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Météorologie : comment l’IA et les satellites font la pluie et le beau temps

L’IA, un nouvel allié pour les météorologues

Samuel Morin, directeur du Centre national de recherches météorologiques (CNRM)
Le 5 avril 2023 |
5 min. de lecture
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Samuel Morin
directeur du Centre national de recherches météorologiques (CNRM)
En bref
  • Pour assurer la prévision météorologique, on utilise des modèles de simulation de l’atmosphère de différentes échelles.
  • Arome et Arpège sont les deux modèles météorologiques de Météo-France, utilisés pour simuler respectivement l’atmosphère de la France métropolitaine et de domaines géographiques outremer, et de la planète entière.
  • Afin de traiter les résultats des simulations, le CNRM utilise de plus en plus l’intelligence artificielle (IA).
  • La réduction de l’échelle spatiale permet d’affiner les prévisions, car elle permet de représenter des phénomènes dont on sait résoudre l’évolution à plus petite échelle.
  • Les avancées scientifiques et technologiques permettent de distinguer des objets météorologiques de plus en plus petits : c’est crucial pour améliorer la prévision de l’atmosphère et son évolution.

La prévi­sion du temps est aujour­d’hui une pra­tique courante : pour ce faire, les météoro­logues utilisent des mod­èles de sim­u­la­tion de l’at­mo­sphère. Météo-France ren­force régulière­ment ses capac­ités de cal­cul inten­sif, la qual­ité des mod­èles de prévi­sion numérique du temps et l’exploitation des don­nées d’observation per­me­t­tant de les initialiser.

Les recherch­es menées au CNRM, en col­lab­o­ra­tion avec de nom­breux parte­naires nationaux et inter­na­tionaux, por­tent sur la com­préhen­sion de l’environnement atmo­sphérique et ses inter­ac­tions avec les sur­faces con­ti­nen­tales et océaniques. Le CNRM développe et utilise des out­ils d’observation pour amélior­er la com­préhen­sion des proces­sus, déployés notam­ment sur des sites d’observation. Il œuvre égale­ment pour le développe­ment de mod­èles per­me­t­tant de faire des sim­u­la­tions numériques de l’évolution de l’atmosphère et de ses inter­faces à l’échelle de quelques heures, quelques jours, voire d’une durée beau­coup plus longue. Ces mod­èles fonc­tion­nent à des échelles spa­tiales mul­ti­ples, de l’ordre de quelques dizaines de mètres à des cen­taines de kilo­mètres, voire à l’échelle de la planète.

Arome et Arpège

Ces mod­èles météorologiques sont util­isés pour prévoir le temps, mais aus­si étudi­er l’évolution du cli­mat au moyen de pro­jec­tions cli­ma­tiques. Il existe un cer­tain nom­bre d’outils de mod­éli­sa­tion, comme les mod­èles Arpège et Arome par exem­ple. Arpège est util­isé pour simuler l’atmosphère à l’échelle de la planète entière (il cou­vre l’Eu­rope avec une maille de l’ordre de 5 km de taille hor­i­zon­tale et le reste du globe avec des mailles vari­ant de 5 à 24 km). Arome cou­vre quant à lui un domaine lim­ité à la France mét­ro­pol­i­taine et aux pays voisins avec une réso­lu­tion hor­i­zon­tale de 1,3 km, et est égale­ment déployé sur des régions d’outremer.

Arome a été conçu pour fonc­tion­ner sur une par­tie du monde seule­ment, qui peut être cen­trée sur cer­tains ter­ri­toires out­remer et d’autres lieux d’intérêt. Ce mod­èle per­met d’améliorer la prévi­sion à courte échéance de phénomènes dan­gereux tels que les fortes pluies méditer­ranées (« épisodes méditer­ranéens »), les orages vio­lents, le brouil­lard ou les îlots de chaleur urbaines en péri­ode de canicule. Il per­met de réalis­er des sim­u­la­tions avec une réso­lu­tion très fine, en « découpant » l’atmosphère en petits cubes (« mailles ») pour résoudre les équa­tions qui régis­sent les proces­sus physiques dans l’atmosphère et aux interfaces. 

L’émergence de l’intelligence artificielle

Les résul­tats bruts de ces sim­u­la­tions doivent être traités pour pro­duire des prévi­sions dans un cadre opéra­tionnel. Dans ce con­texte, le CNRM utilise de plus en plus des méth­odes sta­tis­tiques avancées, y com­pris d’intelligence arti­fi­cielle (IA), pour com­bin­er les prévi­sions passées avec ce qui a été observé, afin d’ajuster les résul­tats des mod­èles afin qu’ils soient aus­si per­ti­nents que pos­si­bles par rap­port aux observations.

