Les cellules solaires (ou photovoltaïques) captent l’énergie du soleil et la convertissent en énergie électrique. Jusqu’en 2008, la capacité de production était d’environ 10 gigawatts (GW) au niveau mondial, mais elle est désormais supérieure à 600 GW – ce qui serait suffisant pour alimenter un pays grand comme le Brésil. De plus, la puissance générée par les cellules solaires aurait augmenté de 22 % en 2019 pour atteindre 720 TWh (terawatt hours), ce qui signifie que cette technologie représente désormais près de 3 % de la production mondiale d’électricité1.
Ces chiffres ne cesseront d’accroître grâce à la transition énergétique et parce que la demande augmente à l’échelle mondiale. C’est à nous, acteurs de la recherche, de la R&D et de la technologie, de répondre à cette demande, notamment avec de nouvelles architectures, de matériaux photovoltaïques efficaces et de nouveaux procédés de fabrication.
Une croissance rapide
Une croissance aussi rapide est d’autant plus étonnante parce qu’elle s’est produite sans véritable changement fondamental de la technologie photovoltaïque (PV) elle-même. En effet, les cellules solaires d’aujourd’hui restent similaires à celle démontrée aux Laboratoires Bell, aux États-Unis, en 1954. Cette cellule comprenait une simple jonction entre du silicium de ‘type n’ (riche en électrons) et de ‘type p’ (pauvre en électrons) et convertissait la lumière du soleil en électricité avec un rendement de 5 %.
Au fil des ans, ce chiffre a progressivement augmenté pour atteindre plus de 25 % de nos jours, grâce à des cellules plus avancées contenant du silicium hautement dopé, des contacts électriques perfectionnés et de couches antireflets. Les dispositifs à base de silicium sont désormais moins chers aussi : le prix moyen des modules est d’environ 0,21 $/Wp et le LCOE (levelized cost of energy) de 2,8–6,8 cents/kWh (AC). Selon le Rapport ITRPV 20202, ces chiffres vont aller en s’améliorant, avec un LCOE attendu en 2031 de 2–5 cents/kWh. Ces avancées impressionnantes, et le fait que les cellules puissent fonctionner pendant plus de 25 ans, sont les raisons pour lesquelles cette technologie représente ~95 % du marché solaire mondial à présent. Les nouveaux matériaux peuvent faire davantage croître cette part.
À la recherche des matériaux alternatifs
Afin de permettre des usages alternatifs du PV tels que le BI-PV (Building-Integrated PV) ou répondre à la demande en capacité de production grandissante, le silicium (Si) seul ne suffit plus. Pourtant, la technologie Si est si performante et si peu coûteuse que sa marge de progrès devient limitée. Une stratégie pour la dépasser : développer des cellules PV à rendement de conversion de puissance encore plus élevé, c’est-à-dire celles qui convertissent une fraction plus grande de la lumière solaire en électricité.
Pour ce faire, nous sommes à la recherche des matériaux alternatifs. Des films minces basés sur des composés tels que le tellurure de cadmium (CdTe) et le séléniure de cuivre, d’indium et de gallium (CIGS), par exemple, sont déjà disponibles dans le commerce. Ces matériaux n’ont pas besoin d’être très épais – quelques microns suffisent pour qu’ils absorbent suffisamment de lumière. Ils n’ont pas besoin non plus d’être de haute qualité (contrairement au Si traditionnel). Les panneaux fabriqués à partir de ces matériaux peuvent même être flexibles.
Un problème se pose toutefois : ces matériaux PV reposent sur l’indium et le tellure, qui sont des éléments rares et donc chers.
Les pérovskites et les cellules solaires tandem
Dans leur quête de matériaux absorbants plus accessibles, les chercheurs se sont tournés, ces dernières années, vers les pérovskites, de matériaux cristallins prometteurs pour les cellules solaires en couches minces capables d’absorber la lumière sur une large gamme de longueurs d’onde du spectre solaire. Leur rendement est désormais supérieur à 18 %, ce qui les amène à un pied d’égalité avec des matériaux de cellules solaires bien établis, même si leur stabilité doit être améliorée.
Une autre option: les dispositifs ‘tandem’, les cellules solaires contenant deux matériaux semi-conducteurs photoactifs différents, mais complémentaires. Ces cellules peuvent atteindre des rendements plus élevés lorsque ces matériaux sont utilisés conjointement, par rapport à l’un ou l’autre seul (efficacité maximale de conversion théorique passe de 33 à 45%). Combiner du Si avec une pérovskite3, par exemple, peut tirer le meilleur parti des différentes longueurs d’onde de la lumière du soleil: le silicium convertit efficacement les photons dans la gamme infrarouge et les pérovskites les photons d’énergie plus élevée.
On peut aller encore plus loin et empiler plusieurs matériaux semi-conducteurs photoactifs en choisissant soigneusement la combinaison qui permet de capter au mieux le rayonnement solaire. Ces dispositifs à matériaux multiples sont appelés ‘cellules à jonctions multiples’4 et sont principalement basés sur les matériaux dits III‑V (type GaAs).
Il n’est cependant pas aisé de fabriquer de tels dispositifs. Une cellule solaire, quel que soit son architecture, est composée de différentes couches de matériaux. Chacune a un rôle crucial à jouer : outre le matériau photoactif qui absorbe la lumière, il faut des couches qui collectent les électrons, des couches transparentes aux photons, des revêtements contre l’humidité,… Pour fabriquer une cellule solaire efficace, chaque couche doit remplir un cahier des charges strict et être assemblé avec une extrême précision.
Dépôt par couche atomique
C’est dans ce processus que réside notre expertise. Nous synthétisons des couches minces de matériaux pour les cellules photovoltaïques en utilisant une technique largement employée dans l’industrie de la microélectronique appelée ALD (Atomic Layer Deposition, ou dépôt par couche atomique)5. Ici, la surface d’un substrat est exposée successivement à un composé, appelé précurseur, qui réagit avec le substrat, s’y fixe et forme une monocouche atomique. La croissance se poursuit en exposant cette couche à une molécule complémentaire pour construire la structure entière monocouche par monocouche. Cette technique nous permet de réaliser de couches de seulement 2 à 100 nanomètres d’épaisseur.
Cependant, toutes les molécules ne conviennent pas à l’ALD. Dans notre laboratoire, nous essayons de comprendre quelles molécules sont les mieux adaptées et celles qui ne le sont pas, comment elles se comportent à la surface d’un substrat et quelles propriétés physiques et électroniques elles apportent au matériau final.
Bien que nous ayons de nombreux choix en ce qui concerne les différents matériaux photovoltaïques disponibles et en cours de développement, il est difficile de prédire lesquels gagneront la course. Il se peut que plusieurs technologies complémentaires similaires coexistent, les différents matériaux trouvant des applications différentes. Le silicium, combiné à un second matériau photoactif, pourrait demeurer le matériau de prédilection pour les panneaux rigides, et les films minces pour les bâtiments ou les objets. Quoi que l’avenir nous réserve, nous sommes à l’aube d’une véritable ‘révolution matérielle’ pour la technologie des cellules solaires.