Gaz : une tendance haussière durable
Comment sont fixés les prix du gaz ?
Dans un premier temps, il est important de différencier les prix payés par les fournisseurs sur les marchés de gros et les prix de détail payés par les consommateurs. La situation est variable en fonction des pays. Au Canada par exemple, le prix de détail varie avec le prix de gros, qui lui est déterminé sur le marché Nord-Américain. Le régulateur impose que les parties énergie (achat de gaz en gros) et transport (service d’utilisation des pipelines) soient facturées à prix coûtant. Le fournisseur fait des bénéfices seulement sur la partie distribution (approuvés une fois par an par le régulateur).
Aux États-Unis, la régulation varie entre les états mais ressemble plus à celle de la France, avec ses tarifs également mis à jour tous les mois. En Allemagne, la régulation est plus souple et les contrats de détail sont, en général, renouvelés une fois par an avec une augmentation des tarifs. En France, les prix de détail dépendent de la commission de régulation de l’énergie qui décide de l’évolution de tarifs réglementés. Le prix du gaz est mis à jour tous les mois tandis que celui de l’électricité l’est deux fois par an. Enfin, les taxes représentent environ un tiers du prix réglementé.
Au 1er octobre, la facture annuelle d’un ménage moyen était de 1 482 € TTC, cela correspond au pic de ces six dernières années. En France, c’est un tarif qui sert de signal pour le marché et s’applique aux 2 millions de foyers alimentés par Engie. Les fournisseurs alternatifs offrent des prix autour du tarif réglementé. Dans les autres pays où les tarifs (réglementés ou non) évoluent aussi en fonction de contrats à terme, signés un mois à l’avance, les hausses observées sont similaires. Ces prix dépendent de ce que les producteurs et les fournisseurs anticipent comme prix pour le mois suivant.
Quels sont les facteurs de variation des prix ?
Les variations de prix sont liées au statut d’importateur. Un pays comme la France importe 99% de son gaz naturel. Pour l’UE, les principaux importateurs sont la Russie (41%), la Norvège (16%), l’Algérie (8%), le Qatar (5%) et les Pays-Bas (3%). Mais la Russie représente plus de 50% des parts de marché pour l’Allemagne et les pays d’Europe de l’est. Les variations de prix sont déterminées par trois acteurs importants. Tout d’abord, il y a la hausse de la demande liée à la reprise de la production après la crise Covid. Ensuite vient une offre limitée par l’absence de stocks ainsi que par des tensions géopolitiques. Et enfin, il y a le poids des politiques environnementales.
En ce qui concerne l’effet de l’offre, habituellement les pays constituent des stocks afin de lisser les pics de demande. Quand le prix monte, on déstocke et l’on observe alors un ajustement à court terme. Dans le cas présent, les prix ont beaucoup augmenté alors que les stocks ont beaucoup baissé l’an dernier, notamment en raison d’un hiver froid. Cependant, à cause de ce prix élevé, ces stocks n’ont été que partiellement renouvelés. Côté demande, on ne peut pas lisser les pics, on subit donc les chocs de la reprise économique.
Par ailleurs, les tensions géopolitiques n’encouragent pas les pays producteurs à exporter plus. Les Russes par exemple sont prêts à doubler leur production de gaz à destination de l’Europe, mais exigent une contrepartie. Cela pourrait être la mise en service du gazoduc North Stream 2 récemment achevé. Un gazoduc passant par la mer Baltique et l’Allemagne dans le but de ne plus dépendre de celui qui traverse l’Ukraine et dont les taxes sont élevées.
Enfin, il y a le facteur environnemental. On peut citer le plan climat de Joe Biden qui régule strictement les méthodes d’extraction non conventionnelles (fracture hydraulique) et la réduction des subventions aux énergies fossiles. De plus, le marché européen du CO2 est désormais un déterminant majeur du prix de l’énergie. Le prix des quotas de la tonne du CO2 était de 6 € en 2017, 20 à 35 € en 2020. Il atteint aujourd’hui les 62 € la tonne.
Cette hausse est-elle durable ou momentanée ?
À court terme, six mois, la situation est conjoncturelle, elle est liée à la reprise économique. Si l’on s’intéresse aux prix des marchés à terme, ils indiquent un retour à la normale pour le deuxième trimestre de 2022. Le défaut de cette analyse réside dans la difficulté de prédire l’évolution, car le prix du gaz varie au gré de nombreux arbitrages ; entre prix courants et prix futurs, entre décisions de stockage et de déstockage, ou encore en fonctions d’événements internationaux. Mais d’ici quelques semaines, on en saura un peu plus sur la mise en service du gazoduc russe, ce qui serait un vrai tournant vers la stabilité voire la baisse des prix.
Que doit-on attendre des prix de l’énergie dans un contexte de décarbonation continue ?
À long terme, il y a une tendance haussière du prix de l’énergie qui provient des engagements environnementaux. Les gouvernements veulent encourager la consommation des énergies bas carbone, seulement elles sont plus chères que les énergies fossiles. C’est tout l’objet du marché européen du CO2. Par ailleurs, la volatilité des prix devrait s’accentuer en raison du fonctionnement intermittent des énergies renouvelables, pour la simple raison que les centrales électriques au gaz constituent le recours le plus rapide et le plus simple à activer lorsqu’il n’y a ni vent ni soleil.
Quelles sont les conséquences de la hausse des prix et les marges de manœuvre des gouvernements ?
Les entreprises répercuteront la hausse du coût de l’énergie au niveau du prix de leurs biens et services. La conséquence est donc l’inflation. Quant aux ménages, on peut s’attendre à une baisse de leur consommation de gaz, mais celle-ci reste en grande partie une contrainte. Pour les gouvernements, cela constitue une opportunité politique pour envoyer un signal en faveur du pouvoir d’achat.