La prévision du temps est aujourd’hui une pratique courante : pour ce faire, les météorologues utilisent des modèles de simulation de l’atmosphère. Météo-France renforce régulièrement ses capacités de calcul intensif, la qualité des modèles de prévision numérique du temps et l’exploitation des données d’observation permettant de les initialiser.
Les recherches menées au CNRM, en collaboration avec de nombreux partenaires nationaux et internationaux, portent sur la compréhension de l’environnement atmosphérique et ses interactions avec les surfaces continentales et océaniques. Le CNRM développe et utilise des outils d’observation pour améliorer la compréhension des processus, déployés notamment sur des sites d’observation. Il œuvre également pour le développement de modèles permettant de faire des simulations numériques de l’évolution de l’atmosphère et de ses interfaces à l’échelle de quelques heures, quelques jours, voire d’une durée beaucoup plus longue. Ces modèles fonctionnent à des échelles spatiales multiples, de l’ordre de quelques dizaines de mètres à des centaines de kilomètres, voire à l’échelle de la planète.
Arome et Arpège
Ces modèles météorologiques sont utilisés pour prévoir le temps, mais aussi étudier l’évolution du climat au moyen de projections climatiques. Il existe un certain nombre d’outils de modélisation, comme les modèles Arpège et Arome par exemple. Arpège est utilisé pour simuler l’atmosphère à l’échelle de la planète entière (il couvre l’Europe avec une maille de l’ordre de 5 km de taille horizontale et le reste du globe avec des mailles variant de 5 à 24 km). Arome couvre quant à lui un domaine limité à la France métropolitaine et aux pays voisins avec une résolution horizontale de 1,3 km, et est également déployé sur des régions d’outremer.
Arome a été conçu pour fonctionner sur une partie du monde seulement, qui peut être centrée sur certains territoires outremer et d’autres lieux d’intérêt. Ce modèle permet d’améliorer la prévision à courte échéance de phénomènes dangereux tels que les fortes pluies méditerranées (« épisodes méditerranéens »), les orages violents, le brouillard ou les îlots de chaleur urbaines en période de canicule. Il permet de réaliser des simulations avec une résolution très fine, en « découpant » l’atmosphère en petits cubes (« mailles ») pour résoudre les équations qui régissent les processus physiques dans l’atmosphère et aux interfaces.
L’émergence de l’intelligence artificielle
Les résultats bruts de ces simulations doivent être traités pour produire des prévisions dans un cadre opérationnel. Dans ce contexte, le CNRM utilise de plus en plus des méthodes statistiques avancées, y compris d’intelligence artificielle (IA), pour combiner les prévisions passées avec ce qui a été observé, afin d’ajuster les résultats des modèles afin qu’ils soient aussi pertinents que possibles par rapport aux observations.
L’IA est un outil méthodologique qui émerge depuis plusieurs années. Elle peut permettre d’accélérer l’exécution d’un modèle météorologique et ainsi réduire son coût de calcul. Par exemple, un des aspects les plus coûteux dans l’exécution des modèles est la résolution des équations complexes qui régissent le transfert radiatif à travers l’atmosphère, à travers les nuages, et les interactions des rayons lumineux avec la surface de la terre ou de l’océan. Des travaux de recherche pourraient permettre à l’avenir d’accélérer l’exécution du modèle en substituant certaines résolutions explicites des équations physiques par des résultats obtenus grâce à l’apprentissage automatique. Certains travaux vont jusqu’à suggérer le remplacement pur et simple des modèles de prévision résolvant les équations physiques, par une émulation des systèmes de prévision par apprentissage profond.
Autre application de l’IA : le post-traitement des résultats de modélisation, des prévisions météorologiques. Ce processus permet de corriger certaines erreurs systématiques en sortie des modèles afin de rendre la prévision plus conforme aux observations dans des circonstances analogues. Il permet aussi de détecter les structures correspondant à des phénomènes à enjeux, ce qui est d’autant plus difficile que les prévisions s’effectuent de plus en plus dans le cadre de prévisions d’ensemble, permettant de mieux prendre en compte les incertitudes des prévisions. Parmi les travaux en cours au CNRM, signalons par exemple des travaux visant à améliorer la détection dans les résultats de simulations numériques d’orages particulièrement violents, qui sont des phénomènes extrêmement importants à détecter mais difficiles à prévoir (voir référence Mounier et al., 2022).
Plus d’innovation, plus de connaissances
Pour produire des prévisions météo de plus en plus riches, une des approches retenues consiste à réduire l’échelle spatiale sur laquelle elles fonctionnent, ce qui permet de représenter des processus physiques que l’on sait résoudre à plus petite échelle. Comme mentionné précédemment, le système de prévision Arome, par exemple, opère actuellement à une résolution horizontale de 1,3 km. Une résolution plus élevée permettrait de représenter des processus à plus petite échelle encore, par exemple ceux qui conduisent à des orages à fort impact très localisés. Toutefois, un modèle à haute résolution ne garantit pas que l’on puisse identifier exactement l’emplacement des phénomènes orageux les plus intenses. Les orages sont des phénomènes épars, et non des événements étendus sur de grandes parties du territoire, comme le sont les canicules, et sont donc plus difficiles à prévoir du point de vue de leur occurrence, localisation et intensité. Les observations jouent un rôle fondamental pour initialiser les systèmes de prévision météorologique, avec des méthodes que l’on appelle « l’assimilation de données ».
Des travaux sont en cours afin d’exploiter des observations plus innovantes telles que les données dites d’« opportunité », collectées par des outils participatifs, notamment les stations météo connectées individuelles, par exemple. Ces données sont collectées par l’entreprise qui commercialise ces instruments et permettent d’enrichir nos informations sur l’état de l’atmosphère, même si la qualité intrinsèque n’est pas au même niveau que celle du réseau conventionnel d’observations de Météo-France et de ses homologues internationaux.
Il y a également des évolutions dans les observations obtenues à partir d’avions et de navires, ainsi que de ballons, équipés de sondes, qui sont envoyés plusieurs fois par jour dans l’atmosphère. Et puis, il y a aussi de nombreuses observations effectuées par des satellites, soit géostationnaires, soit défilants, qui donnent une vision sur de très grandes échelles spatiales. Les premiers fournissent une vue permanente de la face de la Terre qui nous concerne avec des capteurs infrarouges, par exemple. Les deuxièmes font le tour de la Terre plusieurs fois par jour et apportent des observations le long de leur trajectoires avec des observations plus détaillées. Les avancées scientifiques et technologiques permettent ainsi de distinguer depuis l’espace des objets météorologiques de plus en plus petits, ce qui est crucial pour caractériser l’état de l’atmosphère et améliorer la prévision de son évolution.
Propos recueillis par Isabelle Dumé
Pour aller plus loin :
- Mounier, A., et al., Detection of Bow Echoes in Kilometer-Scale Forecasts Using a Convolutional Neural Network, Artificial Intelligence for the Earth Systems, 1(2), e210010. https://journals.ametsoc.org/view/journals/aies/1/2/AIES-D-21–0010.1.xml, 2022.
- Rapport Recherche 2021 de Météo-France qui fait référence à plusieurs travaux récents au CNRM sur les modèles de prévision météorologique : http://www.umr-cnrm.fr/IMG/pdf/r_r_2021-fr_web.pdf