Si le métavers est autant à la mode depuis moins d’un an, c’est que Mark Zuckerberg, le fondateur et président de Facebook, a communiqué tous azimuts sur le sujet. En réalité, ce concept date de 1992, depuis que l’écrivain américain Neal Stephenson en a dessiné les contours dans un roman de science-fiction intitulé Le Samouraï virtuel. Métavers vient de « meta » qui signifie « au-delà » en grec, vers correspondant à univers.
Facebook et son métavers
Un métavers, c’est donc ce qui englobe tous les univers virtuels. Quand Mark Zuckerberg évoque le sujet, il en livre évidemment sa vision, une direction où tous les univers virtuels, y compris des métavers déjà existants, se retrouveraient inclus dans le sien. C’est une perspective qui ne se concrétisera peut-être jamais, car une telle compatibilité entre tous les modèles de métavers mettrait des années à aboutir — si elle aboutit un jour. Il y a, par exemple, peu de chance que l’internet chinois devienne compatible avec un seul univers virtuel, celui de Facebook/Meta.
À mes yeux, il y a deux biais principaux à ce futur dessiné par Mark Zuckerberg. Le premier travers porte sur les bases d’un projet basé sur l’audience, la publicité, les NFT et le jeu vidéo. Avant d’être un film signé du réalisateur Steven Spielberg, Ready Player One est un roman d’anticipation signé de l’auteur Ernest Cline. Quelques mois avant de publier son livre, l’auteur a voulu confronter sa vision du métavers avec celle qui se profilait dans le milieu des start-up californiennes. Il est allé à la rencontre de Mark Zuckerberg d’une part, et de Palmer Luckey d’autre part, le jeune créateur de la société Oculus qui venait de remettre au goût du jour la technologie des casques de réalité virtuelle grâce à la puissance de calcul du moment. Ernest Cline a ajusté les caractéristiques du métavers décrit dans son roman après ces deux rencontres. L’année suivante, Facebook rachetait la société Oculus pour deux milliards de dollars. Le projet de création d’un métavers ludique et lucratif existe à la tête de la société américaine depuis déjà longtemps.
Le deuxième biais se situe dans le discours de Mark Zuckerberg, quand il donne l’impression qu’il faut absolument un casque de réalité virtuelle pour entrer dans le métavers. On comprend évidemment pourquoi, puisqu’il a désormais des casques VR à écouler. Mais en réalité, il n’y aucun prérequis en la matière. Pour entrer dans un métavers, il suffit d’un écran plat connecté (accès web PC ou Mac, mobile, etc.), d’une simple caméra intégrée et d’un avatar. Du reste, l’industrie des jeux vidéo n’a pas attendu les casques de réalité virtuelle pour créer des expériences immersives.
Rien qu’un monde virtuel
La définition du métavers est, en réalité, beaucoup plus simple. Il s’agit d’un univers virtuel persistant, ouvert en permanence donc, où chaque individu/avatar peut se rendre pour se retrouver en compagnie d’autres personnes qui sont elles-mêmes distantes les unes des autres. Voilà la promesse du métavers. Pour la tenir, il n’y a pas besoin de casques, mais des sciences cognitives. Le métavers s’appuie en effet sur ce que l’on appelle en sciences cognitives la « présence virtuelle ». Il doit recréer un sentiment de présence bien réel dans un environnement virtuel. Ce sentiment repose sur trois piliers.
Le premier, c’est le sentiment de présence de soi dans cet univers. Les études scientifiques prouvent que plus l’avatar nous ressemble, plus facilement et plus rapidement nous nous incarnons dans ce monde virtuel. Avec Manzalab, nous avons créé la plateforme Teemew, un corporatif métavers spécialisé dans le monde de l’entreprise et des formations. Dans Teemew, nous avons intégré un module où l’on peut, à partir d’un simple selfie, créer un avatar 3D photoréaliste très rapidement et aisément, gage de réussite dans cette recherche de présence de soi.
Le deuxième pilier du métavers, c’est le sentiment de présence spatiale, c’est-à-dire avoir conscience de l’environnement dans lequel l’avatar se trouve. Ce que préconisent encore les sciences cognitives, c’est qu’il doit être réaliste, le plus crédible possible. Cela nécessite parfois de travailler avec de véritables architectes pour établir une correspondance avec le monde réel. Bien sûr, il est tout à fait possible de réunir des avatars sur le sol de Mars, mais ce serait contre-productif, car l’attention des participants serait alors détournée par cet environnement dissonant.
Enfin, le troisième et dernier pilier consiste à créer l’impression de la présence des autres, celle du sentiment de communauté, et elle se base sur les moyens de communication mis à la disposition des participants. Pourtant, il faut être clair : jamais nous ne pourrons atteindre l’intensité du sentiment de présence du monde réel. Mais nous pouvons nous en approcher en rendant la communication la plus naturelle possible et en retrouvant le sens de l’informel. Par exemple, lorsque se termine une réunion en visio sur Zoom ou Teams avec six à huit personnes, tout le monde se téléporte généralement à un autre meeting. Dans le monde réel, il y a toujours un échange de quelques mots entre les participants. C’est cet informel que nous recréons dans le métavers. Et les sciences cognitives travaillent déjà sur le sujet depuis longtemps.
Monde virtuel, fatigue réelle
Ces outils de visioconférence ont été pour la première fois massivement utilisés à la suite de la crise du COVID-19. Les conséquences positives et négatives ont été nombreuses. Les sciences cognitives étudient par exemple de très près le syndrome du Zoom fatigue, cette sensation d’épuisement que l’on peut ressentir après avoir passé un grand nombre d’appels vidéo. Au-delà de la fatigue, le cerveau retient également moins bien les informations par rapport au travail en présentiel, que rien ne pourra concurrencer à mes yeux. Mais dans ce nouveau monde qui se profile, nous nous déplacerons sans doute moins et il faudra s’adapter. Le métavers est une solution pour recréer de la présence, la sienne et celle des autres, grâce aux mondes virtuels. Enfin, ce métavers produit dix fois moins de gaz à effet de serre que les solutions classiques de visioconférence. La raison est toute simple : toutes les images nécessaires à la création des environnements dans le métavers sont calculées localement, directement sur la machine de l’utilisateur. Les seules informations qui passent par le réseau, le cœur de la production des émissions de gaz à effet de serre, sont alors minimisées. De quoi donner à ce métavers qui se profile d’autres caractéristiques que la publicité ou les NFT.