La 5G 12 est un nouveau standard technologique qui intègre 10 ans de R&D dans le domaine des communications cellulaires en matière de débit, de latence, de densité de connexion, mais aussi de sécurité des communications et d’efficacité énergétique (moins d’énergie pour une quantité de données transportées constante). Les améliorations viennent des évolutions des antennes et du traitement des ondes radio avec de nouvelles technologies comme celles des antennes massives MIMO3, qui permettent notamment d’exploiter des fréquences radio ayant des capacités plus importantes afin d’atteindre des débits plus élevés, tout en maintenant plus de connexions simultanées.
La convergence des réseaux télécoms avec les réseaux informatiques s’appuie sur des socles de logiciels communs et banalisés, comme sur des techniques telles que le slicing ou le edge computing. Celacomplète la panoplie des innovations de la 5G pour des usages plus fiables et plus flexibles. Cette technologie apporte ainsi des avancées importantes pour de nombreuses applications comme l’usine ou les territoires connectés, les transports collectifs ou individuels, la logistique, etc.
Bien que l’arrivée de la 5G s’accompagne d’inquiétudes dans le domaine sanitaire (exposition aux ondes), et de questionnements autour de la sécurité ou de la souveraineté, nous nous intéresserons plutôt à son enjeu capital. Celui d’arriver à tirer les bénéfices de la 5G tout en maîtrisant ses impacts environnementaux, en d’autres termes, de réconcilier connectivité numérique et durabilité. Ce qui conduit à considérer plus généralement la sobriété environnementale du numérique.
Quels sont concrètement les impacts de la 5G sur l’environnement ? Une analyse du cycle de vie nous conduit à considérer trois grandes phases : la fabrication des équipements (avec un impact sur la consommation de matières premières comme l’eau ou les terres rares et dans une certaine mesure une consommation énergétique plus ou moins carbonée générant des gaz à effet de serre), leur utilisation (principalement consommatrice d’énergie) et, enfin, la gestion de leur fin de vie (la production de déchets). Pour simplifier, nous nous concentrerons ici principalement sur la consommation énergétique, mais il faut bien garder à l’esprit que ce n’est qu’une facette de l’empreinte environnementale de cette technologie, comme du numérique en général.
La consommation énergétique de la 5G
Si avec le déploiement effectif de la 5G, la question du non-déploiement devient rhétorique, les études de déploiement et de non-déploiement nous permettent d’aborder des questions essentielles : comment allons-nous continuer à développer cette technologie et comment allons-nous nous l’approprier ? Ces questions sont d’actualité alors que les véritables disruptions comme le stand-alone, le slicing ou l’edge computing sont encore devant nous, et que les conditions du déploiement dans la bande 26 GHz sont encore à l’étude.
Où se concentrent les effets de la 5G sur l’environnement ?
- Le déploiement de la 5G conduit à changer des équipements. Les coûts de production de ces équipements (surtout ceux de renouvellement prématuré des terminaux) peuvent peser lourdement dans l’empreinte environnementale de la technologie.
- A contrario, le non-déploiement de la 5 G aurait conduit à la densification du réseau 4G, donc aussi à la production d’équipements, vraisemblablement en plus grand nombre pour les réseaux, et surtout des surcoûts énergétiques de fonctionnement, car, à volume de données constant, la 5 G est plus efficace.
- Ce qui complique tout, c’est que le passage à la 5G pourrait encourager des usages excessifs de débit par un effet de rebond difficile à quantifier.
Selon les hypothèses que l’on formule, on obtient des résultats radicalement différents.
Le rapport du Haut Conseil pour le Climat4 envisage ce que pourrait être l’empreinte carbone du numérique selon plusieurs variantes de déploiement et non-déploiement de la 5 G. Si l’incertitude est importante, les scénarios concluent tous que le déploiement de la 5G engendre une croissance importante de cette empreinte, principalement du fait de l’accroissement du nombre d’objets connectés au réseau.
Une étude menée par un comité d’experts auquel participent les principaux fournisseurs d’équipement réseaux et les quatre opérateurs mobiles métropolitains, et dont l’Arcep assure le secrétariat, apporte un éclairage plus détaillé sur cette question5. On constate que le déploiement de la 5G permet aux réseaux mobiles d’être beaucoup plus sobres dans les zones denses. En revanche, dans les zones à faible densité, à courts et moyens termes, ce serait plutôt l’effet contraire.
Mieux évaluer la consommation énergétique du numérique
Il est difficile d’analyser les effets de la 5G en l’isolant du reste de l’écosystème numérique, car chaque technologie, mobile ou filaire, est utilisée dans une imbrication toujours plus forte de l’informatique et des réseaux. C’est toute la consommation énergétique du numérique qu’il faut challenger. La difficulté de dégager des certitudes dans ce domaine met en évidence un grand besoin d’évaluations précises de la consommation énergétique. De telles évaluations sont indispensables pour guider les politiques publiques, mais également le comportement des utilisateurs et les choix des entreprises.
L’Arcep s’est investie sur ces sujets en 2020 en ouvrant la plateforme « Pour un numérique soutenable » et en organisant un débat public dans une démarche d’échange et de concertation avec les acteurs. Les grands outils pour réaliser de telles évaluations sont les analyses en cycle de vie, qui se nourrissent de toutes les connaissances scientifiques accumulées dans un domaine pour définir des méthodologies robustes, et des données amassées pour nourrir les analyses.
Dans ce cadre, l’autorité a démarré des programmes concrets, notamment :
- Une étude est menée avec l’ADEME pour quantifier l’empreinte environnementale du numérique aujourd’hui et à l’horizon 2030 et 2050, avec un premier rapport au Gouvernement attendu en 2022. Il s’agit de définir une méthodologie et des indicateurs qui permettent de réaliser une telle quantification.
- L’Arcep collecte déjà des données environnementales auprès des opérateurs de communications électroniques depuis 2020. Mais des données de tous les acteurs du monde numérique sont nécessaires : équipementiers, fournisseurs d’accès, opérateurs de centres de données, etc. On peut d’ailleurs noter qu’une loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Arcep, déposée par le sénateur Patrick Chaize, et qui élargit le pouvoir de collecte de l’Arcep, vient tout récemment d’être adoptée.
Enfin, il faut prendre en compte les effets positifs de la 5G. Bien sûr, certains insistent sur ces « externalités positives » pour ne pas trop avoir à se soucier des effets négatifs. Mais l’ambition de nos objectifs concernant la réduction de gaz à effet de serre est telle que la réduction de la consommation énergétique du secteur des télécommunications est une nécessité, aussi importants que puissent être des effets positifs. Il revient aux autorités de fixer des objectifs de sobriété sans pour autant freiner l’innovation qui pourrait aboutir à des gains environnementaux par ailleurs dans les autres secteurs qui s’appuient sur le numérique pour réaliser leur transition écologique.