La finance est-elle plus rentable en étant durable ?
- La finance a toujours pris en compte les paramètres de « risques/rentabilité », mais ce prisme de lecture ne considérait que l’aspect financier.
- Dorénavant, la finance cherche à optimiser sa performance financière par sa responsabilité sociale : on parle alors de finance durable.
- Anticiper les différentes controverses qui pourraient découler de certaines activités permet de réduire les risques dans un portefeuille d’investissement.
- La finance durable donne une grande importance aux « externalités », qui désignent toutes les répercussions non financières que peut avoir un investissement.
- Aujourd’hui, la rentabilité et la pérennité d’une entreprise tient à sa capacité à intégrer le développement durable comme composante positive.
Le monde de la finance a toujours intégré, dans ses choix d’investissement, les paramètres de « risques/rentabilité ». Ces paramètres permettent d’évaluer les risques d’un investissement pour juger si sa rentabilité vaut le coup de les prendre. Si jusqu’à présent ce prisme de lecture ne prenait en compte que l’aspect financier, ce n’est plus le cas aujourd’hui.
« Aujourd’hui, dans ses choix d’investissements, la finance peut intégrer des paramètres dits ESG (Environmental, Social, Governance), explique Nicolas Mottis, professeur de management de l’innovation et de l’entrepreneuriat à l’École polytechnique (IP Paris). Dès lors, elle est considérée comme durable : elle cherche à optimiser à la fois la performance financière et la performance ESG. » Dans la finance durable, la responsabilité sociale des entreprises devient donc un critère d’investissement. « Un investisseur s’intéressera autant au profil financier d’une entreprise, qu’à son profil extra-financier [sa responsabilité sociale], ajoute Léa Dunand-Chatellet, Gérante et Directrice de l’Investissement Responsable à DNCA. Il intégrera donc cette notion-là dans son analyse, pour avoir une vue plus complète de l’acteur économique. »
Une réputation cotée en bourse
L’intérêt porté à la responsabilité sociale d’une entreprise ne se limite pas à la belle image que le public — et donc, par conséquent, l’investisseur — a d’elle. Depuis un certain temps, l’enjeu de la réputation d’une entreprise est devenu un enjeu financier. « Détenir des acteurs qui ont une mauvaise pratique faisant la une des journaux peut vous être reproché, admet Léa Dunand-Chatellet. Cet enjeu réputationnel n’avait pas réellement d’impact matériel, c’est-à-dire financier, auparavant. Alors que depuis deux ou trois ans, l’impact financier est devenu réel. »
Prendre en compte l’impact financier de la réputation d’une entreprise finit par pousser la finance qui suit les paramètres de « risques/rentabilité » vers le principe de la finance durable. « En anticipant correctement, par exemple, les risques environnementaux associés à certaines activités industrielles, et donc les différentes controverses qui pourraient en découler — du fait de pollution, d’accidents, etc. —, nous réduisons les risques dans un portefeuille d’investissement, constate Nicolas Mottis. Dans un modèle de finance classique [risques/rentabilité], en réduisant les risques, l’espérance de gains est augmentée. Ce qui fait converger cette vision avec celle de la finance durable. »
Les externalités d’un investissement
Dans le monde de la finance, le concept d’externalités peut être important : il désigne toutes les répercussions non financières que peut avoir un investissement. Elles peuvent être positives comme négatives. En ce sens, la finance durable pourrait se définir comme une prise en compte de ces externalités, dans l’optique de favoriser les conséquences positives et de réduire les conséquences négatives. « Les externalités, renchérit Léa Dunand-Chatellet, représentent notamment les empreintes que l’entreprise aura sur son environnement naturel : émissions de CO2 et de tout autre gaz à effet de serre, utilisation des sols, prélèvement d’eau… »
L’important est donc de faire en sorte que les entreprises se mettent à valoriser leurs externalités. Une des solutions a consisté à leur mettre un prix : « L’introduction du marché du carbone, par exemple, est une réponse à cela, développe-t-elle. En donnant un prix à cette externalité négative, elle a été prise en compte dans les modèles financiers et dans les investissements. » Concernant les externalités positives, l’ONU a effectué un travail de standardisation au travers des Objectifs du Développement Durable (ODD), pour identifier les trajectoires que les entreprises devraient suivre. Établis en 2015, il en existe 17 à horizon 2030. Les ODD sont divers et variés, allant de l’accès à la santé pour les personnes défavorisées aux infrastructures durables, en passant par la préservation de la biodiversité.
Un capitalisme plus vert
La société d’aujourd’hui fait face à un enjeu majeur avec les effets de plus en plus alarmants du changement climatique. Des objectifs clairs sont ainsi petit à petit mis en place pour parvenir à la transition énergétique. « En nous engageant dans la finance durable, nous pouvons être positionnés sur des classes d’actifs, des types d’investissement, qui vont représenter des facteurs de croissance assez importants pour l’avenir, conçoit Nicolas Mottis. Les énergies renouvelables en sont l’exemple classique, car nous savons que c’est un secteur économique qui devra se développer de manière considérable. » Ainsi, un acteur économique qui décide d’investir sur le renouvelable pourra en tirer une très forte rentabilité.
Cette vision-là montre que le capitalisme ne change pas réellement avec la finance durable. « Le seul changement véritable est que, aujourd’hui, la rentabilité d’une entreprise, sa pérennité et sa capacité à croître — c’est-à-dire à gagner des parts de marché, mais aussi à adresser de nouveaux marchés — tient à sa capacité à intégrer le développement durable comme composante positive. », atteste Léa Dunand-Chatellet.