#1 Nous savons comment produire de l’énergie grâce à la fusion nucléaire
VRAI – La fusion nucléaire peut générer une énergie positive nette dans un cadre limité.
Le Laboratoire national Lawrence Livermore – National Ignition Facility (NIF), en Californie, l’a prouvé en 2022 avec son dispositif de fusion par allumage laser. L’installation NIF utilise 192 des lasers les plus puissants au monde pour envoyer jusqu’à 4 millions de joules d’énergie ultraviolette sur une cible de deutérium et de tritium.
Cette cible fait la taille approximative d’un grain de poivre et elle est suspendue dans un petit « four » à rayons X appelé Hohlraum. Ce dernier peut atteindre une température d’environ 3 millions de degrés Celsius lorsqu’il est touché par ces lasers surpuissants. Cette action fait l’imploser du combustible, créant ainsi les conditions nécessaires à la fusion nucléaire. Le 5 décembre 2022, le NIF a atteint le gain de cible, ce qui signifie que les 2,05 mégajoules d’énergie laser délivrés sur la cible ont généré 3,15 mégajoules d’énergie de fusion. La cible a produit plus d’énergie qu’elle n’en a absorbée. Ce point, appelé « allumage », a constitué une réelle avancée scientifique.
FAUX – Cette réaction a créé de l’énergie, mais elle est loin d’être suffisante pour alimenter l’installation.
Dans l’ensemble, ce dispositif de fusion par allumage laser a subi une perte d’énergie nette substantielle. Pour donner une idée de l’échelle, les 1,1 mégajoules d’énergie nette de la cible représentent environ 0,306 kWh. À titre de comparaison, un foyer aux États-Unis consomme typiquement plus de 3 000 fois cette quantité d’énergie chaque mois. De plus, les scientifiques du NIF estiment que le fonctionnement de l’installation laser du NIF nécessite environ 100 fois plus d’énergie que la quantité d’énergie fournie par le laser à la cible elle-même.
INCERTAIN – On ne sait pas quand ni comment ce point crucial, appelé « gain d’ingénierie », sera atteint.
À ce stade, les ingénieurs doivent s’efforcer de rendre ce dispositif encore plus efficace, afin de s’assurer qu’il produise plus d’énergie qu’il n’en consomme. L’un des moyens d’y parvenir serait de réduire la consommation d’énergie du dispositif par rapport à sa production, en fabriquant des composants moins énergivores, tels que des lasers ou des supraconducteurs.
Des changements tels que l’amélioration de l’isolation thermique ou la mise en place de commandes IA pourraient faire fonctionner les systèmes plus rapidement qu’un humain, ce qui serait très utile. D’autres gains d’énergie peuvent être réalisés : améliorer les matériaux et les composants de la machine pour permettre au système de fonctionner à des niveaux de puissance plus élevés. Pour ce faire, les ingénieurs pourraient inclure des matériaux capables de résister à des températures extrêmes et concevoir des aimants encore plus puissants afin de mieux confiner et contrôler le plasma utilisé dans les réactions de fusion. Une autre approche consiste à améliorer le processus qui capture et convertit l’énergie de la réaction de fusion en électricité.
#2 La fusion nucléaire deviendra une source d’énergie propre et illimitée
VRAI – La fusion nucléaire est généralement considérée comme une énergie « propre ».
Elle produit beaucoup moins de « déchets » radioactifs que la fission. Toutefois, grâce aux technologies émergentes, il est possible de réutiliser les déchets de la fusion et de la fission. Néanmoins, comme les autres fissions nucléaires, la fusion nucléaire nécessitera une surveillance appropriée et complète. L’une des principales préoccupations est que la réaction pourrait être utilisée pour produire des matières fossiles utilisables dans des armes. Les machines de fusion nucléaire et les réactions connexes ne produisent pas directement de matières utiles pour les armes. La réaction crée cependant une énorme quantité de neutrons.
Le bon côté des choses, c’est que ces neutrons pourraient contribuer à produire davantage de combustible pour la réaction de fusion – de nombreux modèles prévoient d’incorporer une « couverture de reproduction », c’est-à-dire une couche de matériaux qui sert d’isolant thermique, mais qui est également recouverte de matériaux capables de capturer les neutrons pour créer davantage de tritium.
