Cybersécurité : l’enjeu de la protection des données publiques
- La cybersécurité est aujourd’hui un enjeu majeur du numérique face aux nouvelles menaces variées : cybercriminels, États ennemis ou groupes activistes.
- Les cybermenaces se diversifient, visent les infrastructures critiques et sont renforcées par de nouvelles technologies (intelligence artificielle, blockchain…).
- Les institutions publiques sont des cibles importantes car elles concentrent des données sensibles comme des informations personnelles, financières ou stratégiques.
- Les institutions publiques doivent mettre en place une stratégie qui protège les systèmes d'information contre les menaces tout en garantissant la continuité des services et en respectant les droits et libertés des citoyens.
- La France, la Pologne et l’Italie ont mis en place des stratégies pour faire face aux cybermenaces, avec des objectifs communs mais des plans d’action distincts.
L’apparition des ordinateurs individuels et l’émergence d’Internet à partir des années 1980 a initié une démarche de transformation des organisations publiques et privées. Les premières décennies ont vu apparaître les premiers sites web et la création de traitements de données simples, puis ceux-ci se sont raffinés pour mettre en place des services interactifs avec des échanges de données1, avant d’arriver aujourd’hui à l’utilisation de l’intelligence artificielle. Désormais, le numérique se situe au cœur des démarches envers les usagers, ce qui contribue à optimiser le coût du service rendu, à en améliorer la réactivité et à offrir une expérience personnalisée2.
La transformation des services a amené les organisations à ne plus simplement moderniser les procédures mais à les repenser pour les rendre plus accessibles à l’utilisateur final et mieux adaptées au système d’information. Cette intégration en profondeur a permis d’optimiser l’efficience des services, qui intègrent dès leur conception la notion de persistance des données, les droits d’accès, les possibilités de réutilisation, etc. Le numérique n’est donc plus une fonction support des organisations mais un domaine au cœur de leur fonctionnement. Aucune organisation n’est aujourd’hui en mesure de se passer d’applications de gestion transverse des congés, de la paye, des dépenses ; aucun service métier n’est en capacité de se passer des applications qui lui permettent d’exercer son activité, aussi diverse qu’elle soit (logistique, budget, ingénierie, etc.).
L’émergence de nouvelles menaces cybernétiques
L’adoption massive du numérique et son imbrication au cœur des systèmes d’information a constitué un terreau fertile pour l’émergence de nouvelles menaces cybernétiques. Les menaces sont multiples et perpétrées par des adversaires variés : cybercriminels, États ennemis ou groupes activistes. La majorité d’entre eux disposent désormais d’outils de plus en plus sophistiqués pour mener des attaques de grande envergure.
Par ailleurs, les cybermenaces se sont diversifiées et sophistiquées au fil des ans, mettant à mal la sécurité des systèmes d’information. Des attaques par déni de service (DDoS) visant à saturer les systèmes, aux rançongiciels paralysant les activités en échange d’une rançon, en passant par le piratage de données sensibles et les attaques d’ingénierie sociale manipulant les utilisateurs, les arsenaux des cybercriminels ne cessent de s’étoffer. Les infrastructures critiques, telles que les réseaux énergétiques et les systèmes de transport, sont particulièrement visées. L’émergence de technologies avancées comme l’intelligence artificielle et la blockchain a encore renforcé la puissance de ces attaques, permettant aux cybercriminels de concevoir des outils de plus en plus sophistiqués et de mener des opérations à grande échelle. Face à cette menace grandissante, les organisations doivent mettre en œuvre des mesures de sécurité robustes et adaptées pour protéger leurs données et leurs systèmes. Ces menaces sont particulièrement avérées pour les services publics.
Les enjeux de la cybersécurité pour les institutions publiques
Les institutions publiques constituent effectivement des cibles d’intérêt pour les cybercriminels. En effet, elles concentrent d’importantes quantités de données sensibles, telles que des informations personnelles, financières et stratégiques. L’obtention frauduleuse de ces informations constitue une source de profit pour les attaquants, qui peuvent les utiliser pour les revendre ou les exploiter à des fins politiques ou idéologiques. De plus, les services fournis par les institutions publiques les exposent particulièrement : une attaque réussie peut entraîner des perturbations majeures (en termes de finances ou de sécurité par exemple), avec des conséquences sociales et économiques importantes. L’impossibilité de lever l’impôt ou la divulgation de secrets détenus par l’armée constituent par exemple des menaces critiques.
