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Les bioplastiques sont-ils si fantastiques ?

Bioplastiques dans les champs : les films agricoles

Richard Robert, journaliste et auteur
Le 17 novembre 2020 |
3 min. de lecture
En bref
  • Chaque année, l’agriculture mondiale utilise 6,12 millions de tonnes de plastiques, dont les films agricoles.
  • Depuis quelques années, les agriculteurs se sont convertis aux plastiques oxo-dégradables qui subissent rayons UV, chaleur et oxygène.
  • Pour ces films, 90% des métabolites sont absorbés par les micro-organismes, mais en raison des 10% restantes, ils seront interdits à partir de 2021 en Europe, en faveur des films biodégradable.

L’agriculture inten­sive utilise tou­jours plus de plas­tiques, ce qui lui per­met d’améliorer sa per­for­mance envi­ron­nemen­tale en con­som­mant moins d’eau ou en pro­tégeant la pro­duc­tion. Mais que faire de ces plas­tiques après usage ? L’essor des films biodégrad­ables s’inscrit dans une réponse qui a évolué récemment.

L’agriculture mon­di­ale utilise chaque année 6,12 mil­lions de tonnes de plas­tiques. Ce n’est qu’une frac­tion de la pro­duc­tion totale. L’agriculture française, par exem­ple, con­somme env­i­ron 105 000 tonnes de plas­tiques par an, soit moins 2% de la con­som­ma­tion nationale ; un chiffre représen­tatif des pays développés.

Mais ces 2% méri­tent une atten­tion particulière. 

Par leur impact d’abord : util­isés prin­ci­pale­ment pour la pro­tec­tion des cul­tures (ser­res, filets pro­tecteur con­tre la grêle, films pro­tecteurs du sol pour les cul­tures maraichères, bâch­es pour le con­di­tion­nement des four­rages), ils per­me­t­tent de lim­iter la con­som­ma­tion d’eau, d’utiliser moins de pes­ti­cides. La pro­duc­tion inten­sive va ici de pair avec une réduc­tion de l’empreinte environnementale.

Par leur devenir ensuite. En Europe et aux États-Unis des fil­ières de recy­clage ont été mis­es en place. Mais his­torique­ment les plas­tiques usagés étaient prin­ci­pale­ment expédiés en Chine : l’arrêt bru­tal des impor­ta­tions chi­nois­es en 2018 pose un prob­lème de débouchés à court et moyen terme 1. Et pour les films util­isés en plein champ, sou­vent souil­lés et alour­dis ce qui renchérit le coût du traite­ment, le recy­clage n’est pas la meilleure option ; en out­re, des frag­ments demeurent dans les champs. Enfin, dans de nom­breux pays le recy­clage n’est pas pratiqué.

C’est dans ce con­texte qu’ont été dévelop­pés des films dégrad­ables, qui sont lais­sés sur place. Les procédés sont-ils vrai­ment favor­ables à l’environnement ? Depuis dix ans, des débats ont lieu sur ce sujet, en Europe et aux États-Unis 2.

Oxodégrad­able ou biodégradable ? 

La fil­ière his­torique, représen­tée par des acteurs comme le Bri­tan­nique Sym­pho­ny Envi­ron­men­tal ou le Brésilien Tek­plast, est cen­trée sur les plas­tiques « oxo-dégradables ».

Il s’agit de polyéthylène auquel est ajouté un agent pro-dégradant (sel organomé­tallique de fer, man­ganèse ou cobalt) qui, sous l’effet du ray­on­nement UV, de la chaleur et de l’oxygène de l’air, va cass­er et oxy­der les longues chaînes de polyéthylène pour les trans­former en plus petites molécules ; un proces­sus qui dure de deux à 24 mois. Les fab­ri­cants font val­oir que 90 % de ces micro-déchets sont ensuite assim­ilés par les microor­gan­ismes présents dans le sol. Les défenseurs de l’environnement, mais aus­si le lob­by européen des fab­ri­cants de bio­plas­tiques, Euro­pean Bio­plas­tics, met­tent en avant 3 les 10% restant et la pol­lu­tion con­sti­tuée par les microplas­tiques résidu­els, qui résis­tent même à la « diges­tion » par des com­posts indus­triels ; la Com­mis­sion européenne s’est rangée à leurs argu­ments en 2018 4.

L’interdiction pro­gram­mée (2021) des films agri­coles oxo-dégrad­ables dans l’UE favorise les films biodégrad­ables, fil­ière émer­gente dont le fer de lance est l’Italien Novamont.

La biodégra­da­tion n’est pas une sim­ple frag­men­ta­tion sous l’effet de proces­sus chim­iques, mais une diges­tion par des microor­gan­ismes. Dif­férents dans leur com­po­si­tion, les plas­tiques agri­coles biodégrad­ables sont des pro­duits de haute tech­nolo­gie : pas moins de 50 brevets pro­tè­gent le pro­duit-phare de Nova­mont, le MaterBi.

Avec une pro­duc­tion mon­di­ale annuelle de 161 000 tonnes, soit cinq fois moins que leurs équiv­a­lents dans les embal­lages ali­men­taires, les plas­tiques agri­coles biodégrad­ables représen­tent aujourd’hui une niche dans une niche 5. Mais l’essor de cette indus­trie émer­gente est assuré par l’effet ciseau des prob­lèmes de la fil­ière recy­clage et de l’élévation du niveau des normes dans l’UE. C’est aujourd’hui une spé­cial­ité européenne, soutenu dans le cadre du con­sor­tium européen Agro­biofilm 6. Le sujet est suivi de près par la Chine qui est le pre­mier pro­duc­teur mon­di­al en vol­ume et dont le leader Pujing Chem­i­cal Indus­try CO accom­pa­gne les travaux des indus­triels européens.

1https://​cam​pag​ne​seten​vi​ron​nement​.fr/​l​a​-​f​i​l​i​e​r​e​-​d​e​s​-​p​l​a​s​t​i​q​u​e​s​-​a​g​r​i​c​o​l​e​s​-​e​s​t​-​e​n​-​d​a​nger/
2https://ag.tennessee.edu/biodegradablemulch/Documents/oxo%20plastics.pdf
3ows​.be/​w​p​-​c​o​n​t​e​n​t​/​u​p​l​o​a​d​s​/​2​0​1​3​/​0​2​/​A​n​a​e​r​o​b​i​c​-​d​i​g​e​s​t​i​o​n​-​o​f​-​t​h​e​-​o​r​g​a​n​i​c​-​f​r​a​c​t​i​o​n​-​o​f​-​M​S​W​-​i​n​-​E​u​r​o​p​e​.​p​d​f​(​ouvre un nou­v­el onglet)
4https://​www​.ows​.be/​w​p​-​c​o​n​t​e​n​t​/​u​p​l​o​a​d​s​/​2​0​1​3​/​0​2​/​A​n​a​e​r​o​b​i​c​-​d​i​g​e​s​t​i​o​n​-​o​f​-​t​h​e​-​o​r​g​a​n​i​c​-​f​r​a​c​t​i​o​n​-​o​f​-​M​S​W​-​i​n​-​E​u​r​o​p​e.pdf
5https://​www​.euro​pean​-bio​plas​tics​.org/​m​a​rket/
6http://​www​.agro​biofilm​.eu

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