L’agriculture intensive utilise toujours plus de plastiques, ce qui lui permet d’améliorer sa performance environnementale en consommant moins d’eau ou en protégeant la production. Mais que faire de ces plastiques après usage ? L’essor des films biodégradables s’inscrit dans une réponse qui a évolué récemment.
L’agriculture mondiale utilise chaque année 6,12 millions de tonnes de plastiques. Ce n’est qu’une fraction de la production totale. L’agriculture française, par exemple, consomme environ 105 000 tonnes de plastiques par an, soit moins 2% de la consommation nationale ; un chiffre représentatif des pays développés.
Mais ces 2% méritent une attention particulière.
Par leur impact d’abord : utilisés principalement pour la protection des cultures (serres, filets protecteur contre la grêle, films protecteurs du sol pour les cultures maraichères, bâches pour le conditionnement des fourrages), ils permettent de limiter la consommation d’eau, d’utiliser moins de pesticides. La production intensive va ici de pair avec une réduction de l’empreinte environnementale.
Par leur devenir ensuite. En Europe et aux États-Unis des filières de recyclage ont été mises en place. Mais historiquement les plastiques usagés étaient principalement expédiés en Chine : l’arrêt brutal des importations chinoises en 2018 pose un problème de débouchés à court et moyen terme 1. Et pour les films utilisés en plein champ, souvent souillés et alourdis ce qui renchérit le coût du traitement, le recyclage n’est pas la meilleure option ; en outre, des fragments demeurent dans les champs. Enfin, dans de nombreux pays le recyclage n’est pas pratiqué.
C’est dans ce contexte qu’ont été développés des films dégradables, qui sont laissés sur place. Les procédés sont-ils vraiment favorables à l’environnement ? Depuis dix ans, des débats ont lieu sur ce sujet, en Europe et aux États-Unis 2.
Oxodégradable ou biodégradable ?
La filière historique, représentée par des acteurs comme le Britannique Symphony Environmental ou le Brésilien Tekplast, est centrée sur les plastiques « oxo-dégradables ».
Il s’agit de polyéthylène auquel est ajouté un agent pro-dégradant (sel organométallique de fer, manganèse ou cobalt) qui, sous l’effet du rayonnement UV, de la chaleur et de l’oxygène de l’air, va casser et oxyder les longues chaînes de polyéthylène pour les transformer en plus petites molécules ; un processus qui dure de deux à 24 mois. Les fabricants font valoir que 90 % de ces micro-déchets sont ensuite assimilés par les microorganismes présents dans le sol. Les défenseurs de l’environnement, mais aussi le lobby européen des fabricants de bioplastiques, European Bioplastics, mettent en avant 3 les 10% restant et la pollution constituée par les microplastiques résiduels, qui résistent même à la « digestion » par des composts industriels ; la Commission européenne s’est rangée à leurs arguments en 2018 4.
L’interdiction programmée (2021) des films agricoles oxo-dégradables dans l’UE favorise les films biodégradables, filière émergente dont le fer de lance est l’Italien Novamont.
La biodégradation n’est pas une simple fragmentation sous l’effet de processus chimiques, mais une digestion par des microorganismes. Différents dans leur composition, les plastiques agricoles biodégradables sont des produits de haute technologie : pas moins de 50 brevets protègent le produit-phare de Novamont, le MaterBi.
Avec une production mondiale annuelle de 161 000 tonnes, soit cinq fois moins que leurs équivalents dans les emballages alimentaires, les plastiques agricoles biodégradables représentent aujourd’hui une niche dans une niche 5. Mais l’essor de cette industrie émergente est assuré par l’effet ciseau des problèmes de la filière recyclage et de l’élévation du niveau des normes dans l’UE. C’est aujourd’hui une spécialité européenne, soutenu dans le cadre du consortium européen Agrobiofilm 6. Le sujet est suivi de près par la Chine qui est le premier producteur mondial en volume et dont le leader Pujing Chemical Industry CO accompagne les travaux des industriels européens.