La fusion nucléaire se produit dans les objets célestes, comme le cœur des étoiles, et dans les armes thermonucléaires. Elle se produit lorsque deux noyaux légers, comme l’hydrogène et ses isotopes, fusionnent pour produire un noyau plus gros et plus lourd tout en libérant de l’énergie. Depuis 50 ans, les chercheurs tentent d’imiter ce processus pour des applications énergétiques et de défense nationale, mais il n’est pas facile de construire un réacteur de fusion capable de fournir de l’énergie de manière contrôlable.
Le laboratoire Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL) aux États-Unis a récemment réussi à créer un état de « plasma brûlant » sur le National Ignition Facility (NIF). Le LLNL est l’un des deux principaux laboratoires au monde travaillant sur une technique appelée fusion par confinement inertiel (ICF) avec des « lasers de puissance »1. L’autre laboratoire ICF est le Laser Mégajoule du CEA en France, actuellement en cours de construction.
Fusion par confinement inertiel
Pour produire une fusion thermonucléaire en laboratoire, il faut chauffer un combustible à des températures incroyablement élevées — semblables à celles du soleil. À de telles températures, le combustible perd son état solide, en devenant un « plasma », état dans lequel les réactions de fusion se produisent facilement.
Une fois la fusion réalisée, il faut produire plus d’énergie que celle produite, afin que l’énergie excédentaire puisse être utilisée dans des applications telles que la production d’électricité.
Il existe deux méthodes principales pour chauffer et puis confiner le plasma. La première consiste à utiliser le « confinement magnétique » dans un appareil appelé un tokamak. Ici, un anneau supraconducteur confine le plasma à des densités de pression relativement faibles, mais à des températures très élevées pendant de longues périodes. La seconde consiste à utiliser des lasers de puissance : des lasers qui émettent de puissantes impulsions lumineuses d’une durée de 10 à 20 nanosecondes seulement et qui produisent entre 1 et 2 mégajoules (MJ) d’énergie.
Cette deuxième technique est connue sous le nom de fusion par confinement inertiel (ICF) et nécessite des températures et des pressions élevées. De plus, une fois la fusion réalisée, il faut produire plus d’énergie que celle produite, afin que l’énergie excédentaire puisse être utilisée dans des applications telles que la production d’électricité. La réaction de fusion doit également être autoentretenue — un processus qui est déclenché par un phénomène appelé « ignition », dans lequel les particules alpha qui sont également émises pendant la fusion dégagent de la chaleur pour initier une nouvelle fusion.
Au NIF, les chercheurs ont utilisé un ensemble de lasers puissants étroitement focalisés sur une capsule de combustible de taille millimétrique, contenant de minuscules pastilles d’isotopes d’hydrogène — deutérium et tritium — suspendues à l’intérieur d’un « four » cylindrique à rayons X appelé hohlraum. Dans ce type d’expérience, la chaleur des rayons X émis par le four fait exploser, ou ablater, la surface de la capsule. Ainsi, en implosant, la surface de la capsule comprime et chauffe le combustible deutérium-tritium jusqu’à ce que les noyaux d’hydrogène fusionnent en hélium, libérant des neutrons et d’autres formes d’énergie.
Dans ce type d’expérience, nous parlons d’une capsule d’une taille initialement millimétrique. Nous la faisons ensuite converger vers un diamètre d’environ 50 microns afin d’augmenter la densité comme la température et générer la réaction de fusion.
Comprimer la matière à grande vitesse
Chaque impulsion laser ne dure que quelques nanosecondes et les lasers peuvent délivrer environ 1,9 MJ d’énergie. C’est ce puissant souffle qui provoque l’implosion rapide de la capsule, créant d’immenses températures pouvant atteindre 100 millions de degrés Celsius. À l’intérieur du point chaud central, dans lequel se produisent les réactions de fusion, les densités de pression sont 100 fois supérieures à la pression atmosphérique.
Le choc créé par le laser comprime la matière à des vitesses si élevées (d’environ 400 km/s) qu’elle atteint des énergies cinétiques énormes. Ce n’est que lorsque la compression « stagne » que l’énergie cinétique se transforme en énergie thermique, qui, elle aussi, est colossale. Seul un instrument tel qu’un laser de puissance possède l’énergie nécessaire pour comprimer ainsi la matière.
C’est la première fois que nous disposons d’un système dans lequel la fusion elle-même fournit la majeure partie de la chaleur — une étape clé pour atteindre des niveaux de performance encore plus élevés. Jusqu’à présent, les expériences de fusion produisaient des réactions de fusion en utilisant d’énormes quantités de chaleur externe pour chauffer le plasma.
L’ignition est-elle imminente ?
Si le NIF n’a pas encore atteint l’ignition, les chercheurs ont réussi à produire 1,35 MJ d’énergie en utilisant 1,9 MJ d’énergie laser, soit un Q (Efusion/Elaser) de 0,7, l’ignition étant définie comme un Q de 1. On est donc proche du but de ce travail effectué depuis une douzaine d’années.
On entend souvent dire que la fusion nucléaire ne sera toujours pas praticable d’ici 30 ans, mais les nouvelles percées réalisées dans ce domaine suggèrent que — tôt ou tard — les scientifiques travaillant sur la fusion auront le dernier mot.
Des lasers à l’École polytechnique
À l’École polytechnique, il y a deux lasers, un laser nanoseconde de kilojoule (kJ) appelé LULI2000 et celui de l’Infrastructure de Recherche (IR*) APOLLON, un laser femtoseconde potentiellement multi-pétawatt. Le premier peut être utilisé pour produire en laboratoire des conditions de plasma proches de celles associées à la fusion par confinement inertiel tandis que le second est destiné à la recherche fondamentale en régime de très haute intensité.
Si nous ne pouvons pas expérimenter la création de neutrons parce que nous ne disposons pas d’une énergie d’entrée suffisante ni d’un faisceau laser assez puissant, nous pouvons toutefois créer les conditions nécessaires à la fusion — températures élevées et haute densité du plasma — pour étudier la physique du confinement inertiel. Le plasma que nous créons au LULI nous permettra d’étudier la microphysique du plasma et de tester les codes numériques utilisés pour concevoir les expériences de fusion.
Le LULI fonctionne à des longueurs d’onde de l’ordre du micron avec une énergie maximale d’environ 1 KJ et génère des impulsions de lumière d’une durée de 10 à 20 nanosecondes. Le laser émet une impulsion à peu près toutes les heures et tient dans un bâtiment d’au moins 80 mètres de long, ce qui en fait une installation expérimentale relativement imposante.