L’IA est un out­il méthodologique qui émerge depuis plusieurs années. Elle peut per­me­t­tre d’accélérer l’exécution d’un mod­èle météorologique et ain­si réduire son coût de cal­cul. Par exem­ple, un des aspects les plus coû­teux dans l’exécution des mod­èles est la réso­lu­tion des équa­tions com­plex­es qui régis­sent le trans­fert radi­atif à tra­vers l’atmosphère, à tra­vers les nuages, et les inter­ac­tions des rayons lumineux avec la sur­face de la terre ou de l’océan. Des travaux de recherche pour­raient per­me­t­tre à l’avenir d’accélérer l’exécution du mod­èle en sub­sti­tu­ant cer­taines réso­lu­tions explicites des équa­tions physiques par des résul­tats obtenus grâce à l’apprentissage automa­tique. Cer­tains travaux vont jusqu’à sug­gér­er le rem­place­ment pur et sim­ple des mod­èles de prévi­sion résolvant les équa­tions physiques, par une ému­la­tion des sys­tèmes de prévi­sion par appren­tis­sage profond. 

Autre appli­ca­tion de l’IA : le post-traite­ment des résul­tats de mod­éli­sa­tion, des prévi­sions météorologiques. Ce proces­sus per­met de cor­riger cer­taines erreurs sys­té­ma­tiques en sor­tie des mod­èles afin de ren­dre la prévi­sion plus con­forme aux obser­va­tions dans des cir­con­stances ana­logues. Il per­met aus­si de détecter les struc­tures cor­re­spon­dant à des phénomènes à enjeux, ce qui est d’autant plus dif­fi­cile que les prévi­sions s’effectuent de plus en plus dans le cadre de prévi­sions d’ensemble, per­me­t­tant de mieux pren­dre en compte les incer­ti­tudes des prévi­sions. Par­mi les travaux en cours au CNRM, sig­nalons par exem­ple des travaux visant à amélior­er la détec­tion dans les résul­tats de sim­u­la­tions numériques d’orages par­ti­c­ulière­ment vio­lents, qui sont des phénomènes extrême­ment impor­tants à détecter mais dif­fi­ciles à prévoir (voir référence Mounier et al., 2022). 

Plus d’innovation, plus de connaissances

Pour pro­duire des prévi­sions météo de plus en plus rich­es, une des approches retenues con­siste à réduire l’échelle spa­tiale sur laque­lle elles fonc­tion­nent, ce qui per­met de représen­ter des proces­sus physiques que l’on sait résoudre à plus petite échelle. Comme men­tion­né précédem­ment, le sys­tème de prévi­sion Arome, par exem­ple, opère actuelle­ment à une réso­lu­tion hor­i­zon­tale de 1,3 km. Une réso­lu­tion plus élevée per­me­t­trait de représen­ter des proces­sus à plus petite échelle encore, par exem­ple ceux qui con­duisent à des orages à fort impact très local­isés. Toute­fois, un mod­èle à haute réso­lu­tion ne garan­tit pas que l’on puisse iden­ti­fi­er exacte­ment l’emplacement des phénomènes orageux les plus intens­es. Les orages sont des phénomènes épars, et non des événe­ments éten­dus sur de grandes par­ties du ter­ri­toire, comme le sont les canicules, et sont donc plus dif­fi­ciles à prévoir du point de vue de leur occur­rence, local­i­sa­tion et inten­sité. Les obser­va­tions jouent un rôle fon­da­men­tal pour ini­tialis­er les sys­tèmes de prévi­sion météorologique, avec des méth­odes que l’on appelle « l’assimilation de données ».

Des travaux sont en cours afin d’exploiter des obser­va­tions plus inno­vantes telles que les don­nées dites d’« oppor­tu­nité », col­lec­tées par des out­ils par­tic­i­pat­ifs, notam­ment les sta­tions météo con­nec­tées indi­vidu­elles, par exem­ple. Ces don­nées sont col­lec­tées par l’entreprise qui com­mer­cialise ces instru­ments et per­me­t­tent d’enrichir nos infor­ma­tions sur l’état de l’atmosphère, même si la qual­ité intrin­sèque n’est pas au même niveau que celle du réseau con­ven­tion­nel d’observations de Météo-France et de ses homo­logues internationaux.

Il y a égale­ment des évo­lu­tions dans les obser­va­tions obtenues à par­tir d’avions et de navires, ain­si que de bal­lons, équipés de son­des, qui sont envoyés plusieurs fois par jour dans l’atmosphère. Et puis, il y a aus­si de nom­breuses obser­va­tions effec­tuées par des satel­lites, soit géo­sta­tion­naires, soit défi­lants, qui don­nent une vision sur de très grandes échelles spa­tiales. Les pre­miers four­nissent une vue per­ma­nente de la face de la Terre qui nous con­cerne avec des cap­teurs infrarouges, par exem­ple. Les deux­ièmes font le tour de la Terre plusieurs fois par jour et appor­tent des obser­va­tions le long de leur tra­jec­toires avec des obser­va­tions plus détail­lées. Les avancées sci­en­tifiques et tech­nologiques per­me­t­tent ain­si de dis­tinguer depuis l’e­space des objets météorologiques de plus en plus petits, ce qui est cru­cial pour car­ac­téris­er l’é­tat de l’at­mo­sphère et amélior­er la prévi­sion de son évolution.

Propos recueillis par Isabelle Dumé

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