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5G, 6G : quels enjeux pour les nouveaux réseaux de télécommunication

La 6G promet de fusionner les mondes humains et numérique

Sophy Caulier, journaliste indépendante
Le 1 mars 2022 |
5 min. de lecture
En bref
  • Le réseau mobile 5G affiche déjà des débits 10 fois supérieurs à ceux de la 4G.
  • La 6G devrait offrir des débits 100 fois supérieurs à ceux de la 5G, avec des fréquences comprises entre 100 GHz et 30 THz.
  • Cependant, en télécommunications, une fréquence plus haute porte moins loin, mais avec un meilleur débit. Il faut donc amplifier la puissance de la 6G pour améliorer ses performances sur la distance.
  • Sa faible latence (de l’ordre de la microseconde) rendra possible une connectivité fiable pour des applications en temps réel, qui conduira à des innovations de rupture dans plusieurs domaines, notamment le véhicule autonome, l’industrie 4.0 et la télémédecine ou la santé.
  • Les facteurs géopolitiques pourraient signifier un avenir plus fragmenté, avec le désir de souveraineté numérique des différents gouvernements.

Alors que le déploiement de la 5G n’en est qu’à ses débuts, les cen­tres de recherche et les opéra­teurs s’activent déjà autour de la 6G. Cette tech­nolo­gie ver­rait le jour autour de 2030. Pour quelles appli­ca­tions et quels béné­fices? Quels défis fau­dra-t-il relever?

La tech­nolo­gie de réseau 5G, dite de très haut débit mobile, a été lancée en France en novem­bre 2020. Pro­gres­sive­ment déployée sur le ter­ri­toire, elle ne le sera pleine­ment que d’ici à 2030. Fin sep­tem­bre 2021, l’Arcep (Autorité de régu­la­tion des com­mu­ni­ca­tions élec­tron­iques, des postes et de la dis­tri­b­u­tion de la presse) réper­to­ri­ait quelques 22 600 antennes instal­lées par les qua­tre opéra­teurs que sont Bouygues Tele­com, Free Mobile, Orange et SFR. Ces sites émet­tent dans les trois ban­des de fréquences de la 5G (700 – 800 MHz ; 1,8 – 2,1 GHz et 3,5 GHz). Les autoroutes et les routes prin­ci­pales devraient être respec­tive­ment cou­vertes en 2025 et en 2027.

Les prin­ci­paux équipemen­tiers de com­mu­ni­ca­tions mobiles et les cen­tres de recherche spé­cial­isés n’ont pas atten­du pour dévelop­per les tech­nolo­gies des prochaines généra­tions. S’il faut une décen­nie pour déploy­er com­plète­ment une tech­nolo­gie, il en faut au moins autant pour la dévelop­per et la nor­malis­er afin qu’elle soit prête à être com­mer­cial­isée. Ce qui explique que les travaux de R&D sur la 6G ont démar­ré avant même que la 5G ne soit lancée.

Des fréquences térahertz

Dans ses trois ban­des de fréquences, le réseau mobile 5G affiche déjà des débits 10 fois supérieurs à ceux de la 4G. La 6G joue la surenchère et devrait offrir des débits 100 fois supérieurs à ceux de la 5G, et ce grâce à l’utilisation d’ondes téra­hertz. En effet, les fréquences attribuées à la 6G sont com­pris­es entre 100 GHz et 30 THz.

Ces très hautes fréquences posent toute­fois quelques prob­lèmes que les lab­o­ra­toires de recherche ten­tent actuelle­ment de résoudre. En télé­com­mu­ni­ca­tions, plus la fréquence est basse, plus elle porte loin et moins le débit est élevé. Une fréquence plus haute porte moins loin, mais avec un meilleur débit. Il faut donc ampli­fi­er la puis­sance de la 6G pour amélior­er ses per­for­mances sur la dis­tance tout en main­tenant un fort débit.

À l’été 2021, l’entreprise sud-coréenne LG et l’institut de recherche alle­mand Fraun­hofer ont réal­isé un test et réus­si à trans­fér­er des don­nées sur une dis­tance de 100 mètres. Le précé­dent essai avait été réal­isé quelques semaines plus tôt par un autre Coréen, Sam­sung, sur une dis­tance d’une quin­zaine de mètres.

Les très hautes fréquences posent une autre dif­fi­culté, celle de l’emplacement des antennes. Pour que la per­for­mance et les débits atten­dus de la 6G soient au ren­dez-vous, les antennes devraient être espacées d’une cen­taine de mètres. Si cela ne pose pas de prob­lème de fais­abil­ité tech­nique en milieu urbain — out­re l’acceptabilité par le pub­lic —, le mail­lage du réseau devient plus dif­fi­cile à assur­er en milieu rur­al. C’est pourquoi les opéra­teurs dévelop­pent d’ores et déjà des solu­tions alter­na­tives, notam­ment les HAPS (High Alti­tude Plat­form Sta­tion). En jan­vi­er 2022, Air­bus a annon­cé étudi­er en parte­nar­i­at avec NTT, DoCo­Mo et Sky la fais­abil­ité de plate­formes satel­lites qui fourni­raient des ser­vices de con­nec­tiv­ité sans fil aux zones mal cou­vertes par les tech­nolo­gies mobiles telles que les océans, l’espace aérien et les zones isolées ou frap­pées par une cat­a­stro­phe naturelle.

