comme le pompage de l’eau et le stockage de l’air comprimé, le stockage électromagnétique tel que le stockage de l’énergie magnétique supraconductrice et les supercondensateurs, le stockage thermique avec les sels fondus et les matériaux à changement de phase, ainsi que le stockage de l’hydrogène2. Chaque approche joue un rôle distinct dans l’amélioration de l’efficacité et de la résilience du réseau.
Eddie Rich, PDG de l’Association internationale de l’hydroélectricité, déclare que « le manque de stockage de l’énergie à long terme a été, jusqu’à présent, un enjeu ignoré de la crise énergétique actuelle. C’est la première fois que les dirigeants mondiaux reconnaissent la nécessité d’un mélange d’énergies renouvelables, plutôt que d’un simple volume3. » La COP29, qui s’est tenue à Bakou, en Azerbaïdjan, du 11 au 22 novembre 2024, met fortement l’accent sur l’avancement de l’infrastructure du réseau et du stockage de l’énergie en tant qu’éléments essentiels de la transition vers une énergie à faible teneur en carbone. Lors de la COP29, le Global Energy Storage and Grids Pledge s’est fixé l’objectif ambitieux d’atteindre 1 500 GW d’ici 2030, soit six fois plus qu’en 2022, et de développer ou de moderniser plus de 80 millions de kilomètres de réseaux électriques d’ici 20404.
La réalisation d’émissions nettes zéro au niveau mondial dépend de l’expansion rapide du stockage de l’énergie, une priorité soulignée par les dirigeants de la COP29 qui ont reconnu son rôle essentiel dans l’avancement d’un avenir énergétique propre. De nombreuses nations et entreprises se sont engagées à déployer des solutions de stockage d’énergie de pointe. La Global Renewables Alliance a notamment fixé un objectif ambitieux de 8 000 GW de stockage de longue durée d’ici 2040, en préconisant des investissements dans des technologies telles que les batteries de flux pour améliorer la stabilité du réseau et soutenir l’intégration des énergies renouvelables5.
GW ou GWh ?
Le watt est une unité de puissance qui mesure le taux auquel l’énergie est utilisée ou produite à un moment donné, c’est la quantité d’énergie consommée ou générée par unité de temps, sans tenir compte de la durée. Le wattheure est une unité d’énergie qui prend en compte à la fois la puissance et le temps (durée d’utilisation), c’est une mesure cumulative, représentant l’énergie totale utilisée sur une certaine période. Si un appareil électrique de 1 watt fonctionne pendant une heure, il consomme 1 wattheure d’énergie. Un GW correspond à un milliard de watts. A l’échelle d’une année, pour passer des GWh au GW, on divise la valeur en GWh par le nombre d’heures de l’année (8 760 heures)6. Concrètement, si la consommation annuelle totale d’électricité aux États-Unis est de 3,84 millions de gigawattheures (GWh), la consommation moyenne approximative d’électricité aux USA sera d’environ 438 GW cette année-là (EIA, 2020).
Décentralisation des réseaux
Les réseaux décentralisés utilisent des ressources énergétiques distribuées (DER) telles que des panneaux solaires et des éoliennes, qui peuvent fonctionner de manière indépendante et être reliées au réseau principal. Cette flexibilité renforce la résilience énergétique, en soutenant la production locale d’électricité et en réduisant la dépendance à l’égard de l’infrastructure centrale7.
Le stockage de l’énergie est essentiel pour gérer la variabilité des sources renouvelables telles que le solaire et l’éolien, ainsi que pour faire progresser la décentralisation du réseau, en stockant l’énergie excédentaire pendant les pics de production et en garantissant un approvisionnement constant pendant les périodes de baisse de la production. En remplissant ces fonctions, il stabilise les réseaux électriques et facilite l’intégration transparente des énergies renouvelables, ce qui permet d’accélérer leur adoption8.