Les conséquences d’une cyberattaque contre une institution publique peuvent être dévastatrices. Au-delà des pertes financières directes liées aux coûts de remise en fonctionnement du système d’information ou à la perte de recettes fiscales ou sociales, une telle attaque peut discréditer sur le long terme une institution. En effet, lorsque les citoyens sont informés que leurs données ont été dérobées par des cybercriminels, ils seront beaucoup moins enclins à utiliser les services numériques de l’État, ce qui peut nuire à la stratégie de transformation numérique. Par ailleurs, les cyberattaques peuvent perturber le fonctionnement de services essentiels, au-delà de la sphère étatique régalienne, tels que les transports, l’énergie ou la santé, avec des conséquences potentiellement dramatiques pour la population.
Dès lors, mettre en place une stratégie de cybersécurité efficace et volontariste est un enjeu majeur pour les institutions publiques3. Par une stratégie nationale claire et opérationnelle, il s’agit de protéger les systèmes d’information contre les menaces tout en garantissant la continuité des services et en respectant les droits et libertés des citoyens. Cet équilibre est délicat à trouver, car les mesures de sécurité peuvent parfois entraver la fluidité des échanges et l’accès aux services numériques. Il est donc essentiel de mettre en place des solutions de sécurité qui soient à la fois efficaces et discrètes, c’est-à-dire qui ne pénalisent pas l’expérience utilisateur. Par ailleurs, la cybersécurité doit être considérée comme un levier pour favoriser l’innovation et renforcer la confiance dans l’économie numérique.
France, Pologne et Italie : trois pays, trois approches
L’étude des approches de cybersécurité est un thème classique de la recherche et a notamment été traité par Gaie, Karpiuk et Spaziani4. Dans un article, les auteurs étudient et comparent les mesures prises par trois pays européens.
Ainsi, la France s’est engagée tôt dans la cybersécurité, avec une première architecture nationale mise en place en 2013. L’accent a été mis sur la protection des infrastructures critiques, la prévention des cybercrimes et la sensibilisation du public. La création de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) en 2009 a renforcé la coordination des efforts nationaux. La stratégie française est caractérisée par une approche globale, intégrant des aspects techniques, juridiques et de coopération internationale.
La Pologne a adopté une loi sur le système national de cybersécurité en 2018, définissant un cadre juridique clair et précisant les responsabilités des différents acteurs. L’accent est mis sur la protection des services essentiels et la résilience des systèmes d’information. Le CERT polonais joue un rôle central dans la surveillance des menaces et la réponse aux incidents. La stratégie polonaise est marquée par une approche pragmatique, axée sur la mise en œuvre concrète de mesures de sécurité.
L’Italie a rejoint plus tardivement la course à la cybersécurité, avec une première architecture nationale mise en place en 2013. L’Agence nationale pour la cybersécurité (ACN), créée en 2021, a renforcé la coordination des efforts nationaux. La stratégie italienne met l’accent sur la protection des infrastructures critiques, la coopération internationale et le développement de compétences en matière de cybersécurité.
Ainsi, les trois pays ont mis en place des stratégies de cybersécurité pour faire face aux menaces numériques, en partageant des objectifs communs tels que la protection des infrastructures critiques, la prévention et la réponse aux incidents, ainsi que la sensibilisation du public. Toutefois, des différences notables les distinguent. La France, pionnière en la matière, a développé une architecture institutionnelle solide et une stratégie globale, tandis que la Pologne a opté pour une approche plus pragmatique, axée sur un cadre juridique précis. L’Italie, quant à elle, a rejoint plus récemment ce mouvement, en mettant en place une agence nationale dédiée à la cybersécurité. Si les priorités générales convergent, des nuances apparaissent dans l’organisation des structures nationales et dans l’accent mis sur certains aspects spécifiques, reflétant les contextes nationaux et les enjeux propres à chaque pays.
Que faire par la suite ?
La cybersécurité est désormais une priorité stratégique pour les États européens. Alors que le numérique est désormais pleinement intégré dans notre quotidien personnel et professionnel, les cybermenaces se diversifient et se sophistiquent, mettant à mal les systèmes d’information des organisations, publiques comme privées. Face à cette menace grandissante, les États ont mis en place des stratégies nationales pour protéger leurs infrastructures critiques et garantir la continuité de leurs services.
Les approches mises en place par différents pays convergent vers un objectif commun : la protection des citoyens, des entreprises et des États contre les cyberattaques. L’évolution rapide du paysage de la cybersécurité nécessitera une adaptation constante de ces stratégies et une coopération renforcée entre les États membres de l’Union européenne, c’est tout le sens de la directive européenne NIS25.