L’uranium ou le thorium pourraient également être placés dans certaines couvertures de reproduction. Le problème est que ces matériaux, une fois irradiés, pourraient générer de l’uranium 235 utilisable dans des armes nucléaires. Il existe des moyens physiques d’empêcher ce processus, notamment en exigeant l’utilisation de lithium‑6 dans les modules de couverture. L’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) aura un rôle primordial dans la surveillance ainsi que dans la mise en place de garanties de non-prolifération.
FAUX – L’énergie de fusion peut être presque illimitée, mais cela ne se traduit pas nécessairement par une énergie inépuisable.
Certaines technologies d’énergie de fusion nucléaire en cours de développement pourraient, théoriquement, produire plus de combustibles qu’elles n’en consomment. Par conséquent, elles pourraient être pratiquement illimitées. Mais cela ne signifie pas qu’elles fourniraient l’énergie dont la société a besoin. La plupart des chercheurs s’attendent à ce que la construction et l’exploitation des premières centrales de fusion nucléaire soient très coûteuses. La question de savoir si la société serait disposée à payer pour faire fonctionner des réacteurs de fusion dispendieux dépendra de la manière dont la fusion nucléaire s’intégrera aux autres systèmes d’énergie propre.
INCERTAIN – On ne sait toujours pas quand la fusion nucléaire commencera à alimenter le monde en énergie.
Adam Stein reste optimiste que la fusion nucléaire finira par fournir de l’énergie propre, au moins à certaines parties du monde. Cependant, il est peu probable que cette technologie soit prête à soutenir entièrement la transition vers l’abandon des combustibles à base de carbone. Ce retard pourrait la désavantager par rapport à d’autres produits adoptés très tôt et qui pourraient être déployés à plus grande échelle. Néanmoins, nous pourrions assister à une cascade d’avancées scientifiques et technologiques qui accélérerait rapidement les progrès de la fusion nucléaire. Il se peut aussi que nous devions attendre longtemps avant que la prochaine avancée n’émerge.
#3 Les start-ups sont prêtes à se lancer sur le marché avec la fusion
VRAI – Les start-ups se disent prêtes à construire des installations pilotes commerciales.
Plusieurs start-ups ont annoncé des calendriers très ambitieux. Helion, par exemple, a promis de commencer à produire de l’énergie à partir d’une centrale de fusion nucléaire d’ici 20281. Dans son rapport de 2023, la Fusion Industry Association a constaté que beaucoup pensent qu’une centrale de fusion nucléaire fournira de l’électricité au réseau avant 20352.
Les entreprises spécialisées dans la fusion nucléaire ont en effet réalisé des progrès itératifs et avancent assidûment vers le succès. Le NIF, qui a prouvé l’allumage de la fusion nucléaire, a fourni des données cruciales qui permettront d’orienter les programmes de recherche, en particulier ceux de fusion par allumage laser. Certaines entreprises ont également commencé à utiliser l’IA pour optimiser leur approche de la fusion nucléaire, et ont montré des résultats intéressants. Toutefois, progresser n’est pas la même chose que de disposer d’un produit fini.
FAUX – Aucune star-tup n’a prouvé qu’elle avait atteint le stade de développement nécessaire pour lancer la fusion nucléaire sur le marché à court terme.
Les start-ups doivent encore démontrer le gain énergétique net et le gain technique global de leurs systèmes. Elles doivent également apprendre à faire fonctionner leur réaction de fusion nucléaire à des échelles susceptibles de générer un profit. Et même si les entreprises de fusion nucléaire souhaitent fixer un calendrier pour la réalisation de ces étapes technologiques, il s’agit d’avancées scientifiques et technologiques qui ne peuvent pas être programmées.
INCERTAIN – Il y a aussi une affaire commerciale délicate à résoudre.
La fusion nucléaire reste un investissement à très haut risque, car la technologie n’a pas encore fait ses preuves. Ce n’est pas comme investir dans les cellules solaires il y a 15 ans, lorsqu’elles avaient déjà un rendement de 20 %. C’est plutôt comme investir dans les cellules solaires il y a 40 ans, lorsqu’elles avaient un rendement de 1 % et que leur déploiement était très limité.
Les entreprises en phase de démarrage devront construire des installations pilotes pour prouver leur concept. Il sera probablement difficile de réunir suffisamment de capitaux pour construire ces installations. Les stations de première génération seront probablement onéreuses et peu fiables, mais cela fait partie de l’innovation.
Cependant, en supposant que nous nous éloignons des combustibles fossiles, que la croissance démographique augmente considérablement et que la demande d’énergie des pays en développement continue de croître, il existe un vaste marché potentiel pour toutes les sources d’énergie propres à l’avenir.