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L'hydrogène vert doit encore faire ses preuves

L’hydrogène : un effet de mode contre l’effet de serre ?

Cécile Michaut, journaliste scientifique
Le 8 juillet 2021 |
5 min. de lecture
En bref
  • De nombreux Etats et entreprises placent leurs espoirs dans l'hydrogène pour lutter contre le réchauffement climatique.
  • Mais la production d'hydrogène (H2) nécessite l'apport d'autres sources d'énergie qui émettent du CO2.
  • Actuellement, 95% de l'hydrogène est produit à partir de combustibles fossiles, car c'est moins cher. Les 5 % restants sont produits par électrolyse, ce qui nécessite de l'électricité provenant du réseau (également issue de combustibles fossiles).
  • Pour en faire réellement un carburant vert, d'importants investissements en R&D seront nécessaires, associés à de fortes incitations réglementaires.

Cet arti­cle fait par­tie du deux­ième numéro de notre mag­a­zine Le 3,14 dédié à l’hy­drogène. Décou­vrez-le ici

L’hydrogène est à la mode. Cer­tains États et entre­pris­es pla­cent en cet élé­ment chim­ique beau­coup d’espoir pour lut­ter con­tre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique et rem­plac­er à terme les éner­gies fos­siles. Pas une semaine, ou presque, sans une annonce ent­hou­si­aste con­cer­nant ce gaz comme vecteur d’énergie : un bus à hydrogène pour la com­pag­nie Trans­dev, un véhicule util­i­taire à hydrogène et pile à com­bustible dévoilé par Cit­roën ou bien encore un réseau d’hydrogène trans­frontal­ier entre la France, l’Allemagne, et le Luxembourg. 

Il faut dire qu’à pre­mière vue, il a tout pour plaire. Lorsqu’on le brûle ou qu’on le con­somme à l’aide d’une pile à com­bustible, on récupère de l’énergie ther­mique ou élec­trique et de l’eau sans pro­duire de pol­lu­ants. Pour­tant, sa pro­duc­tion actuelle est très émet­trice de car­bone, et pour qu’il devi­enne une énergie verte, il fau­dra réalis­er de gros investisse­ments en R&D com­binés à de fortes inci­ta­tions réglementaires.

Le trans­fert d’élec­trons qui se pro­duit au cours de ce proces­sus génère de l’élec­tric­ité à par­tir de l’hy­drogène, le seul sous-pro­duit étant l’eau. Les piles à hydrogène pro­duisent donc une énergie dite « pro­pre », et c’est la façon dont l’hydrogène est pro­duit qui est sus­cep­ti­ble de génér­er de la pol­lu­tion. Cette trans­for­ma­tion est actuelle­ment inef­fi­cace : dans le meilleur des cas, seule­ment 65% de l’énergie est transférée. 

La pro­duc­tion d’H2 émet du CO2

Si l’hydrogène est le con­sti­tu­ant majori­taire de l’univers, sur Terre les atom­es d’hydrogène n’existent presque pas à l’état de gaz de H2 pur dont il est ques­tion dans l’ensemble de ce dossier (ou dans les fil­ières hydrogène). On ne peut donc pas s’en servir comme source, mais on peut néan­moins l’utiliser comme vecteur d’énergie, tel que l’électricité. Cela sig­ni­fie qu’il doit être pro­duit à par­tir d’autres éner­gies poten­tielle­ment émet­tri­ces de CO2.

Aujourd’hui, l’hydrogène issu du refor­mage du méthane, une méth­ode de pro­duc­tion émet­trice de CO2, coûte env­i­ron 1 € par kilo, con­tre 4 à 6 € par kilo lorsqu’il est pro­duit par élec­trol­yse. Loi du marché oblige, 95 % de l’hydrogène est donc pro­duit par refor­mage (voir l’encadré « Un peu de chimie pour com­pren­dre l’hydrogène »). Les 5 % restants, pro­duits par élec­trol­yse, pour­raient être verts à con­di­tion que l’électricité util­isée soit elle-même décar­bonée (renou­ve­lable ou nucléaire), ce qui n’est pas tou­jours le cas (notam­ment avec les cen­trales à char­bon). 70 mil­lions de tonnes d’hydrogène sont pro­duites par an dans le monde, entraî­nant l’émission de 830 mil­lions de tonnes de CO2, soit 2 % des émis­sions mon­di­ales, un taux com­pa­ra­ble à celui du secteur aérien. 

Alors pourquoi cet engoue­ment ? Parce qu’à terme, il sem­ble être l’un des sub­sti­tuts pos­si­bles aux éner­gies fos­siles. Des indus­tries aujourd’hui très émet­tri­ces de CO2, comme la métal­lurgie ou la ver­rerie, pour­raient en béné­fici­er. En principe, il pour­rait aus­si per­me­t­tre une révo­lu­tion dans le secteur des trans­ports : les véhicules à hydrogène n’émettant pas de pol­lu­ant au moment où le car­bu­rant est con­som­mé, leur général­i­sa­tion pour­rait lim­iter la pol­lu­tion des villes. Enfin, le mix énergé­tique du futur, pour­rait compter sur l’hydrogène pour stock­er l’électricité pro­duite par les éner­gies renou­ve­lables inter­mit­tentes (éolien, solaire). 