Lors de la COP29, le Global Energy Storage and Grids Pledge s’est fixé pour objectif d’atteindre une capacité de stockage mondiale de 1 500 GW d’ici à 2030, dont 1 200 GW de stockage par batterie, afin de soutenir les systèmes énergétiques décentralisés9. En complément de cet effort, le Green Energy Zones and Corridors Pledge vise à développer des zones d’énergie renouvelable équipées de solutions de stockage intégrées, afin d’accélérer encore la transition vers l’énergie durable.
Avancées technologiques
Les récentes percées dans le domaine du stockage de l’énergie ont démontré leur rôle significatif dans le renforcement de la résilience énergétique. La COP29 a mentionné de nombreuses innovations en matière de solutions de stockage de l’énergie, chacune avec des approches uniques pour soutenir l’intégration des énergies renouvelables.
#1 Solutions de stockage d’énergie par gravité (Global Energy Storage Solutions Battery AB, [GESS]) : Développé par Energy Vault, GESS utilise l’énergie renouvelable excédentaire pour soulever des blocs lourds, qui sont abaissés pour produire de l’électricité en cas de forte demande. Opérationnel en Chine depuis mai 2024, le GESS est évolutif, adaptable et peut s’intégrer dans des bâtiments de grande taille, ce qui pourrait réduire l’empreinte carbone des villes10.
#2 Stockage géothermique géopressuré : Qualifiée de « batterie en terre » par Sage Geosystems, cette technologie stocke l’eau sous terre et utilise la pression pour actionner des turbines afin de produire de l’électricité. Durable et efficace, elle devrait être connectée au réseau d’ici la fin de l’année11.
#3 Stockage de CO₂ comprimé : La méthode d’Energy Dome consiste à comprimer le CO₂ en liquide pour le stocker à haute densité énergétique, puis à l’utiliser pour actionner des turbines. Avec une installation pilote en Sardaigne et des déploiements à plus grande échelle prévus, cette approche minimise l’impact sur l’environnement12.
#4 Batteries à flux : Évolutives et pratiques, les batteries à flux comme les batteries redox vanadium stockent l’énergie dans des électrolytes liquides à l’intérieur de réservoirs externes, ce qui permet d’augmenter indépendamment les capacités de puissance et d’énergie. Durables, nécessitant peu d’entretien et sûres, elles s’alignent sur les objectifs de la COP29 en matière de stockage de l’énergie.
#5 Réactions d’oxydoréduction : Les batteries redox vanadium stockent l’énergie grâce aux ions vanadium qui changent d’état d’oxydation dans les électrolytes liquides. Pendant la charge, V³⁺ s’oxyde en V⁴⁺ du côté de l’anolyte, et V⁵⁺ se réduit en V²⁺ du côté du catholyte, s’inversant pendant la décharge pour libérer de l’énergie13.
#6 Aperçu du marché : Le marché des batteries redox vanadium, évalué à 394,7 millions de dollars en 2023, devrait croître à un taux de croissance annuel composé de 19,7 % de 2024 à 2030, sous l’effet de l’expansion des énergies renouvelables en Amérique du Nord, en Europe et en Asie-Pacifique14.
Intégration dans le réseau intelligent
Andreas Schierenbeck, PDG d’Hitachi Energy, déclare que « l’expansion et la modernisation des réseaux électriques et le déploiement du stockage de l’énergie, ainsi que d’autres technologies clés, sont désormais essentiels pour le système énergétique mondial15 ». Les réseaux intelligents sont des systèmes énergétiques avancés conçus pour optimiser la distribution d’énergie et améliorer la fiabilité du réseau16. Le stockage de l’énergie est une pierre angulaire de ces systèmes, car il permet de capturer et de conserver l’énergie excédentaire provenant de sources renouvelables variables telles que le vent et le soleil. Cette intégration renforce la stabilité du réseau, favorise une utilisation efficace de l’énergie et équilibre l’offre et la demande17.
