Depuis quelques années, l’impression 3D est devenue une technologie importante pour la médecine, notamment dans des domaines comme celui des prothèses et des implants dentaires ou osseux, mais également pour la substitution de membres amputés ou la reconstruction de la peau des personnes victimes de brûlures.
Plus récemment, bien d’autres disciplines médicales, comme les secteurs cardio-vasculaire, urologique et neurochirurgical, ont aussi commencé à s’intéresser à la fabrication additive. Alors que les recherches en bio-impression d’organes et tissus cherchent des pistes pour pallier le manque de donneurs d’organes, le secteur pharmaceutique s’en empare également pour concevoir des médicaments aux formes et aux propriétés particulières.
L’impression personnalisée de dispositifs médicaux
Le grand atout de l’impression 3D est sa capacité de personnalisation : les implants dentaires, les prothèses de hanches, côtes, sternum, genoux, mais aussi les appareils auditifs ou les semelles orthopédiques, deviennent ainsi des objets uniques, spécifiques à chaque patient.
L’ingénieur Bernardo Innocenti, professeur en biomécanique à l’École polytechnique de l’Université Libre de Bruxelles et président de la société belge CAOS (Computer Assisted Orthopaedic Surgery) travaille en collaboration avec les chirurgiens orthopédiques, et en particulier avec les spécialistes de la chirurgie du genou.
Il explique que l’utilisation de la fabrication additive en chirurgie est un travail interdisciplinaire, nécessitant un dialogue continu entre chirurgiens, chercheurs et ingénieurs. L’interaction entre ces figures professionnelles est selon lui la clé du succès d’un produit biomédical et de la guérison du patient après une opération. « L’impression 3D ne sert pas seulement à la fabrication des implants à installer, mais donne surtout au chirurgien le maximum d’informations possibles concernant l’organe sur lequel il faut intervenir, avant même l’opération » précise-t-il.
Préparer les opérations
En effet, en phase préopératoire, l’impression d’une réplique tridimensionnelle de la partie concernée peut aider à collecter des données capitales, parfois impossibles à obtenir sans cette technologie. Le chirurgien peut ainsi tenir dans sa main l’os ou l’articulation, en se rendant précisément compte de la forme, de l’encombrement, des caractéristiques tactiles, de l’étendue du dommage.
« Aujourd’hui, en utilisant différentes couleurs et matériaux d’impression, nous pouvons vraiment simuler l’os et définir les zones de haute ou basse densité osseuse, pour décider où poser les vis et les plaques » s’enthousiasme Bernardo Innocenti.
L’impression 3D permet non seulement de concevoir des prothèses sur mesure, mais également de fabriquer des instruments chirurgicaux personnalisés, pour garantir une insertion sur mesure pour chaque patient, tenant compte de la position de ses muscles et ses tendons. Des guides chirurgicaux, par exemple, aident le chirurgien à définir les lignes de coupe et les points de trépanation.
En phase post-opératoire
La fabrication additive pourrait également être utile en phase post-opératoire, pour surveiller la croissance de l’os et l’intégration prothèse/os, mais il existe pour l’instant des méthodes moins coûteuses et très efficaces.
Bernardo Innocenti tient à souligner que l’utilisation de la fabrication additive en chirurgie présente d’énormes avantages si toutes les étapes sont exécutées avec une extrême précision, mais également si l’on dispose des moyens et surtout du temps nécessaire. En effet, l’interaction médecin/ingénieur, la conception, la modélisation imposent des délais supplémentaires, alors que les durées de fabrication et d’installation en phase opératoire sont comparables aux autres techniques.
« Si l’impression 3D en chirurgie mettra quelques années à se démocratiser et à être acceptée par les praticiens, nous voyons d’ores et déjà une importante diffusion dans l’enseignement », assure Bernardo Innocenti. « Dans le cas des pathologies rares, l’impression 3D pourra même aider à la constitution d’une base de données pour la formation des jeunes chirurgiens ».Récemment, il a même commencé à travailler dans le champ de la cardiologie, un autre secteur où l’utilisation de la fabrication additive est en croissance. Comme dans le cas du secteur orthopédique, l’intérêt ne réside pas seulement dans la fabrication de prothèses (valves et stents) mais aussi dans le degré de précision qu’elle permet en phase opératoire. « Plus qu’améliorer les instruments et les médicaments, la fabrication additive améliore la thérapie dans sa globalité », conclut Bernardo Innocenti.