Les petits réacteurs nucléaires modulaires (SMR) peuvent-ils nous aider à atteindre nos objectifs en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre ? Pour de nombreux pays, l’énergie nucléaire représente une solution en général et les SMR en particulier, car ils sont potentiellement plus sûrs et, en principe, plus rapides et moins chers à construire que les réacteurs nucléaires classiques.
Les SMR, moins chers et plus flexibles
Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (IAEA)1, il existe aujourd’hui 443 centrales nucléaires en service dans le monde. Cinquante de plus sont également en construction dans 19 pays. La plupart d’entre elles sont de « grosses » centrales conventionnelles qui produisent plus d’un gigawatt d’électricité (GWe). Cependant, leur construction prend des décennies et coûte des milliards de dollars.
La fission étant une technologie d’échelle, elle peut être appliquée à la construction de réacteurs plus petits, définis comme ayant une puissance typique de 300 MWe. Moins grands et moins chers, ces SMR peuvent être construits en usine, puis transportés en modules vers les sites d’installation. Des « microréacteurs » ultra-compacts sont même en cours de conception. Ces derniers auront une puissance de seulement 1 à 20 MWe et seront encore plus faciles à transporter. Ces réacteurs pourraient être utilisés, par exemple, pour produire de la chaleur dans des applications industrielles telles que la fabrication de l’acier, pour alimenter en électricité des communautés vivant dans des zones reculées et pour soutenir le réseau électrique principal.
Les projets SMR dans le monde
Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (IAEA), il existe actuellement environ 70 projets SMR dans le monde, avec une grande variété de conceptions et de technologies avancées à l’étude. Il s’agit notamment de très petits réacteurs2, de réacteurs à eau pressurisée, de réacteurs à eau bouillante, de réacteurs à sodium, de réacteurs à sels fondus et de réacteurs à gaz. Les produits développés à partir des réacteurs de génération III et III+ seront prêts d’ici 2030, car ce sont les technologies les plus matures à l’heure actuelle.
Les SMR en France
En France, le CEA, EDF, Naval Group et TechnicAtome travaillent ensemble sur le Nuward SMR3, une technologie de réacteur à eau pressurisée (ou PWR pour pressurized water reactor) conçue pour répondre aux besoins croissants du marché mondial de l’électricité décarbonée compétitive dans le segment des 300–400 MWe. Le projet est en phase de conception préliminaire et sera étendu aux acteurs européens lors des phases suivantes.
L’idée de travailler sur des petites centrales électriques n’est pas nouvelle en soi. TechnicAtome, responsable de la conception de Nuward, développe depuis près de cinquante ans des réacteurs compacts, notamment pour la propulsion navale (sous-marins, porte-avions).
À l’origine, les SMR étaient destinés à amener de l’électricité dans des zones géographiques isolées – un marché forcément limité. Plus récemment, EDF a avancé l’idée de remplacer les centrales à charbon (il y a plus de 3000 unités à remplacer) par de petits réacteurs. Les centrales à charbon fermeront progressivement au cours des prochaines décennies pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de carbone. Il s’agit d’un marché beaucoup plus important qui offre la possibilité de construire une série de réacteurs, intéressant car cela permettrait de réduire le coût d’une centrale électrique – un avantage concurrentiel non-négligeable.
En outre, dans certaines régions du monde, le réseau électrique ne permet tout simplement pas l’installation de grandes centrales électriques en raison des coûts élevés et du temps nécessaire pour modifier le réseau local. La possibilité d’installer un SMR, au lieu, par exemple, d’une centrale à charbon, qui peut être raccordée au réseau existant est, en principe, plus simple. C’est donc ce marché qui est visé en premier lieu par les SMR.
« Il y a une effervescence dans le domaine de la R&D et du développement industriel des SMR, comme on n’en a pas vu depuis des décennies dans le monde du nucléaire », déclare Renaud Crassous directeur du projet SMR chez EDF. « Ce qui est également frappant dans cette évolution, c’est que ce ne sont pas seulement les entreprises nucléaires historiques qui s’impliquent activement, mais aussi un certain nombre de start-ups qui veulent se lancer dans le nucléaire. Avec cela, il y a aussi l’identification potentielle de nouveaux clients et de nouvelles utilisations de l’énergie nucléaire en général. »
Le développement de la technologie SMR en France
L’expérience industrielle de la France en matière d’énergie nucléaire sera un avantage certain dans certaines phases du développement des SMR. Le Plan France 20304 du gouvernement aura également un impact sur la stratégie de développement de Nuward puisque les subventions seront de l’ordre d’un milliard d’euros pour les SMR en général.
The development of SMR technology in France
Le consortium Nuward travaille actuellement sur la conception de son projet. Cette phase, qui s’achèvera fin 2022, comprend l’élaboration de plans architecturaux complets de la centrale et la réalisation de choix importants pour définir la sûreté du réacteur. Ces choix seront ensuite soumis aux autorités de sûreté compétentes. Viendra ensuite la phase de conception de base au cours de laquelle tous les composants de la centrale seront détaillés, spécifiés puis commandés aux fabricants. Un premier réacteur devrait être opérationnel en 2030.
L’installation d’une première série de réacteurs Nuward sur le sol français présenterait de nombreux avantages, notamment parce qu’elle représente une opportunité unique pour tout un réseau de petites entreprises en termes d’activité et d’emplois. Le consortium n’a pas encore désigné de site physique et indique qu’il étudiera les sites possibles cette année, puis établira une shortlist.