La culture de la vigne est menacée par les effets du changement climatique, et les moyens à disposition des vignerons pour les compenser sont divers. Il peut s’agir d’adapter les techniques culturales, en modifiant par exemple la densité de plantation ou en mettant en place des systèmes d’irrigation, voire de déplacer les vignes afin de conserver des conditions climatiques comparables. Mais la génétique constitue également une voie prometteuse qui a l’avantage de proposer une solution ne nécessitant pas de déplacer les vignes – rappelons que la notion de terroir est importante dans le secteur du vin.
Connaître les vignes
Quels sont les caractères à rechercher sur les vignes les plus tolérantes aux effets du changement climatique ? On peut citer la tolérance à une faible disponibilité en eau, à une hausse de la température ou le maintien de la production d’acide tartrique (un composé qui assure l’acidité du raisin et participe aux qualités gustatives du vin).
Pour l’essentiel, il ne s’agit pas de produire une molécule particulière ou d’utiliser un gène bien caractérisé, comme pour une résistance à une maladie. Les caractères d’adaptation au changement climatique sont souvent complexes, quantitatifs, codés par plusieurs gènes qui interagissent entre eux.
De plus, et sachant que les vignes sont en quelque sorte des plantes doubles, composées à la fois d’un greffon et d’un porte-greffe, on comprend la complexité du problème. Le greffon forme la partie aérienne de la plante et son patrimoine génétique s’exprime à travers les fruits et les feuilles. Le porte-greffe, lui, constitue la partie souterraine et ses gènes régissent le système racinaire. La résistance au stress hydrique implique ainsi à la fois les racines et les feuilles, chacune dépendant d’un génome différent.
Choisir les caractéristiques
Pour identifier un couple greffon/porte-greffe adapté au changement climatique, il ne suffit donc pas de séquencer leurs deux génomes et de sélectionner les paires portant les gènes les plus intéressants. L’état actuel des connaissances ne permet pas de prédire le comportement d’un couple donné en se basant uniquement sur la séquence de quelques gènes cibles.
En revanche, il est possible d’utiliser la génétique pour mettre en lumière des relations entre le patrimoine génétique d’une variété et ses caractéristiques. Pour cela, nous analysons des effectifs élevés de cépages afin de repérer les profils prometteurs. Notre but est d’identifier les marqueurs moléculaires sur l’ADN correspondant à des caractéristiques qui nous intéressent. Nous pouvons alors utiliser ces marqueurs pour sélectionner des variétés sans avoir à comprendre toute la complexité du mécanisme moléculaire. Ensuite, les généticiens s’assurent du maintien des caractéristiques souhaitables en étudiant les descendants des croisements.
La création d’une variété par sélection de génotypes est un processus long. Dix à quinze ans de travail peuvent être nécessaires, en incluant des délais réglementaires incompressibles pour l’évaluation d’un nouveau cépage. La plupart des vignobles français sont engagés dans de telles démarches, si ce n’est pour préparer leur adaptation aux changements climatiques, au moins pour cultiver des vignes plus résistantes aux maladies telles que le mildiou ou l’oïdium.
Créer de nouvelles variétés
Cette démarche utilise la génétique pour trier les vignes les mieux adaptées aux manifestations des changements climatiques. En théorie, il est également possible de créer ces variétés par génie génétique. En pratique, la complexité des systèmes biologiques que nous ciblons rend cela difficile à faire. Nous sommes loin de planter des vignes OGM.
D’autres obstacles techniques s’opposent également à cette application de la biotechnologie. Des outils de transformation des génomes, tels que le CRISPR-Cas9, sont plus difficiles à utiliser sur des génomes végétaux que sur des organismes animaux. De plus, il nous manque encore des éléments pour faire pousser les vignes seulement à partir d’un amas de cellules.
De telles pratiques semblent aussi poser des problèmes d’acceptabilité pour le consommateur. Outre le fait que la modification des génomes n’est pas une pratique autorisée pour les produits vendus en Europe – ce qui réduit considérablement les débouchés commerciaux –, le vin est un objet de consommation qui est peu compatible avec des débats potentiellement polémiques. Comme tous les produits de luxe, sa fabrication ne doit soulever aucune question.