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Les bioplastiques sont-ils si fantastiques ?

Les bioplastiques sont-ils toxiques ?

James Bowers, Rédacteur en chef de Polytechnique Insights
Le 2 février 2021 |
3 min. de lecture
Lisa Zimmermann
Lisa Zimmermann
doctorante en biologie à la Goethe University
En bref
  • En 2019, la biologiste Lisa Zimmermann a publié une étude démontrant que 67% des biens de consommation fabriqués en matières plastiques à base de pétrole contiennent des substances chimiques présentant un certain degré de toxicité.
  • Sa nouvelle étude révèle que 67% des 43 produits en bioplastique d’origine végétale qu’elle a analysés renferment des substances chimiques attestant d’une « toxicité de base ».
  • La chercheuse en déduit que la toxicité des bioplastiques et des matières végétales équivaut à celle des matières plastiques ordinaires à base de pétrole.

En par­courant les rayons des super­marchés, le con­som­ma­teur peut facile­ment, en obser­vant deux embal­lages très sim­i­laires, sup­pos­er qu’ils sont fab­riqués à par­tir des mêmes matéri­aux. Pour­tant, bien qu’ils se ressem­blent, la com­po­si­tion de deux arti­cles en bio­plas­tiques peut être très différente.

Lisa Zim­mer­mann, de l’université Goethe de Franc­fort, étudie la tox­i­c­ité des arti­cles en plas­tique du quo­ti­di­en. Cette chercheuse du groupe Plas­tX de l’Institute for Social-Eco­log­i­cal Research (l’ISOE) est con­va­in­cue que les bio­plas­tiques « présen­tent de véri­ta­bles avan­tages. Les plas­tiques d’origine végé­tale sont pro­duits à par­tir de ressources renou­ve­lables, tan­dis que d’autres peu­vent être biodégrad­ables, même si cette biodégrad­abil­ité n’est pas for­cé­ment la solu­tion idéale ». Elle souligne cepen­dant que, même s’ils s’avèrent en général plus respectueux de l’environnement, ce n’est pas tou­jours le cas et que leur degré de tox­i­c­ité n’est pas néces­saire­ment moins élevé.

L’an dernier, elle a pub­lié une étude qui démon­tre que 67% de 30 biens de con­som­ma­tion fab­riqués à l’aide de plas­tique issu de pro­duits pétroliers con­ti­en­nent des sub­stances chim­iques attes­tant d’un cer­tain degré de tox­i­c­ité 1. Elle a par ailleurs analysé qua­tre pro­duits fab­riqués à par­tir du deux­ième bio­plas­tique le plus util­isé, l’acide poly­lac­tique (PLA), dont un pot de yaourt et un bac à légumes. Tous les qua­tre présen­taient égale­ment, selon les ter­mes des auteurs, une « forte tox­i­c­ité de base », ce qui sig­ni­fie qu’on y déce­lait des sub­stances chim­iques sus­cep­ti­bles de per­turber l’activité des bac­téries dans une boîte in vit­ro.

Dans une nou­velle étude, pub­liée par Envi­ron­ment Inter­na­tion­al, Lisa Zim­mer­mann et ses col­lab­o­ra­teurs ont analysé pas moins de 43 biens de con­som­ma­tion fab­riqués à par­tir de plusieurs types de matéri­aux biologiques et biodégrad­ables, à savoir le PLA, le poly­hy­drox­yal­canoate (PHA), le poly­butylène suc­ci­nate (PBS), le polyéthylène biologique (Bio-PE), le polyéthylène téréph­ta­late (Bio-PET), l’amidon et la cel­lu­lose 2. Les résul­tats font appa­raître qu’une pro­por­tion iden­tique à celle des plas­tiques analysés dans la précé­dente étude induit une tox­i­c­ité in vit­ro, ce qui mon­tre que tous ces bio­plas­tiques sont sus­cep­ti­bles de con­tenir des sub­stances chim­iques sem­blables à celles que l’on trou­ve dans les plas­tiques ordinaires.

« Nous souhaitions pass­er en revue toute une série de pro­duits afin de déter­min­er s’ils con­ti­en­nent des sub­stances chim­iques poten­tielle­ment nocives. Il est toute­fois impos­si­ble pour le moment de savoir quels sont les effets de ces pro­duits sur la san­té des con­som­ma­teurs », estime-t-elle. Il est en revanche établi que cer­taines sub­stances chim­iques util­isées dans les proces­sus de fab­ri­ca­tion des matières plas­tiques sont sus­cep­ti­bles d’entraîner des per­tur­ba­tions endocrini­ennes et d’augmenter les risques de can­cer, entre autres prob­lèmes de santé.

Pour mieux appréhen­der la ques­tion de la tox­i­c­ité, il fau­dra men­er des études sur les den­rées ali­men­taires et l’eau de con­som­ma­tion, de façon à observ­er dans des con­di­tions con­crètes com­ment les sub­stances chim­iques s’échappent des matières plas­tiques. « Ce que notre étude mon­tre, en revanche, c’est que chaque arti­cle en plas­tique que l’on trou­ve en ray­on présente une com­po­si­tion chim­ique et une tox­i­c­ité spé­ci­fique. Il va sans dire que cer­tains pro­duits sont plus sûrs que d’autres par leur conception. »

Les fab­ri­cants de plas­tiques adoptent des procédés spé­ci­fiques pro­tégés par la pro­priété intel­lectuelle, ce qui sig­ni­fie qu’il n’est pas évi­dent de con­naître les com­po­si­tions exactes de ces matières. Lisa Zim­mer­mann plaide en faveur d’une plus grande trans­parence. « Si la com­po­si­tion des matières plas­tiques était plus claire, il serait plus facile de garan­tir des pro­duits plus sûrs. Cer­tains de ceux que nous avons analysés con­te­naient plus d’un mil­li­er de sub­stances chim­iques, dont la plu­part sont incon­nues, et il est évidem­ment impos­si­ble d’évaluer la tox­i­c­ité de ce dont on ignore l’existence. »

Elle souligne égale­ment que, dans le cadre des procé­dures en vigueur con­cer­nant les risques que présen­tent les matières en con­tact avec les pro­duits ali­men­taires, seule la tox­i­c­ité de ces matières pre­mières est éval­uée. « De fait, les inter­ac­tions entre deux ou plusieurs de ces sub­stances chim­iques ne sont pas pris­es en compte. Les asso­ci­a­tions présentes dans le pro­duit fini ne sont pas analysées. Or une sub­stance qui peut ne pas être nocive en soi peut l’être en asso­ci­a­tion avec d’autres. »

De plus, les effets tox­i­cologiques ne sont générale­ment pas pris en compte dans le cadre des exa­m­ens du cycle de vie des pro­duits per­me­t­tant de déter­min­er leur empreinte car­bone. À l’heure actuelle, les avan­tages envi­ron­nemen­taux pri­ment sur l’absence de tox­i­c­ité chim­ique. Lisa Zim­mer­mann plaide en faveur d’une meilleure préven­tion des risques dans le cadre de la mise au point de sub­sti­tuts au plas­tique, de façon à veiller à ce que ces derniers con­stituent un véri­ta­ble progrès.

1https://​pubs​.acs​.org/​d​o​i​/​1​0​.​1​0​2​1​/​a​c​s​.​e​s​t​.​9​b​02293
2https://​pubmed​.ncbi​.nlm​.nih​.gov/​3​2​9​5​1901/

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