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Energy Storage Facility. Rows of batteries under open sky.
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Énergies renouvelables : comment faire face aux besoins de stockage

Ddidier Dalmazzone
Didier Dalmazzone
professeur en chimie et procédés à l'ENSTA Paris (IP Paris)
En bref
  • Les énergies renouvelables présentent des défis en matière de stockage, notamment en raison de leur intermittence et de la décentralisation de leur production.
  • Malgré ces défis, leur multiplication offre des avantages, comme la stabilisation de la production face aux fluctuations météorologiques.
  • En France, bien que les possibilités d’augmenter le stockage de l’énergie via les STEP soient limitées, des alternatives telles que le stockage par batteries stationnaires se développent.
  • Il est essentiel de veiller à ce que les bénéfices environnementaux des énergies renouvelables ne soient pas annulés par les impacts négatifs des moyens de stockage nécessaires.
  • Pour limiter ces effets, des solutions émergent, comme la réutilisation des batteries usagées de véhicules électriques pour le stockage stationnaire d’électricité.

#1 Avec le déploiement massif des moyens de production d’énergies renouvelables, il est indispensable de stocker plus d’énergie

VRAI – Les énergies renouvelables posent de nouveaux défis : l’intermittence et la décentralisation.

Didi­er Dal­maz­zone. Les opéra­teurs de réseaux, et en par­ti­c­uli­er le trans­port haute ten­sion, font face à de nou­veaux défis avec le déploiement des moyens de pro­duc­tion d’électricité renou­ve­lable. Le pre­mier est la décen­tral­i­sa­tion : la pro­duc­tion élec­trique va pass­er de quelques moyens cen­tral­isés – les cen­trales nucléaires – à une mul­ti­tude de moyens de pro­duc­tion de petite capac­ité. Le deux­ième défi est l’intermittence des éner­gies renou­ve­lables [N.D.L.R : des éner­gies dont la disponi­bil­ité varie en fonc­tion des con­di­tions météo et des cycles naturels] : plus leur déploiement est impor­tant, plus le risque de déséquili­bre entre l’offre et la demande aug­mente. Ce risque est impor­tant car il peut entrain­er des vari­a­tions de fréquence dan­gereuses pour le réseau, qui peu­vent men­er jusqu’au black-out.

Ces deux défis imposent d’augmenter les moyens de réserve d’énergie, et il existe deux façons de le faire : favoris­er d’une part la flex­i­bil­ité et d’autre part le stock­age d’énergie. Le stock­age sta­tion­naire est donc indis­pens­able, il per­met d’avoir une réponse qua­si-instan­ta­née en cas de déséquili­bre entre l’offre et la demande. Il est voué à se déploy­er massivement.

FAUX – La multiplication des énergies renouvelables stabilise la production.

Le foi­son­nement des sources de pro­duc­tion d’électricité sta­bilise la pro­duc­tion en cas de fluc­tu­a­tions météorologiques par exem­ple. Cela vaut pour les éner­gies renou­ve­lables mais aus­si pour les autres modes de pro­duc­tion, notam­ment pour le nucléaire en France. 

Cet atout peut per­me­t­tre de s’affranchir d’une par­tie, voire de la total­ité du prob­lème de l’intermittence. Mais compter unique­ment sur le foi­son­nement pour se pré­mu­nir d’un déséquili­bre de l’offre et de la demande impose de sur­di­men­sion­ner le parc de pro­duc­tion : ce n’est pas une solu­tion économique­ment viable.

INCERTAIN – La flexibilité est une autre solution aux défis posés par le renouvelable.

La flex­i­bil­ité [N.D.L.R. : capac­ité d’un sys­tème énergé­tique à s’adapter aux vari­a­tions de la pro­duc­tion et de la con­som­ma­tion d’énergie] est une solu­tion com­plé­men­taire au stock­age. Elle repose sur le pilotage de la con­som­ma­tion des usagers les plus impor­tants pour prévenir un déséquili­bre offre/demande. Mais une incer­ti­tude per­siste : toutes les pro­jec­tions s’accordent sur une hausse de la con­som­ma­tion élec­trique, indis­pens­able pour répon­dre aux impérat­ifs de décar­bon­a­tion. Cette hausse néces­site d’augmenter les réserves de sécu­rité : à ce titre, le stock­age sta­tion­naire et la flex­i­bil­ité sont indispensables.

#2 Il n’existe pas de solution pour augmenter les capacités de stockage d’énergie

VRAI – Les capacités de stockage nécessaires ne pourront pas être atteintes à l’aide des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP).

À ce jour, les deux tiers des moyens mon­di­aux de stock­age sont four­nis par des STEP1 [N.D.L.R. : ce sys­tème de stock­age repose sur le principe de l’énergie grav­i­taire : l’eau con­tenue dans deux réserves d’eau à des alti­tudes dif­férentes est relâchée en cas de besoin pour ali­menter des tur­bines généra­tri­ces d’électricité ; elle est pom­pée et achem­inée vers le bassin supérieur lors des sur­plus de pro­duc­tion électrique].

