adjoint scientifique et économiste-prospectiviste à IFP Énergies nouvelles et directeur de recherche à l’IRIS
Émilie Normand
ingénieure économiste, chargée de recherche à IFP Énergies nouvelles
Candice Roche
chargée de recherche en géopolitique des métaux et de la transition écologique à l'IFPEN
En bref
Alors que les métaux sont au cœur des préoccupations des États, les gisements de minerais présents dans la mer attisent la convoitise.
Les États côtiers ont des droits sur les ressources situées dans leurs zones économiques exclusives ; au-delà, la mer est une zone commune où le statut de l’exploitation minière reste à définir.
Pourtant c’est une zone riche en ressources, particulièrement en amas sulfurés, en encroûtements cobaltifères et en nodules polymétalliques.
L'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) négocie un cadre réglementaire pour l'exploitation des ressources sous-marines.
Ces négociations font émerger une nouvelle sphère géopolitique qui remet en cause les alliances traditionnelles étatiques et questionne leur place alors que les entreprises exercent une influence croissante.
Les grands fonds marins commencent, scientifiquement parlant, autour des 2 000 m de profondeur et représentent près de 56% des océans. Mais la définition géopolitique est au-delà de 200 mètres de profondeur.
On connaît mieux la surface de la Lune que le fond de nos océans. La meilleure carte bathymétrique mondiale existante a une résolution d’environ 500 mètres, contre 1,5 mètre sur la Lune.
Les grands fonds marins sont attractifs en raison des ressources que ceux-ci possèdent. Cependant, le cadre de l’exploitation minières de ces fonds marins est flou et une réglementation doit être instaurée avant toute exploitation.
La France s’est récemment dotée d’une stratégie militaire de maîtrise des fonds marins, pour notamment protéger les nombreux câbles de communication sous- marins qui les jonchent mais aussi les ressources et la biodiversité.
Les fonds marins recèlent des ressources géologiques très intéressantes contenues dans trois strates : les nodules polymétalliques, les encroûtements et les amas sulfurés.
Cette préoccupation pour l’exploitation minière marine est née dès 2001 avec les premiers contrats d’exploration, puis avec l’augmentation des prix des métaux.
Les estimations autour de la valeur géologique des fonds marins sont incertaines mais la zone de Clarion-Clipperton pourrait contenir jusqu’à 340 millions de tonnes de nickel et 275 millions de tonnes de cuivre.
De nombreuses zones d’ombres demeurent cependant. Comme l’empreinte écologique d’une telle exploitation, qui reste inconnue et qui pourrait être dramatique.
chercheur au Laboratoire environnement profond de l’Ifremer
En bref
Les plaines abyssales se situent à quelque 5 000 kilomètres de la surface, sont des milieux extrêmes où la lumière ne pénètre pas et sont donc difficilement explorables.
Cependant, les nouvelles technologies permettent d'aller plus loin. Ainsi, la France dispose depuis 2020 de l’un des quatre AUV dans le monde capable de plonger jusqu’à 6 000 mètres de profondeur.
Des observatoires fonds de mer existent aussi afin de fournir un maximum d’informations aux chercheurs. Il en existe des autonomes et des câblés.
L’objectif est aujourd’hui d’en apprendre plus sur la faune et la flore sous-marines. Dans les prélèvements effectués dans les plaines abyssales, 90% des espèces relevées sont inconnues.
Dans un contexte de crise du climat et de la biodiversité, l’observation des océans est aujourd'hui d'une importance capitale.
Les systèmes autonomes ont révolutionné l’observation du milieu marin par leur faible coût et l’utilisation de capteurs scientifiques miniaturisés jusqu'à des profondeurs de bientôt 6 000 mètres.
Des projets de recherche développent de systèmes autonomes performants (GROOM II) ou cherchent à intégrer des données marines à des modèles de prévision climatique (AMRIT).
Un jumeau numérique de la Terre peut être rendu possible grâce à des initiatives, en cartographiant les courants océaniques à haute résolution depuis l’espace.
Le projet de la Commission européenne, « Ocean Observation – Sharing Responsibility », s’il est adopté, pourrait obliger les États membres de l'UE à réaliser une observation opérationnelle de l’Océan et notamment de sa capacité d’absorption du carbone.
Auteurs
Anaïs Marechal
journaliste scientifique
Anaïs Marechal est docteure en géosciences. Elle s’est d’abord intéressée aux séismes, qu’elle étudie au sein de laboratoires de recherche et sur le terrain pendant plusieurs années. En 2017, elle décide de se former au journalisme scientifique au sein de l’ESJ Lille. Elle travaille depuis en tant que journaliste indépendante pour différents titres de presse écrite généraliste, spécialisée et professionnelle où elle y traite du climat, de la santé ou encore des nouvelles technologies.