Fusionner les mondes humain, numérique et physique

Après la voix (2G), le texte et les SMS (3G), les don­nées et les apps (4G), l’Internet des objets et l’automa­ti­sa­tion indus­trielle (5G), la 6G entend ouvrir un champ d’applications nou­velles. En inté­grant les mon­des physiques et numériques et en asso­ciant l’imagerie, la local­i­sa­tion et l’intelligence arti­fi­cielle, ces appli­ca­tions per­me­t­tront une immer­sion com­plète dans l’espace numérique pour des expéri­ences de com­mu­ni­ca­tion, d’interaction et de col­lab­o­ra­tion en réal­ité virtuelle, mais aus­si de la télé-chirurgie en temps réel, du stream­ing de vidéos en 16K, des véhicules autonomes et des jumeaux numériques.

Selon Nokia1, la 6G prof­it­era des avancées de six tech­nolo­gies clés. Les pro­grès accom­plis en intel­li­gence arti­fi­cielle et machine learn­ing (IA/ML) amélioreront la com­mu­ni­ca­tion entre deux ter­minaux. Grâce au spec­tre de fréquences téra­hertz qui lui sont allouées, la 6G offrira des débits jusqu’à 100 fois supérieurs à ceux de la 5 G. Le réseau sera « sen­si­ble » à l’environnement, aux objets et aux per­son­nes, ce qui lui per­me­t­tra de localis­er, mais aus­si de mesur­er dif­férents paramètres (vitesse, tem­péra­ture). La faible latence de la 6G (de l’ordre de la microsec­onde vs la mil­lisec­onde pour la 5G) ren­dra pos­si­ble une con­nec­tiv­ité fiable pour des appli­ca­tions en temps réel comme les véhicules autonomes ou la visio­con­férence. Grâce à cette con­nec­tiv­ité, de nou­velles archi­tec­tures réseaux se sub­stitueront aux réseaux filaires et faciliteront le déploiement de réseaux per­son­nal­isés et automa­tisés. Enfin, la 6G sera conçue en « secu­ri­ty by design » et inté­gr­era des fonc­tions de sécu­rité avancées dès sa conception.

6G et l’enjeu géopolitique

« Il peut sem­bler étrange de com­mencer à façon­ner la 6e généra­tion de réseaux de com­mu­ni­ca­tion mobile (6G) alors que la 5G com­mence tout juste à être déployée dans le monde entier. Mais nous pou­vons déjà imag­in­er les futurs cas d’utilisation pos­si­bles, tels que la télé­por­ta­tion et le jumeau numérique, le trans­port intel­li­gent et autonome, ou encore une expéri­ence de com­merce et de paiement entière­ment numérique. Out­re les tech­nolo­gies et les ser­vices, les mod­èles com­mer­ci­aux des réseaux de com­mu­ni­ca­tion mobile con­tin­ueront à évoluer rapi­de­ment dans les années à venir. Dans le domaine des tech­nolo­gies mobiles, comme dans de nom­breux autres domaines, les fac­teurs géopoli­tiques pour­raient sig­ni­fi­er un avenir plus frag­men­té pour le monde. En effet, dans leur désir de sou­veraineté numérique, les dif­férents gou­verne­ments poussent les chercheurs uni­ver­si­taires et indus­triels nationaux à génér­er autant de droits de pro­priété intel­lectuelle que pos­si­ble, façon­nant ain­si le paysage de la 6G. » 

Pr. Noel Crespi, Télécom SudParis.

Des enjeux technologiques, économiques et industriels

Les avancées tech­nologiques per­mis­es par la 6G vont con­duire à des inno­va­tions de rup­ture dans plusieurs domaines, notam­ment le véhicule autonome, l’industrie 4.0 et la télémédecine ou la san­té. Cela va se traduire par des oppor­tu­nités économiques tan­gi­bles. Dans une récente déc­la­ra­tion, la techno­pole de Lan­nion (Bre­tagne) estime que la mon­tée en puis­sance de « la 5G pour­rait représen­ter 20 000 nou­veaux emplois et 15 mil­liards d’euros d’ici 2025 ». Ces chiffres lais­sent augur­er d’un impact non nég­lige­able de la 6G.

Toute­fois, il reste plusieurs défis à relever. La ques­tion de la stan­dard­i­s­a­tion de la tech­nolo­gie 6G à l’échelle mon­di­ale soulève des ques­tions de sou­veraineté et de sécu­rité. De plus, il y a fort à pari­er que la ques­tion de l’acceptation par le pub­lic se posera à nou­veau, à l’instar des débats sur les risques san­i­taires et la réelle néces­sité d’une telle tech­nolo­gie qui ont accom­pa­g­né le lance­ment de la 5G.

1https://​www​.nokia​.com/​a​b​o​u​t​-​u​s​/​n​e​w​s​r​o​o​m​/​a​r​t​i​c​l​e​s​/​6​g​-​e​x​p​l​a​ined/

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