En atténuant les fluctuations de la production d’énergie renouvelable et en garantissant une alimentation électrique régulière pendant les périodes de forte demande, le stockage de l’énergie améliore considérablement la résilience du réseau. En outre, il réduit la dépendance à l’égard du transport d’électricité sur de longues distances, minimisant ainsi les pertes d’énergie.
Lors de la COP29, le rôle vital du stockage de l’énergie dans l’accélération de l’intégration des énergies renouvelables a été largement souligné. La Commission européenne, dans le cadre de son Fonds pour l’innovation, a accordé 4,8 milliards d’euros de subventions à 85 projets pionniers d’énergie nette zéro18. Parmi ceux-ci figure un système de stockage d’énergie hybride en France qui combine des batteries lithium-ion et des batteries redox vanadium, intégrées à un parc solaire photovoltaïque à grande échelle. Cette initiative vise à renforcer la stabilité du réseau et à faire progresser les objectifs de décarbonisation de l’UE.
Résilience climatique
Le stockage de l’énergie est essentiel pour garantir la résilience de l’approvisionnement en électricité, en particulier lors d’événements météorologiques extrêmes ou de perturbations inattendues. En tenant compte de la variabilité inhérente aux sources d’énergie renouvelables, ces systèmes stabilisent le réseau, font progresser les objectifs de réduction des émissions de carbone et fournissent un soutien essentiel pour éviter les pannes d’électricité prolongées en cas de crise.
Bien qu’abondantes, les sources d’énergie renouvelables telles que le solaire et l’éolien posent des problèmes de stabilité du réseau. Le stockage de l’énergie atténue ces problèmes en capturant l’énergie excédentaire générée pendant les journées ensoleillées ou venteuses et en la libérant pendant les périodes de faible production, comme un ciel couvert ou sans vent. Cela permet d’assurer une alimentation électrique régulière et fiable sans compromettre la fiabilité du système.
En outre, le stockage de l’énergie constitue une double solution aux défis climatiques : il contribue à l’atténuation du climat en facilitant l’adoption des énergies renouvelables et à l’adaptation en renforçant la résilience du réseau contre les perturbations induites par le climat. Encourager les participants à la COP29 à donner la priorité aux investissements dans le stockage de l’énergie pourrait favoriser une prise de conscience mondiale, stimuler des discussions significatives et créer un précédent transformateur pour les futures politiques énergétiques.
COP29 et au-delà
Depuis la COP28, des avancées significatives ont été réalisées dans le domaine du stockage de l’énergie, soulignant son rôle essentiel dans la transition mondiale vers les énergies renouvelables et la résilience climatique. Les percées réalisées dans des technologies telles que le GESS chinois et les batteries redox vanadium ont consolidé le stockage de l’énergie en tant que pierre angulaire des solutions énergétiques futures. S’appuyant sur des engagements antérieurs, de nouvelles initiatives fixent des objectifs ambitieux pour faire progresser les technologies de stockage, les intégrer dans les zones d’énergie renouvelable et promouvoir les réseaux décentralisés parallèlement aux systèmes de batteries de nouvelle génération.
Les changements politiques observés entre la COP28 et la COP29 sont tout aussi transformateurs. L’objectif ambitieux d’atteindre 1 500 GW de capacité mondiale de stockage d’énergie d’ici 2030, associé à des plans visant à moderniser 80 millions de kilomètres de réseaux électriques d’ici 2040, reflète une confiance croissante et une détermination collective à réaliser un avenir plus propre et plus durable.
À l’avenir, l’intégration continue du stockage de l’énergie dans les systèmes d’énergie renouvelable sera primordiale pour parvenir à un développement durable et résoudre la crise climatique mondiale. Le succès ne se limite pas à la rhétorique, il exige une action collective décisive. Un avenir propre et résilient ne viendra pas à nous ; c’est quelque chose que nous devons activement construire ensemble.
https://www.carboncollective.co/sustainable-investing/gigawatt-gw↑