En parcourant les rayons des supermarchés, le consommateur peut facilement, en observant deux emballages très similaires, supposer qu’ils sont fabriqués à partir des mêmes matériaux. Pourtant, bien qu’ils se ressemblent, la composition de deux articles en bioplastiques peut être très différente.
Lisa Zimmermann, de l’université Goethe de Francfort, étudie la toxicité des articles en plastique du quotidien. Cette chercheuse du groupe PlastX de l’Institute for Social-Ecological Research (l’ISOE) est convaincue que les bioplastiques « présentent de véritables avantages. Les plastiques d’origine végétale sont produits à partir de ressources renouvelables, tandis que d’autres peuvent être biodégradables, même si cette biodégradabilité n’est pas forcément la solution idéale ». Elle souligne cependant que, même s’ils s’avèrent en général plus respectueux de l’environnement, ce n’est pas toujours le cas et que leur degré de toxicité n’est pas nécessairement moins élevé.
L’an dernier, elle a publié une étude qui démontre que 67% de 30 biens de consommation fabriqués à l’aide de plastique issu de produits pétroliers contiennent des substances chimiques attestant d’un certain degré de toxicité 1. Elle a par ailleurs analysé quatre produits fabriqués à partir du deuxième bioplastique le plus utilisé, l’acide polylactique (PLA), dont un pot de yaourt et un bac à légumes. Tous les quatre présentaient également, selon les termes des auteurs, une « forte toxicité de base », ce qui signifie qu’on y décelait des substances chimiques susceptibles de perturber l’activité des bactéries dans une boîte in vitro.
Dans une nouvelle étude, publiée par Environment International, Lisa Zimmermann et ses collaborateurs ont analysé pas moins de 43 biens de consommation fabriqués à partir de plusieurs types de matériaux biologiques et biodégradables, à savoir le PLA, le polyhydroxyalcanoate (PHA), le polybutylène succinate (PBS), le polyéthylène biologique (Bio-PE), le polyéthylène téréphtalate (Bio-PET), l’amidon et la cellulose 2. Les résultats font apparaître qu’une proportion identique à celle des plastiques analysés dans la précédente étude induit une toxicité in vitro, ce qui montre que tous ces bioplastiques sont susceptibles de contenir des substances chimiques semblables à celles que l’on trouve dans les plastiques ordinaires.
« Nous souhaitions passer en revue toute une série de produits afin de déterminer s’ils contiennent des substances chimiques potentiellement nocives. Il est toutefois impossible pour le moment de savoir quels sont les effets de ces produits sur la santé des consommateurs », estime-t-elle. Il est en revanche établi que certaines substances chimiques utilisées dans les processus de fabrication des matières plastiques sont susceptibles d’entraîner des perturbations endocriniennes et d’augmenter les risques de cancer, entre autres problèmes de santé.
Pour mieux appréhender la question de la toxicité, il faudra mener des études sur les denrées alimentaires et l’eau de consommation, de façon à observer dans des conditions concrètes comment les substances chimiques s’échappent des matières plastiques. « Ce que notre étude montre, en revanche, c’est que chaque article en plastique que l’on trouve en rayon présente une composition chimique et une toxicité spécifique. Il va sans dire que certains produits sont plus sûrs que d’autres par leur conception. »
Les fabricants de plastiques adoptent des procédés spécifiques protégés par la propriété intellectuelle, ce qui signifie qu’il n’est pas évident de connaître les compositions exactes de ces matières. Lisa Zimmermann plaide en faveur d’une plus grande transparence. « Si la composition des matières plastiques était plus claire, il serait plus facile de garantir des produits plus sûrs. Certains de ceux que nous avons analysés contenaient plus d’un millier de substances chimiques, dont la plupart sont inconnues, et il est évidemment impossible d’évaluer la toxicité de ce dont on ignore l’existence. »
Elle souligne également que, dans le cadre des procédures en vigueur concernant les risques que présentent les matières en contact avec les produits alimentaires, seule la toxicité de ces matières premières est évaluée. « De fait, les interactions entre deux ou plusieurs de ces substances chimiques ne sont pas prises en compte. Les associations présentes dans le produit fini ne sont pas analysées. Or une substance qui peut ne pas être nocive en soi peut l’être en association avec d’autres. »
De plus, les effets toxicologiques ne sont généralement pas pris en compte dans le cadre des examens du cycle de vie des produits permettant de déterminer leur empreinte carbone. À l’heure actuelle, les avantages environnementaux priment sur l’absence de toxicité chimique. Lisa Zimmermann plaide en faveur d’une meilleure prévention des risques dans le cadre de la mise au point de substituts au plastique, de façon à veiller à ce que ces derniers constituent un véritable progrès.