Un nouveau télescope de grande envergure, le télescope spatial James Webb (JWST)1, doit être lancé cette année, quelques jours avant Noël. À bord d’une fusée Ariane 5, il quittera la terre depuis le port de l’Agence spatiale européenne (ESA), à Kourou en Guyane française. Cette mission tant attendue est souvent décrite comme étant la mise en fonction du successeur du télescope spatial Hubble.
Exploration lointaine
Cet observatoire spatial, le plus avancé jamais construit, fonctionnera principalement dans les longueurs d’onde de l’infrarouge proche et moyen plutôt que dans le visible comme Hubble. Cela permettra l’exploration la plus détaillée à ce jour des galaxies et des étoiles les plus lointaines et les plus anciennes. Le JWST étudiera aussi des corps célestes proches, des planètes extrasolaires et notre propre système solaire. Ce télescope pourrait révolutionner notre compréhension des exoplanètes et de la façon dont les premières étoiles et galaxies se seraient formées dans l’univers.
Le JWST est le projet phare commun de la NASA, de l’ESA et de l’Agence spatiale canadienne. Il est doté d’un miroir segmenté de 6,5 mètres de diamètre — trois fois la taille de celui de Hubble —, ce qui le rend plus de 400 fois plus sensible que les télescopes infrarouges terrestres ou spatiaux actuels. Le miroir est si grand qu’il doit être plié en trois. Il sera déplié une fois que le télescope aura atteint sa destination.
Le nouveau télescope couvrira le spectre visible à ondes longues et les longueurs d’onde de l’infrarouge allant de 0,6 à 28 microns et embarquera quatre instruments scientifiques*. Il sera exploité pendant cinq à dix ans, plus si possible, et sera envoyé au point de Lagrange L2, qui se trouve derrière l’orbite de la Lune, à 1,5 million de kilomètres de la Terre. Là encore, il est très différent de Hubble, qui est resté sur l’orbite terrestre. Le JWST est également équipé d’un très grand pare-soleil de 22 x 10 m pour le refroidir et le protéger des radiations infrarouges du soleil.
Les quatre instruments scientifiques à bord du Integrated Science Instrument Module (ISIM) du JWST :
- Caméra visible/proche infrarouge (NIRCAM),
- Spectrographe proche infrarouge (NIRSPEC),
- Instrument pour infrarouge moyen (MIRI),
- Fine Guidance Sensor/Near InfraRed Imager and Slitless Spectrograph (FGS/NIRISS).
Les principaux objectifs scientifiques du JWST seront les suivants : « Première lumière et réionisation dans l’univers primitive », « Assemblage des galaxies », « Naissance des étoiles et des systèmes protoplanétaires » et « Systèmes planétaires et origines de la vie ».
Étudier l’époque de la « réionisation »
Au cours de sa première année de fonctionnement, ou Cycle 1, le JWST cherchera les atmosphères des exoplanètes rocheuses proches et sondera les galaxies les plus anciennes de l’Univers, c’est-à-dire celles qui se sont formées moins d’un milliard d’années après le Big Bang. Ces galaxies sont si peu lumineuses qu’elles n’ont pu être détectées par les télescopes précédents, à l’exception d’une poignée d’entre elles — découvertes par Hubble. Ces nouvelles observations nous aideront à comprendre une partie importante de l’histoire de l’Univers, connue sous le nom d’époque de réionisation (ou première lumière) — une période allant d’environ 400 000 à un milliard d’années après le Big Bang, lorsque les premières étoiles et galaxies sont apparues. Il se pourrait que la réionisation ne se soit pas produite partout en même temps, mais par poches et bulles. Ces bulles sont liées à la structure initiale à grande échelle de l’Univers, et le JWST espère pouvoir cartographier cette structure.
Le JWST sera capable de voir beaucoup plus loin dans le temps, jusqu’à seulement 200 millions d’années après le Big Bang, qui s’est produit il y a 13,8 milliards d’années. Jusqu’à présent, nous pouvions remonter jusqu’à 400 ou 500 millions d’années après le Big Bang avec les instruments existants, mais le JWST pourrait voir « la première lumière » de l’Univers.
Le temps total d’observation pendant le Cycle 1 sera réparti entre plusieurs sous-catégories : 32 % pour l’observation des galaxies, 23 % pour les exoplanètes, 12 % pour la physique stellaire et 6 % pour notre propre système solaire. Au sein de ces programmes, il existe des programmes de petite, moyenne et grande ampleur, dont certains sont considérés comme des « trésoreries », censés fournir d’énormes quantités de données qui occuperont les futures générations de chercheurs pendant des décennies.
Étudier l’atmosphère des exoplanètes cibles
Le JWST étudiera également l’atmosphère d’une dizaine d’exoplanètes, parmi les milliers découvertes ces dernières années, et observera ces mondes lors de leur « transit » devant leur étoile hôte. Ces observations permettront aux astrophysiciens de déterminer si elles ont une atmosphère et d’analyser par spectroscopie la composition et la structure de base de toute atmosphère présente.
Les exoplanètes ciblées auront une taille comprise entre une et trois fois celle de la Terre, et sont connues sous le nom de « super-Terres » et de « sub-Neptunes ». Le JWST pourrait transformer notre compréhension de ces planètes. Pour en arriver à déceler des biosignatures sur des planètes potentiellement habitables, nous devons d’abord comprendre toute la diversité des planètes qui ont été découvertes à ce jour. Les super-Terres et les sub-Neptunes semblent être les types de planètes les plus courants dans la galaxie, même si nous ne savons toujours pas de quoi elles retournent réellement.
Le JWST est un « monstre », construit pour transformer notre vision de l’Univers et pour réaliser des travaux d’astronomie révolutionnaires. Il révélera à l’humanité les zones les plus éloignées de l’espace, jamais vues à ce jour. Mais il y aura également des images que l’on fera pour avoir de très belles choses à montrer au monde entier sans lien direct avec la science, qui nourrira l’imaginaire et incitera à la réflexion.