En France, ce chiffre s’élève même à 95 %, et il n’existe que peu de pos­si­bil­ités d’augmenter nos capac­ités. RTE, le ges­tion­naire du réseau de trans­port d’électricité en France, estime que les besoins de réserves opéra­tionnelles s’élèveront entre 4 et 9 GW en 2050 (selon les scé­nar­ios de pro­duc­tion2), con­tre près de 3 GW aujourd’hui. Selon l’Agence inter­na­tionale de l’énergie (AIE), les capac­ités mon­di­ales de stock­age doivent être mul­ti­pliées par 6 entre 2023 et 20303.

FAUX – Il existe d’autres modes de stockage, notamment les batteries stationnaires, pour augmenter rapidement les capacités mondiales.

L’AIE estime que la crois­sance néces­saire – une mul­ti­pli­ca­tion par 6 d’ici 2030 – sera assurée à 90 % par les bat­ter­ies sta­tion­naires. C’est une solu­tion mature et en pleine crois­sance grâce à la baisse de son coût depuis une dizaine d’années. Les bat­ter­ies posent tout de même le défi de la rareté de cer­tains matéri­aux cri­tiques (cobalt, cuiv­re, nick­el, etc.).

INCERTAIN – D’autres technologies de stockage existent ou sont en cours de développement, certaines filières pourraient se développer.

D’autres moyens de stock­age exis­tent en effet. Le stock­age par air com­primé par exem­ple pour­rait se dévelop­per : il repose sur le stock­age d’air com­primé dans des cav­ités souter­raines. Cepen­dant, cette tech­nolo­gie souf­fre de prob­lèmes d’efficacité – une par­tie de l’énergie est per­due par dis­si­pa­tion ther­mique de l’air com­primé – et la fil­ière indus­trielle n’est pas mature. L’électricité peut aus­si être con­ver­tie en hydrogène, c’est le pow­er-to-gas. Mais ce mode de stock­age est con­tro­ver­sé, notam­ment car l’efficacité de con­ver­sion est faible (30 à 40 % dans le meilleur des cas). Enfin, l’électricité peut aus­si être stock­ée sous forme de chaleur. On peut utilis­er des flu­ides calo­por­teurs, des matéri­aux à change­ment de phase ou encore des réac­tions chim­iques. L’intérêt de ces tech­nolo­gies est qu’elles peu­vent per­me­t­tre de stock­er l’énergie à long terme, sur plusieurs saisons, con­traire­ment aux bat­ter­ies qui se déchar­gent rapi­de­ment. Dans cette lignée, un pro­jet de stock­age sous forme de sel hydraté va voir le jour sur le cam­pus de l’Institut Poly­tech­nique de Paris.

#3 Les retombées environnementales positives des énergies renouvelables sont contrebalancées par les moyens de stockage nécessaires

INCERTAIN – La production de moyens de stockage a un impact environnemental.

Bien sûr, la pro­duc­tion de tech­nolo­gies de stock­age a des retombées envi­ron­nemen­tales. Les STEP néces­si­tent la con­struc­tion de bar­rages : des quan­tités de béton con­sid­érables sont pro­duites, des val­lées entières sont noyées, impac­tant la bio­di­ver­sité et les pop­u­la­tions locales. Les bat­ter­ies con­ti­en­nent de nom­breux métaux dont l’on con­nait les retombées envi­ron­nemen­tales de l’extraction et du raf­fi­nage, et il n’existe pas encore de fil­ière de recy­clage des bat­ter­ies. Mais pour éval­uer si ces retombées con­tre­bal­an­cent les émis­sions de car­bone évitées grâce au rem­place­ment des éner­gies fos­siles par des éner­gies renou­ve­lables, il faudrait réalis­er des analy­ses de cycle de vie com­plètes. Les éner­gies éoli­ennes et pho­to­voltaïques ont des empreintes car­bones net­te­ment inférieures au char­bon, au pét­role ou même au gaz. Il est très improb­a­ble que le stock­age inverse ce bilan.

FAUX – L’utilisation des batteries usagées des véhicules électriques pour le stockage stationnaire est une solution évoquée.

Lorsque la bat­terie d’un véhicule élec­trique descend sous 80 % de sa capac­ité nom­i­nale, il est néces­saire de la rem­plac­er. Il est pos­si­ble de leur don­ner une sec­onde vie en les util­isant pour du stock­age sta­tion­naire d’électricité, un mode de fonc­tion­nement qui sol­licite moins la bat­terie. Cela amélior­erait le bilan envi­ron­nemen­tal du stock­age sta­tion­naire de l’électricité. Mais cette solu­tion reste con­tro­ver­sée en rai­son d’éventuels prob­lèmes de sécu­rité. Nous man­quons encore de retours d’expérience sur ces bat­ter­ies en fin de vie. 

Anaïs Marechal
1https://​www​.iea​.org/​r​e​p​o​r​t​s​/​b​a​t​t​e​r​i​e​s​-​a​n​d​-​s​e​c​u​r​e​-​e​n​e​r​g​y​-​t​r​a​n​s​i​t​i​o​n​s​/​e​x​e​c​u​t​i​v​e​-​s​u​mmary
2Rap­port futurs énergé­tiques
3https://​www​.iea​.org/​r​e​p​o​r​t​s​/​b​a​t​t​e​r​i​e​s​-​a​n​d​-​s​e​c​u​r​e​-​e​n​e​r​g​y​-​t​r​a​n​s​i​t​i​o​n​s​/​e​x​e​c​u​t​i​v​e​-​s​u​mmary

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