directeur de recherche CNRS en biologie au BIOC* à l’Ecole polytechnique (IP Paris)
Chantal Pichon
professeure des Universités Classe exceptionnelle 2 à l'Université d'Orléans
En bref
L’utilisation des ARN messager (ARNm) était un sujet d’actualité scientifique bien avant l’arrivée du Covid-19. La pandémie n’a fait que confirmer le potentiel de cette molécule, qui est le fruit de 20 ans de recherches académiques.
L’ARNm tire notamment son intérêt médical par sa fragilité. Se dégradant naturellement entre quelques dizaines de minutes et deux jours après injection, les risques d’effets secondaires indésirables sont considérablement réduits sur le long terme.
Au moment de l’injection, l’ARNm stimule le système immunitaire du patient. Ainsi il lui permet de simuler une réaction face à un marqueur pathogène, pour qu’il puisse ensuite le mémoriser, pour le reconnaître.
Aujourd’hui, les possibilités d’utilisation de cette molécule ne se limitent pas au Covid-19. La littérature regorge d’études précliniques testant des vaccins à ARNm contre la grippe, le chikungunya, Zika, Ebola ou le VIH.
directrice du consortium européen RAIDS au sein de l’Institut Curie
En bref
Les tumeurs malignes utilisent une stratégie de déploiement en créant une sorte de bouclier qui modifie les acteurs de la réponse immunitaire et donc affaiblit la réponse anti-tumorale.
Les propriétés immunostimulatrices des ARN messager (ARNm) permettent de rééduquer le système immunitaire à reconnaître un ou plusieurs marqueurs de cellules cancéreuses. C’est pourquoi on parle de vaccin anti-cancer.
Du point de vue médical, ces thérapies sur-mesure sont intéressantes, mais les prototypes risquent d’être très coûteux et seront réservés aux patients soignés dans des centres experts en immunothérapie, tant leur mise en œuvre est technique.
Les tumeurs avancées peuvent former des métastases, malgré l’administration d’un ou plusieurs traitements. Si les molécules ARNm poursuivent avec succès leur développement, elles viendront compléter l’arsenal thérapeutique actuel, se combiner à d’autres thérapies ciblées et ainsi réduire davantage la mortalité de ces pathologies.
directeur du programme gouvernemental français Grand Défi Bioproduction
En bref
Les molécules d’ARN ont un potentiel inestimable pour la médecine de demain. Mais leur bioproduction demande des étapes techniques qui la poussent au carrefour d’enjeux technologiques et de politiques industrielles.
Pour une production d’ARN de qualité pharmaceutique, les étapes doivent être certifiées comme Bonne Pratique de Laboratoire (GMP). La production d’ADN matrice certifiée est limitée aux États-Unis, s’en procurer implique ainsi une contrainte temporelle de plusieurs mois.
Aujourd’hui, de nombreuses innovations techniques nous permettent de limiter toutes ces contraintes de production, par ailleurs beaucoup de recherches continuent à aller dans ce sens.
Le marché pharmaceutique mondial représente plus de 1 300 milliards de dollars. En y intégrant les nouvelles biotechnologies, il pourrait atteindre les 4 800 milliards de dollars. Une somme insoutenable pour nos systèmes de santé, la question financière est donc essentielle à l’avenir des biothérapies.
Auteurs
Agnès Vernet
journaliste scientifique
Après une formation initiale en biologie moléculaire, Agnès Vernet s’est formée au journalisme scientifique à l’ESJ-Lille. Depuis 14 ans, elle écrit dans différents supports, magazines scientifiques, titres professionnels et médias généralistes, en France et en Suisse. Depuis le 1er février 2021, elle a été élue présidente de l’Association des journalistes scientifiques de la presse d’information (AJSPI).