Bitcoin : une consommation électrique comparable à celle de la Pologne
- La flambée du prix du bitcoin en 2024 s’accompagne d’une forte hausse du coût environnemental des cryptomonnaies en général.
- L’importante consommation énergétique du bitcoin est due en grande partie à son système de minage (le processus qui permet d’émettre et de générer des bitcoins.)
- Ainsi, la consommation électrique annuelle dédiée au minage du bitcoin est comparable à celle de la Pologne.
- Des scientifiques estiment que l’empreinte hydrique du bitcoin entre janvier 2020 et décembre 2021 équivaut à celle de 660 000 piscines olympiques.
- Il est important d’encourager à davantage de transparence et de réglementation sur les cryptomonnaies, notamment en développant des alternatives économes en énergie.
En 2024, le prix du bitcoin a flambé, atteignant des niveaux records depuis sa création. Le bitcoin est la cryptomonnaie la plus répandue. Sa capitalisation boursière atteint plus de 1 300 milliards de dollars le 21 octobre 2024, contre 321 milliards de dollars pour Ethereum juste derrière. Un bitcoin vaut plus de 67 000 dollars (au 21 octobre 2024). Cette flambée a un coût environnemental, lui aussi en forte hausse. « Le bitcoin repose sur la technologie de blockchain : par définition, des ordinateurs réalisent des calculs identiques (environ 15 000 fois) dans le but d’assurer la sécurité du réseau, explique Jean-Paul Delahaye. Le protocole utilisé pour le bitcoin a un coût énergétique très élevé, c’est un gâchis environnemental. »
La forte empreinte carbone et hydrique du bitcoin
La consommation électrique annuelle dédiée au minage de bitcoin [N.D.L.R : le processus qui permet d’émettre et de générer des bitcoins] est comparable à celle de la Pologne. Elle atteint 155 TWh par an à 172 TWh par an (ou encore 162 TWh par an selon le Cambridge Centre for Alternative Finance) selon les estimations existantes. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime, quant à elle, que les cryptomonnaies auraient consommé 110 TWh d’électricité en 2022, soit 0,4 % de la demande mondiale annuelle1.
En conséquence, l’empreinte carbone du bitcoin est importante et certains scientifiques alertent sur l’urgence d’agir2. En 2021, le bilan environnemental du bitcoin s’est subitement alourdi. Alors que la majorité des mineurs sont basés en Chine (73 %), le pays décide d’interdire le minage de bitcoins sur son territoire3. L’activité est principalement délocalisée au Kazakhstan et aux États-Unis. Or l’empreinte carbone du minage est directement liée aux gaz à effet de serre rejetés lors de la production d’électricité, qui alimente les ordinateurs réalisant les calculs. Plus le mix électrique du pays est carboné, plus l’empreinte carbone du bitcoin est élevée. La part d’énergies renouvelables alimentant le minage de bitcoin est passée de 41,6 % à 25,1 % suite à la délocalisation massive en 2021. En 2022, le Cambridge Center for Alternative Finance estime la part des renouvelables à 37,6% si on inclut le nucléaire, 26,3% hors nucléaire 4. Résultat, les émissions de CO2 du minage de bitcoin sont estimées à 77, 85 voire 96 millions de tonnes de CO2 par an, selon les sources. En comparaison, les émissions de CO2 équivalent (tous gaz à effet de serre confondus) de la France s’élèvent à 385 millions de tonnes en 2023.
Mais les retombées environnementales du minage de bitcoin ne se limitent pas aux rejets de gaz à effet de serre. En 2024, un article publié dans la revue Cell Reports sustainability5 estime l’empreinte hydrique de la cryptomonnaie. L’auteur estime qu’elle s’élève à 1,5 milliard de litres d’eau en 2021. En cause ? L’usage d’eau pour les systèmes de refroidissement des serveurs utilisés pour le minage, et l’usage indirect pour la production d’électricité via le refroidissement des centrales thermoélectriques. D’autres auteurs aboutissent à des estimations différentes en s’appuyant sur l’empreinte environnementale de la production d’électricité dans les pays abritant les mineurs de bitcoin. Leurs estimations sont nettement supérieures, en raison notamment de la prise en compte de l’évaporation liée aux barrages hydroélectriques. Ils estiment l’empreinte hydrique du bitcoin à 1 650 milliards de litres entre janvier 2020 et décembre 2021 (l’équivalent de 660 000 piscines olympiques), soit environ 800 milliards de litres par an. « Je trouve le choix d’introduire l’évaporation des barrages hydroélectriques dans l’empreinte hydrique du minage de bitcoin délicat, nuance Jean-Paul Delahaye. Il est difficile de distinguer les différents usages de l’eau pour le bitcoin des autres usages. » Quant à l’empreinte foncière, ils l’évaluent pour la même période à 1 870 km2.
Réduire l’empreinte environnementale de la cryptomonnaie en améliorant sa transparence et sa réglementation
Difficile de calculer précisément les retombées environnementales du minage du bitcoin. Il n’existe pas de registre des machines utilisées pour le minage et de leur consommation énergétique exacte. « Nous avons tout de même une évaluation à minima, et elle suffit à comprendre que les consommations d’énergie sont excessives ! » assène Jean-Paul Delahaye. Les estimations reposent sur la puissance de calcul du réseau en « hash » – connue à quelques pourcents près – et sur la consommation minimum par les meilleures machines pour produire 1 hash, une vision optimiste du parc réellement en activité. « Il existe principalement deux méthodologies développées ces dernières années pour évaluer la consommation énergétique du réseau bitcoin, l’une basée sur des simulations économiques et l’autre sur les technologies, détaille Christian Stoll. Mais les résultats sont du même ordre de grandeur. » Et avec l’augmentation du cours du bitcoin, les prévisions sont assez pessimistes : même si la relation n’est pas uniforme, plus le prix du bitcoin est élevé – rappelons qu’il atteint des records en 2024, plus la consommation énergétique l’est aussi6.
La très forte consommation énergétique du bitcoin est liée à son fonctionnement, comme nous l’expliquait Jean-Paul Delahaye dans un précédent article : « L’émission et la circulation des bitcoins sont gérées par un réseau d’ordinateurs qui fonctionne de façon décentralisée. Chaque ordinateur du réseau détient une copie de la « blockchain », un fichier récapitulant l’ensemble des informations sur le contenu de tous les comptes bitcoins et de toutes les transactions effectuées sur le réseau. Pour encourager de nouveaux ordinateurs à participer à la gestion du réseau bitcoin, une récompense est distribuée toutes les 10 minutes à l’un d’eux lors d’un concours appelé preuve de travail. Nous connaissons ce processus sous le nom de ‘‘minage’’, et c’est justement lui qui implique une importante dépense d’électricité. » En 2021, environ 2,9 millions de dispositifs informatiques étaient dédiés au minage de bitcoins. « Depuis plus de 2 ans, l’Ethereum est passé d’un protocole en preuve de travail à un protocole de preuve d’enjeu : cela a divisé par au moins 100 la consommation énergétique du réseau », pointe Jean-Paul Delahaye. Améliorer la transparence et la réglementation, développer des cryptomonnaies alternatives économes en énergie et adopter des protocoles de validation de blockchain plus écologiques : les scientifiques appellent à activer plusieurs leviers pour réduire l’empreinte environnementale du bitcoin.