Stock­age, sécu­rité, coût… des défis à surmonter

Dif­fi­cile de faire des prospec­tives fiables tant le futur de l’hydrogène dépen­dra de nom­breux fac­teurs : coût et disponi­bil­ité des éner­gies fos­siles, régle­men­ta­tion des émis­sions de CO2, inci­ta­tions finan­cières aux éner­gies pro­pres. Néan­moins, on peut retenir qua­tre débouchés prin­ci­paux pour l’H2 : l’optimisation du réseau élec­trique lorsque celui-ci accueille beau­coup d’énergies inter­mit­tentes, l’auto-consommation locale pour les zones non con­nec­tées au réseau élec­trique, le développe­ment de véhicules élec­triques à hydrogène, et enfin l’industrie.

Certes, ce gaz est util­isé depuis des décen­nies dans l’industrie (essen­tielle­ment pour la pétrochimie, les aciéries et la pro­duc­tion d’engrais azotés). On sait le pro­duire, le trans­porter dans des pipelines, et l’utiliser en toute sécu­rité (voir l’article sur le stock­age), mais les prob­lèmes posés par l’hydrogène-énergie sont nom­breux et com­plex­es. Com­ment le pro­duire de manière économique et peu pol­lu­ante ? Com­ment l’utiliser de manière sûre au quo­ti­di­en, et plus seule­ment dans l’industrie ? Com­ment le stock­er dans les voitures, les bus ou les avions, sachant qu’il doit être con­servé sous haute pres­sion ? Com­ment adapter les infra­struc­tures si les tuyaux de gaz actuels ne suff­isent pas ? Com­ment amélior­er les ren­de­ments de con­ver­sion énergé­tique (voir l’arti­cle sur la con­ver­sion) ?

Car, nous l’avons dit, l’hydrogène est avant tout un moyen de stock­er l’électricité. Dans le cas des éner­gies renou­ve­lables, par exem­ple, la pro­duc­tion d’électricité en péri­ode de grand vent ou de grand soleil par les éoli­ennes et les pan­neaux pho­to­voltaïques ne cor­re­spond pas tou­jours à la con­som­ma­tion. Il faut donc pou­voir stock­er cette élec­tric­ité, mais les bat­ter­ies actuelles sont surtout adap­tées au stock­age à court terme. Les pro­mo­teurs de l’hydrogène sug­gèrent donc d’utiliser cette élec­tric­ité pour pro­duire de l’hydrogène par élec­trol­yse, stock­er cet hydrogène aus­si longtemps qu’on le souhaite, puis con­ver­tir cet hydrogène en élec­tric­ité grâce à une pile à com­bustible. Mais pour le moment, le ren­de­ment glob­al n’est que de 25 % 1. Peut-on se per­me­t­tre de gâch­er les trois quarts de l’électricité produite ?

Tous ces défis ne pour­ront être relevés qu’à deux con­di­tions. Tout d’abord, un effort de R&D sans précé­dent, pour lever les freins tech­niques. Mais égale­ment des inci­ta­tions finan­cières : à ce stade, et compte tenu des coûts de pro­duc­tion, on voit dif­fi­cile­ment com­ment l’hydrogène vert par élec­trol­yse pour­rait pren­dre des parts de marché sans que les entre­pris­es ne soient incitées à le pro­duire aux dépens des modes de pro­duc­tion carbonés. 

Un peu de chimie pour com­pren­dre la pro­duc­tion d’hydrogène

Le refor­mage du méthane con­siste à faire réa­gir du méthane (gaz naturel) avec de la vapeur d’eau, en présence d’un catal­y­seur. L’équation de la réac­tion chim­ique mon­tre que la pro­duc­tion de CO2 est inévitable par cette méthode :

CH4 + 2 H2O → 4 H2 + CO2

On pro­duit donc une molécule de CO2 pour 4 molécules d’hydrogène (pour être chim­ique­ment exact, on devrait par­ler de molécule de dihydrogène).

La pro­duc­tion d’hydrogène à par­tir de char­bon est encore pire :

C + 2 H20 → CO2 + 2 H2

On ne pro­duit que deux molécules d’hydrogène pour une molécule de CO2

En revanche, l’électrolyse de l’eau ne pro­duit pas de CO2 :

2 H2O → 2 H2 + O2
Mais cette réac­tion est forte­ment con­som­ma­trice d’électricité.

La pyrol­yse du méthane (voir l’inter­view de Lau­rent Fulcheri) con­somme du méthane, mais ne pro­duit pas de CO2 con­traire­ment au refor­mage. Elle néces­site tout de même de l’électricité, mais 4 à 7 fois moins que l’électrolyse.

CH4 → C + 2 H2

Pour aller plus loin

1https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/rendement-chaine-h2_fiche-technique-02–2020.pdf

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